La claque, oh la claque.
Parfois on a beau essayer d'être objectif, il y a des œuvres qui vous hantent et dont le souvenir fasciné, lorsqu'on tente de les critiquer, résiste courageusement à toute tentative.
Pour la beauté de l'exercice je m'y risque tout de même, car après tout, Wolf Hall n'est pas parfait.
On pourrait bien par exemple, lui reprocher quelques jeux de regards un peu insistants, des enjeux pas toujours très clairs, l’épouvantable accent prétendument français d'Anne Boleyn, et... Voilà.
Mais que gagne-t-on à tolérer ces quelques défauts ?
Une œuvre hypnotique et captivante, qui fait preuve de beaucoup de pudeur et de finesse lorsqu'elle aborde la vie intérieur de son personnage principal.
Choix à mon avis pertinent quand on sait qu'il s'agit de l'adaptation d'un livre, et qu'il aurait été vite maladroit d'expliciter toutes les pensées auxquelles un lecteur omniscient a accès. Les rares séquences s'aventurant dans l'esprit de Cromwell suffisent selon moi amplement, et rajoutent une légère teinte d'onirisme qui apporte beaucoup à la série.
On n'adhère pas forcément. On pourra argumenter que ses intentions manquent de clarté, que ces séquences de réflexions sont trop contemplatives. Mais pour peu qu'on apprécie le style, cet impénétrable regard vert déchaîne l'imagination du spectateur, avide de savoir que ce qui ce cache dans la tête de ce redoutable tacticien. Capable de crever l'écran par sa seule présence, rarement un acteur m'aura tant marqué par son charisme.
Attention, le rythme est lent. Forcément quand 60% d'une série est consacré à filmer un personnage qui réfléchit en silence ça demande un temps d'adaptation. Mais faites confiance au showrunner et laissez vous porter jusqu'à la fin de l'épisode 3.
On y comprends alors ce que la lente construction des enjeux et des personnages est capable d'apporter à terme.
Sans transition, Quel plaisir de voir une série historique qui fait suffisamment confiance au spectateur pour oser raconter son histoire sans y placer un twist, une scène de sexe ou de violence tous les quarts d'heure. Celle ci parvient à retranscrire avec une remarquable finesse l'humanité de ses personnages. Il n'y a ni bourreaux, ni victimes, ni sadiques, ni innocents, juste des êtres animés par des convictions diverses, tous touchants à leur manière.
La direction artistique enfin, est impressionnante. La photographie est crue, réaliste. Beaucoup de scènes sont filmées dans la pénombre, au crépuscule ou à la lueur d'une bougie. En plus de donner un vrai cachet esthétique au film, elle pousse le spectateur à s'approprier cet univers. A lui de deviner les décors, les visages, les expressions et autres éléments qui se cachent l'obscurité.
La musique est envoutante. Tant mieux car on sera facilement tenter de se jeter sur la BO pour espérer retrouver cette ambiance si singulière, une fois la première saison achevée.
Wolf Hall est une série élégante, captivante et ludique, tant elle met nos imaginaires à contribution. On ressort des épisodes avec la délicieuse impression que le plus intéressant n'est pas ce que l'on a vu, mais ce qu'on a rêvé.