La série venant officiellement de se terminer pour ma part (comment ça, une quatrième saison ? Un peu de sérieux, s'il vous plaît), je pense que je peux me risquer à en parler sans prendre de gant. Et donc Community est, et restera sans doute, la meilleure série comique de la décennie.
Son secret, c'est sans doute qu'elle n'est pas tout le temps drôle justement. Après une première saison vraiment frappée, où les épisodes cultes s'enchaînent comme des perles, à partir de la deuxième saison les créateurs prennent le risque de partir dans le doux-amer en mettant les personnages face à leurs responsabilités d'adultes. Le public aura tôt fait d'abandonner la série dès lors qu'elle était moins "marrante", ce qui à mon sens est une erreur. Si Community était simplement "marrante", elle aurait vite fait de tomber dans un marasme infernal de saisons de moins en moins drôles, avec des personnages de plus en plus plat.
Au lieu de cela, Harmon a eu les couilles de proposer quelque chose de différent, une série poil à gratter qui n'hésite pas à renvoyer au spectateur ses propres insécurités. Et finalement, même si les délires bien gratinés de la série me manqueront, ils me manqueront moins que cette bande improbable de copains, qui en même pas trois ans est devenue aussi ma bande de copains, que je me faisais une joie de retrouver tous les vendredis.
On pourrait rapprocher Community de Scrubs sur ce point, et pourtant difficile de mettre les deux sur le même plan. Scrubs est une sitcom "classique" dans le sens où des enjeux dramatiques sont toujours présents en filigrane. Dans Community, les plus gros enjeux se nouent sur deux-trois épisodes, puis se dénouent dans le plus grand n'importe quoi, comme si tout cela n'avait aucune importance. C'est vrai : tout cela n'a aucune importance. On se fiche un peu de savoir avec qui Jeff va-t-il finalement sortir, ou si Pierce va oui ou non quitter le groupe, ce qui compte c'est de retrouver chaque semaine toute la bande dans une aventure qui n'aura vraisemblablement rien à voir avec la précédente, et encore moins avec la suivante.
Le coup de génie de la série n'est pas de nous montrer ces personnages évoluer (car il n'y a pas tant matière à évolution, Troy et Abed emménagent ensemble, Annie les rejoint, Shirley se marie à nouveau, attend un bébé, certes ça bouge un peu, mais ces évolutions ne servent qu'à mettre en place la direction prise pour un ou deux épisodes, et sont rapidement oubliés par la suite), mais plutôt de faire évoluer la perception que l'on a d'eux. Aussi l'image que l'on a de ce groupe caricatural et stéréotypé change et se développe au fil des épisodes, se nuance davantage que dans d'autres séries (sauf Arrested Development à la limite), si bien qu'à la fin de la saison 3 on retrouve les mêmes personnages, mais notre vision en est radicalement différente. Les meilleurs exemples en la matière restent Pierce et Troy, mais interrogez une autre personne à ce sujet, et elle vous sortira Jeff et Shirley, ou Abed et Britta. C'est tout la force de la série, réussir à nous toucher personnellement sous le vernis du délire méta.
Pour moi Community n'a plus rien à m'offrir, même si j'aimerais pouvoir me tromper à ce sujet. Le groupe reviendra, c'est certain, mais amputé du génie malade qui planait au-dessus de sa tête. Le temps fort de la série aura été de voir Harmon insuffler la vie à ces personnages, mais maintenant qu'ils sont assez grands pour se débrouiller seuls, j'ai peur que quelques cadres crétins de chez NBC ne les transforment en clowns industriels avant de les abandonner salement dès qu'ils ne feront plus rire grand-monde. Bye-bye Greendale, j'aurais préféré que ton épopée se termine comme les plus grandes en queue de poisson, plutôt que par l'idée plus ou moins visionnaire d'une déchéance programmée. De toute façon dans la vie on n'a pas toujours le choix. Oh well.