Entre thriller politique et drame sportif, Dans l’Ombre sur France 2 et La Cage sur Netflix illustrent deux facettes distinctes de la fiction télévisuelle française. Deux séries que tout oppose mais qui interrogent à leur manière une certaine idée du combat, du doute et de la lutte pour vaincre.
À priori, rien ne semble réunir Dans l’Ombre, la série classieuse et élégante, incisive et pointue de Pierre Schoeller, qui ausculte le vertige et les méandres de la politique, et La Cage, série musclée et pionnière, un brin invraisemblable et bâclée, mais touchante de Franck Gastambide sur l’ascension d’un jeune combattant de MMA.
Et pourtant, ces deux œuvres font réfléchir sur ce qui nous importe ou pas dans le déploiement d’une fiction. La qualité de l’écriture, la tension dramatique, les personnages, le suspense, l’énigme d’un style ou sa franchise, la consistance d’un vécu ou tout autre chose : un ailleurs qui les rejoint, une obsession narrative, un goût pour le jeu. La tenue d’un chemin. Et cela, Schoeller et Gastambide le tiennent et nous l’offrent.
Dans l’Ombre, showrunnée par Pierre Schoeller (adapté du roman d’Édouard Philippe et Gilles Boyer), se distingue par la fermeté et la dignité de ses dialogues, leurs joutes cyniques et percutantes.
À dire vrai, souvent, nous pourrions quitter l’image pour entendre le texte, son humeur vigoureuse, son tempo, et la diction des acteurs, solide et limpide. C’est suffisamment rare pour le notifier. Dans l’Ombre pourrait devenir une fiction radiophonique, ce ne serait pas l’affaiblir, plutôt encore l’ennoblir.
Cette plongée au sein du collectif d’une campagne dans les arcanes d’une future élection, avec ses candidats (Melvil Poupaud en tête, incarnant un Paul Francœur saisissant de discernement et de rigueur), conseillers à l’œuvre et journaliste (Maud Wyler, savoureuse), se hisse avec vertu et panache dans le meilleur de ce que peut être une série-fiction scrutant l’exercice du pouvoir, les affres du doute et les enjeux ombrageux et vulnérables du politique.
Tous les personnages ici font la densité et travaillent au cœur de la série, son suspense, son attente, sa tension, sa paranoïa beaucoup plus intensément que Baron Noir.
Dans l’Ombre réussit ce que Franck Gastambide ne fait qu’esquisser dans le monde du MMA : nous accrocher par la danse des combats souterrains, les vertiges du rythme, galvaniser le spectateur par cette idée pourtant commune aux deux réalisateurs que le combat est la racine du monde, des interactions, des choses, des êtres. Le combat et le silence.
Pour autant, les deux séries ne sont pas éloignées par leur obsession matricielle. L’un, Schoeller (au premier film très réussi L’Exercice de l’État), ne cesse de disséquer et analyser le champ du pouvoir tel un entêtement frondeur et ravageur. L’autre, Gastambide, après le rap (et le succès de Validé), embrasse la passion du MMA avec une gourmandise enfantine nourrie à Rocky et sans doute trop de facilité ou engouement spontané. Il manque précisément à La Cage de l’ombre, du mystère, un entrelacs d’incertitudes ou une ligne romanesque plus affirmée.
Il n’en reste pas moins que pouvoir faire le grand écart entre ces deux séries constitue sans doute le principe même d’une vraie prouesse de création télévisuelle et laisse aux spectateurs le soin de se créer ce que Pierre Schoeller nomme son regard, son rythme, son chemin.
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