Refusant catégoriquement toute forme de manichéisme et sanctifiant ses personnages jusqu'à l'amour fou, le DEVS d'Alex Garland possède toutes les qualités de son cinéma, l'hyper-esthétisme, la cérébralité, l'avidité scientifique, l'amour de l'être humain, mais également les potentiels défauts : la froideur, la lenteur, la précision clinique. Autant d'aspects qui servent joliment sa série, très au-dessus de ses précédentes créations, mais qui laissera le grand public sur le carreau, trop occupé qu'il sera à chercher les trous et contradictions d'un scénario forcément improbable, bien que plausible, plutôt que de s'appliquer à en saisir le véritable sens.
Oubliant l'action frénétique des séries Netzon (tm) produites à la chaîne, DEVS éblouit par ses dialogues ciselés, tout en nuances, ses numéros d'acteur profondément touchants, ses cadrages magnifiques et quelques très belles idées de fond comme de forme, plus disposée qu'elle est à raconter qu'à divertir. Et quel plaisir d'échapper au carcan formaté de la série-prétexte où tout vient du spectacle et où tout y retourne, encore, et encore, et en boucle jusqu'à ce que lassitude s'ensuive - et explosions avec.
Boum-boum-pan-pan-fusillades-courses-poursuites-ras-le-bol, mais ça n'engage que moi.
"Pseudo-scientifique", DEVS ? "Pseudo-philosophique", comme on peut le lire ça et là ? Oui et non. Oui, parce que [SPOILER ALERT] c'est une fiction, comme toutes les autres fictions. Oui, parce que c'est le principe-même de la fiction que de ne pas être la réalité, et parce que même quand elle se pare des attributs de la science, elle n'en revendique pas la portée. Et oui, bien sûr, si le principe directeur de DEVS reste crédible sur papier, sa matérialisation dans la série s'affranchit du diktat du réalisme. On le sait. On l'accepte. Sans quoi il n'y aurait pas de fictions, jamais. Ou seulement les pan-pan-boum-boum, à la rigueur, que nul ne se sentira obligé de dire qu'elles pètent plus haut que leur postérieur - du moment qu'elles pètent, et en abondance.
D'un autre côté, DEVS n'est pas plus "pseudo-ceci" ou "pseudo-cela" que n'importe quelle autre oeuvre massivement encensée - et même autrement moins que la plupart d'entre elles. A une époque qui n'a, semble-t-il, plus rien à offrir d'autre que des super héros Marvel et des remakes de remakes de remakes, DEVS s'offre le luxe d'en prendre le contrepied pour aller à l'encontre de tout ce qui plaît et ce qui fait vendre, à quelques soubresauts de thriller près, ce qu'elle fait si brillamment qu'on en ressort ébloui.
Pour peu qu'on regarde où/comme il faut.