Digne successeur
De toutes les séries pré-disney+ Daredevil était ma préférée. "Les agents du Shield" partaient un peu trop loin, les autres Defenders et le Punisher étaient très cool, mais ne me touchaient pas...
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le 7 mars 2025
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Si vous avez fait un tour sur mon profil, vous avez probablement remarqué que Daredevil made in Netflix siège en haut de mon top séries. Alignement absolu des astres, elle contenait tout ce que les fans de Marvel et du personnage popularisé par Frank Miller étaient en droit d’attendre. Charlie Cox épatait en Matt Murdock et Vincent D’Onofrio incarnait le meilleur antagoniste Marvel sur les écrans aux côtés de Magnéto et Thanos. L’atmosphère sombre mettait en scène des personnages torturés et passionnants, le tout magnifié par une réalisation aux petits oignons. Les droits revenant finalement à Disney, la série et l’univers qui en avait découlé se sont effondrés en 2019 alors qu’il y avait assez de matière pour continuer. Les fans déçus, moi inclus, n’attendaient désormais qu’une seule chose : l’arrivée des personnages dans le MCU et une nouvelle série Daredevil sous la houlette de Kevin Feige. Ce qui devait arriver arriva le 15 décembre 2021, après des années d’attente Charlie Cox et Vincent D’Onofrio signent enfin leur entrée dans le MCU respectivement dans Spider-Man No Way Home et le dernier épisode de la série sur Hawkeye. Daredevil Born Again est annoncée dans la foulée, d’abord via un article Deadline et ensuite à la Comic Con de San Diego. Ça y est, l’histoire des personnages que nous adorons tant va pouvoir continuer, le Diable de Hell’s Kitchen pourra de nouveau briller après des apparitions pas vraiment remarquées dans She-Hulk et Echo. Un nouvel obstacle intervient, Marvel annonce la refonte de la série après la grève des scénaristes, les premiers épisodes n’ayant pas convaincu le studio. La panique commence à s’installer mais plus les annonces du retour des personnages de la série mère tombent et plus on semble se rapprocher d’une victoire, d’autant plus que l’équipe créative se compose entre autres de Dario Scardapane qui a travaillé sur la série Punisher et des réalisateurs Justin Benson et Aaron Moorhead qui nous ont notamment offert un final d’anthologie pour la deuxième saison de Loki. Nous revenons pour ainsi dire de loin mais après les craintes et les espoirs, j’ai le plaisir d’affirmer que Daredevil Born Again est un excellent prolongement à ce que nous avons connu du côté de Netflix.
Attention spoilers
Les premières minutes de la série nous font rapidement comprendre que la nouvelle équipe n’est pas là pour rigoler et qu’elle est prête à nous surprendre tout en s’assurant de faire plaisir aux fans. Initialement absents de la série, Foggy et Karen ou le cœur émotionnel de la série mère accompagnent notre cher Matt dans le fameux bar de Josie. L’alchimie du trio reste intacte et l’impression de retrouver des amis d’antan fait chaud au cœur. L’atmosphère change soudainement lorsqu’un autre personnage aimé des fans entre en scène. Benjamin Pointdexter ou Bullseye sort de la fumée dans un nouveau costume pour traumatiser l’audience dès les dix premières minutes en abattant Foggy. Le choc nous laisse bouche bée et la scène se prolonge en plan-séquence pour un affrontement entre Daredevil et Bullseye d’une intensité indescriptible tant la rage de Matt et la folie de Bullseye qui balance des couteaux sur les figurants impressionnent. Nous pouvons apprécier autant la chorégraphie que le travail sonore qui insiste sur les battements de cœur de plus en plus rares de Foggy. Matt Murdock ne sera définitivement jamais tranquille et la série peut démarrer sur des bases solides après une belle transition entre le masque qui tombe et le nouveau générique de toute beauté.
Les épisodes suivants sont plus inégaux et laissent percevoir les faiblesses de l’ancienne équipe créative jusqu’aux deux derniers conçus entièrement après le remaniement. Ce changement de troupe est clairement visible, dans l’écriture comme la mise en scène. L’équipe dirigée par Dario Scardapane semble avoir bien mieux compris ce que nous attendions et se montre tout simplement plus talentueuse. Le reboot créatif donne alors l’impression d’une série qui part dans tous les sens, certains arcs sont précipités et des éléments d’intrigue du premier épisode font étrangement leur retour dans le huitième. Cela dit, tout le travail de l’ancienne équipe n’est pas à jeter. Ils ont à mon sens totalement réussi l’arc autour de White Tiger en lui donnant tout ce qui était nécessaire d’un point de vue politique et symbolique. Hector Ayala de son vrai nom étant un Portoricain victime de bavure, rien ne semblait être à son avantage lors de son procès. Alors que Matt Murdock reprend foi en la justice, Ayala est froidement abattu après sa victoire, marquant alors le retour à la plus grande tragédie de l’Homme sans peur : justice aurait été mieux rendu en étant Daredevil. La mort soudaine et rapide du Tigre blanc frustre autant le spectateur que les personnages pour mieux décrédibiliser la justice.
Afin de marquer une pause entre cet arc et le suivant, la série s’autorise un épisode filler le long d’un braquage de banque dans l’épisode 5. L’intrigue n’avance pas, Fisk est absent mais Matt replonge peu à peu dans ses démons en enfilant une cagoule rouge et en brisant violemment un genou. Cet interlude est l’occasion pour l’ancienne équipe de montrer qu’elle est capable de construire un épisode efficace en reprenant les codes d’un genre bien défini (le film de casse) sur le même principe que l’assaut du commissariat dans la série Punisher. Il permet également de connecter davantage Daredevil au reste du MCU en donnant un rôle au père de Ms Marvel. Disney a en plus eu la bonne idée de sortir cet épisode le même jour que le suivant qui met un coup d’accélérateur à l’intrigue. Permettez-moi de passer ce sixième chapitre et d’aborder le septième qui nous a bien aidés à saisir les motivations de Feige quand il a demandé à remanier la série. Les personnages secondaires peinent à atteindre ne serait-ce qu’un cinquième de la puissance de Foggy, Karen ou l’agent Nadeem de la saison 3 malgré une base intéressante pour certains d’entre eux. Sans doute la faute à des durées d’épisode plus courtes, peu de place est laissée aux personnages secondaires. Daniel le protégé de Fisk et Heather, la seule à gagner en intérêt dans l’épisode 7, réussissent malgré tout à tirer leur épingle du jeu mais nous sentons que leur potentiel n’est pas pleinement exploité. Les personnages comme Cherry ou Kirsten manquent de caractérisation et de liens avec Matt, ils sont réduits à des rôles fonction. La déception principale reste Muse, antagoniste ultra prometteur le long de son teasing et de sa première vraie apparition dans le sixième épisode. Alors que l’atmosphère bascule dans quelque chose de plus glauque avec ce méchant au design terrifiant, les scénaristes choisissent de le tuer dès le septième épisode et de ne jamais exploiter son potentiel horrifique et policier.
Que ce soit la nouvelle ou l’ancienne équipe, tous ont parfaitement compris la puissance de Matt Murdock et Wilson Fisk. Au cas où vous l’ignorez, Daredevil est mon personnage préféré de l’écurie Marvel avec Spider-Man. Tout ce qui tourne autour de lui est une absolue réussite du début à la fin. Après avoir manqué de peu de tuer Bullseye, l’avocat est horrifié par son alter ego et décide de rendre justice par les voies traditionnelles. Encore en deuil et poussé dans ses retranchements après l’élection de Fisk à la mairie, il ne tarde pas à renouer progressivement avec Daredevil, comme s’il ne pouvait s’en débarrasser. Les retrouvailles démarrent par des lumières rouges ici et là rappelant que le Diable n’est jamais bien loin et au détour d’un top shot qu’il lui est soumis. Il y a cette scène à la symbolique forte dans laquelle Matt est seul dans le tribunal qui apparaît comme une église (la plongée se confond alors avec regard divin) alors qu’il a la corne de son casque dans sa main et qu’il se bat pour ne pas craquer. Les créateurs ont eu l’audace de ne pas faire apparaître le costume pendant une bonne partie de la série et de se concentrer sur des séquences de procès. Elles constituent une partie importante du personnage qui perd foi en la justice au point de la rendre lui-même. En défendant la veuve et l’orphelin en tant qu’avocat comme en tant que justicier, il permet d’être témoin d’un système corrompu par un homme d’affaires devenu figure politique et des policiers adeptes des bavures… Avec la justice vient le pardon et les scénaristes l’ont bien compris avec l’épisode 4 qui tourne autour de la rédemption, Matt ne se pardonne pas la mort de Foggy et défend un client qui malgré les secondes chances n’arrive pas à se faire une place. Lorsque Daredevil renaît, le diable a bel et bien repris possession de Matt quand il sourit en encaissant les coups de Muse. Charlie Cox est toujours parfait dans le rôle de sa vie, dans les moments de légèreté comme les moments de rage et d’émotions, il incarne le protagoniste avec une vraie justesse et transmet brillamment le stress du personnage quand il est en roue libre dans l’épisode 8.
La série a l’excellente idée de dresser un parallèle constant entre Matt et Wilson Fisk, son ennemi de toujours. En donnant un rôle principal à D’Onofrio, les créateurs ont pu le développer à merveille et montrer son évolution en même temps que celle de Matt. Son rôle de maire le rend davantage menaçant maintenant qu’il a tous les pouvoirs dont celui de créer une équipe d’élite anti-justiciers. Le charisme indéniable de D’Onofrio fait toujours des étincelles et à l’instar de Matt, l’alter ego de Fisk refait surface. Evidemment fidèle à sa Vanessa qui le remplace dans certaines activités, il agit avec plus de discrétion mais avec les mêmes méthodes que pendant ses heures de gloire. Le Caïd renaît en même temps que Daredevil à l’occasion d’un montage parallèle aux raccords satisfaisants à la fin de l’épisode 6 qui est sans aucun doute une des meilleures séquences de la série. Marvel découvre que le montage peut être un vrai langage et montre à plusieurs reprises que le Diable de Hell’s Kitchen et le Caïd sont plus proches qu’ils ne le pensent. Lui aussi bénéficie de quelques passages forts symboliquement. A la fin de l’épisode 4, on le voit verser du vin comme s’il versait du sang et il est caché par le verre, une manière de signifier qu’il se résume à la violence. L’épisode final voit Wilson Fisk redevenir le monstre sanguinaire qu’il était et j’ai applaudi.
Toutes les qualités que j’ai évoquées passent le niveau supérieur et certains défauts sont corrigés quand la nouvelle équipe a les pleins pouvoirs. La fin de saison est totalement dirigée par Scardapane à l’écriture ainsi que le duo Benson-Moorhead à la réalisation et le cap passé au niveau de l’intensité est sidérant. Les personnages secondaires sont subitement mieux traités et les voir tous au même endroit lors du gala permet d’avoir moins le sentiment que la série s’éparpille. Soucieux de reprendre l’héritage de la série mère, les créateurs ramènent Wilson Bethel en Bullseye et prouvent que l’idée de se passer lui était très mauvaise (le personnage n’apparaissait pas dans la première version). Dès qu’il apparaît à l’écran, il est fascinant tant, à la manière du Joker de Heath Ledger, il est aussi réfléchi qu’imprévisible. Il m’a mis des frissons à chaque apparition, m’a aussi immensément terrifié (la scène de la dent s’il vous plaît) et son arrivée au gala plonge la scène dans l’angoisse. Les autres retours qui mettent les larmes aux yeux sont ceux de Frank Castle et de Karen. Deborah Ann Woll a une alchimie instantanée avec Charlie Cox et a une vraie importance dans le déroulement du final, on applaudit Heather pour les efforts mais personne n’arrivera à la cheville de Karen. Après un dialogue génial avec Matt dans le quatrième épisode, Frank Castle renfile le costume du Punisher lors du final. Jon Bernthal est un monstre de charisme, encore une fois le casting est parfait et il vient remettre les points sur les i à travers des bains de sang jouissifs dont seul lui a le secret. Marvel répond enfin à l’appropriation du logo du Punisher par l’extrême-droite et les policiers aux méthodes discutables (qui a poussé les auteurs et dessinateurs de comics à changer le logo) en faisant dire au personnage qu’ils ne comprennent pas ce qu’il est et que ce n’est pas du tout en accord avec la vision d’un vétéran de guerre qui ne croit plus du tout au système après la mort de sa famille. Le personnage avait besoin de ce rappel et Marvel ose le faire en plus de laisser les réalisateurs créer des séquences d’action brutales.
La réalisation passe également un cap lorsque Benson et Moorhead sont derrière la caméra. Ils ont l’excellente idée du changement de format lorsque Murdock utilise ses pouvoirs, les bandes noires s’agrandissent et permettent aux yeux du spectateur de plonger dans l’ouïe fine du héros. Si j’ai bien compris ils se sont occupés de la fin du sixième épisode et la différence avec les autres scènes de combat est largement visible. L’action des épisodes aux mains d’autres réalisateurs est trop découpée, plus brouillonne et moins lisible. Le premier affrontement entre Daredevil et Muse bénéficie à l’inverse d’un montage qui nous laisse voir l’action et de cascadeurs en grande forme portant des chorégraphies plus soignées et complexes. D’ailleurs le montage parallèle fonctionne d’autant plus que les couleurs froides de la cave de Fisk s’opposent aux couleurs chaudes du repaire de Muse. Il y a aussi ce plan où la caméra se retourne en même temps que Muse pour montrer son esprit déséquilibré. La caméra du duo paraît plus maîtrisée, les mouvements sont plus réfléchis, quand l’épisode 8 démarre on sent que quelque chose a changé. Le travelling arrière qui part d’une rose bleue pour arriver par Bullseye en passant à travers les barreaux peut signifier beaucoup comme le fait qu’il sera bientôt libre mais des fois apprécions juste la beauté du geste. Cet épisode utilise aussi des lumières rouges pour Murdock et bleues pour Pointdexter, c’est une bonne idée mais j’aurais aimé que toute la scène soit monochromatique comme le faisait la série Netflix. Le massacre de l’appartement dans le final distingue bien Frank et Matt. Daredevil est filmé à vitesse normale pour mettre en avant son agilité tandis que Punisher est filmé au ralenti pour donner plus de poids à sa brutalité extrême. Je termine les exemples précis avec le rapport de point lorsque Daredevil est près de Red Hook avec Karen. Le focus est fait sur le héros avant d’être fait sur New York en arrière-plan pour montrer qu’il veille sur la ville et qu’il est celui qui, en saison 2, va la sortir de l’ombre. D’ailleurs la ville a une place essentielle tout le long de la série, plusieurs plans de coupe montrent la vie à New York et le BB Report qui sonde les habitants permet de faire vivre l’environnement. Les enjeux sont plus palpables car on voit les civils, les conséquences des événements sur le quotidien des New-Yorkais et cet ancrage devient trop rare dans les films de super-héros. Toutes ces bonnes idées compensent les faiblesses de la photographie peu inspirée, parfois trop grise et peu agréable sur les scènes à contre-jour, elle fait tache quand on compare à celle de la série Netflix.
Daredevil Born Again est donc un solide retour pour le Diable de Hell’s Kitchen. Cette première saison souffre des reshoots et du remaniement créatif qui ont engendré quelques inégalités et une intrigue trop éparpillée. Ces défauts n’ont pas suffi à me faire fermer les yeux sur l’immense respect accordé aux personnages qu’on adore et sur certaines séquences exceptionnelles. Retrouver de la mise en scène et du montage dans un projet Marvel est franchement réjouissant. Pour ceux qui l’ignorent, la deuxième saison sera entièrement contrôlée par Dario Scardapane et son équipe qui, vous l’avez compris, sont derrière les exploits de cette première saison. Ces personnes ont démontré qu’elles savaient ce qu’elles faisaient, je leur fais désormais une confiance aussi aveugle que Matt Murdock et attend avec impatience les prochaines aventures de l’Homme sans peur qui devraient faire monter ma note à 9
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le 16 avr. 2025
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