Descente en pente douce avant une fin lamentable pour cette série que nous chérissions...
Saison 1 :
Curieusement, "Dexter" n'a rien d'une série TV et tout d'un film "classique" qui ne se serait pas plié aux contraintes de durée réglementaire : pas de fiction foisonnante, mais une seule et unique intrigue, menée de main de maître avec un scénario très écrit, qui ne laisse pas de place à l'improvisation ; pas de mécanisme répétitif à chaque épisode, mais une progression, certes erratique, le long du fil du récit qui se complexifie ; pas de multiplication de personnages principaux vivant leur vie en parallèle, mais UN personnage (impeccablement interprété par Michael C Hall...) autour duquel gravitent des seconds rôles passionnants, dans un fonctionnement très habituel dans le cinéma. Et quand, au dernier épisode, riche en rebondissements comme tout thriller hollywoodien, l'action se clôt sur une résolution aussi satisfaisante qu'ambigüe, on ne voit pas très bien pourquoi il devrait y avoir une "deuxième saison". Appelons-la plutôt par avance : "Dexter 2 - le retour" !
Saison 2 :
On avait tellement aimé "Dexter" qu'on n'avait pas envie de lui voir une suite, qui aurait systématisé - et donc désincarné - les rituels et les obsessions de notre serial killer favori. Heureusement, les scénaristes de la saison 2 ont évité avec élégance le piège typique de la mécanique de "série télé", et l'ont approché comme une nouvelle histoire au long court, un nouveau sujet, un nouveau "film" à part entière. Avec un nouveau sujet, prolongeant le premier mais pas trop, avec un développement passionnant du personnage principal (Michael C Hall toujours parfait), avec un approfondissement des riches personnages secondaires, et avec - surtout - l'apparition de la fascinante Lila, qui répète brillamment l'ambiguïté "fascination - répulsion" à la base de "Dexter". Encore une fois un sans faute !
Saison 3 :
J'ai lu ça et là que la Saison Trois de "Dexter" était un échec, etc. etc. mais, s'il est normal que les "grandes" séries - et "Dexter" est désormais une "grande" série, aidé peut-être en ça par l'arrêt progressif d'autres séries un peu plus "grandes" - déçoivent régulièrement les grandes attentes qu'elles ont fait naître, il ne me semble pas que la baisse de régime assez "normale", ou habituelle en tout cas, enregistrée après deux ans de succès artistique et populaire, comme on dit, ne trahisse une réelle usure des mécanismes subtils à l'oeuvre ici ! Au contraire, s'il y a un côté un peu trop "évident", pas assez surprenant sans doute, dans la relation de complicité / duplicité entre notre serial killer préféré et son nouvel "ami et partenaire" Miguel, à aucun moment il n'y a un affaiblissement ici du jeu paradoxal entre fascination et répulsion, incompréhension et empathie, adhésion et condamnation, qui sont l'essence de la série. Comme le faisait "The Shield", mais sur un mode plus léger, plus pervers peut-être. "Dexter" nous confronte toujours à notre propre complaisance envers les valeurs les plus inacceptables, tant qu'elles sont incarnées avec sufisamment de conviction et de charisme. Même désormais un peu routinière, cette série populaire au bon sens du terme reste troublante, en ce qu'elle fait continuellement bouger notre perception de la normalité et notre acceptation de règles "éthiques" qui n'en sont pas.
Saison 4 :
D'où vient la (légère) déception que l'on ressent pour la première fois devant une saison de notre cher "Dexter" ? De l'accumulation - qui devient un peu ridicule - de serial killers dans la bonne ville de Miami, "Trinity", malgré la performance honorable de John Lithgow, n'étant pas le plus crédible de tous ? D'un scénario qui choisit de faire prendre à Dexter toutes les mauvaises décisions, et qui, du coup, paraît peu cohérent, voire même risible ? De la fausse bonne idée de soumettre notre serial killer à la pression de la vie de famille, une vie de famille qui se réduit en fait à une succession de clichés irritants, particulièrement dans la première partie de la saison (le bébé qui empêche de dormir, la femme au foyer qui harcèle son mari, on croît rêver...!) ? De la faiblesse de la conclusion - par rapport à celles des saisons précédentes -, qui se réduit à un coup de théâtre au final assez téléphoné ? On espère en tout cas que "Dexter" se redressera à la prochaine saison...
Saison 5 :
La quatrième saison de notre cher "Dexter", qui reste quand même, en 2012, l'une de nos "grandes" séries préférées, nous avait un peu déçus, tant les scénaristes semblaient peiner à renouveler leurs thèmes, et tant la situation de "père de famille" de notre serial killer adoré semblait peu propice à fictionner. Une fois ce problème réglé, la cinquième saison montre un net redressement, ou tout au moins un net changement de cap, avec un sujet "policier" beaucoup plus intéressant - un personnage de "monstre" moins stéréotypé que la série de serial killers ayant déjà défilé sous le couteau de Dexter -, et avec une histoire passionnelle (ou tout du moins une histoire de partage de passion) qui humanise pour la première fois - ou presque - Dexter lui-même. Cette 5ème saison fait en plus évoluer de manière intéressante tous les protagonistes de la série, et bénéficie une fois encore de l'apport d'acteurs "de cinéma" talentueux comme Julia Stiles et Peter Weller, irrésistible. Bref, "Dexter", c'est reparti !
Saison 6 :
Pénible, pénible, cette confrontation de notre cher et amoral Dexter avec les certitudes religieuses de l'Amérique, puisque chaque épisode nous gratifie de réflexions lourdaudes sur Dieu, sur la foi, etc. etc. qui transforme cette sixième saison en une sorte de marathon interminable pour n'importe quel athée. Bien sûr, on nous répondra qu'en fin de compte, Dexter reste sur ses saines positions quant à la non-existence d'un être suprême, que le fanatisme religieux est justement le motif des crimes insensés de la saison, mais en attendant, les scénaristes nous auront bassiné avec le personnage - par ailleurs bien joué par Mos Def - de l'ex-criminel repenti et entré "dans les ordres". Bon, sinon, la sixième livraison de "Dexter" reste dans la ligne des précédentes, ni géniale comme les deux premières, ni honteuse non plus, puisque ce qui paraît incohérent et laxiste dans l'histoire est habilement expliqué par un joli coup de force scénaristique. Bien sûr, les invraisemblances se ramassent toujours à la pelle, et on peut aussi être un peu gênés (ou non...) par la déclaration d'amour quasi incestueuse des derniers épisodes, qui voit Debbie, plutôt mieux interprétée par Jennifer Carpenter plus mûre, devenir un personnage beaucoup plus central de la série. Et puis il y a le cliffhanger final, justement, parfaitement réussi, et laissant présager d'une septième saison passionnante.
Saison 7 :
Après le délicieux cliffhanger qui terminait la saison 6, les scénaristes de Dexter ont eu la lourde tâche de développer tout au long de cette septième saison les conséquences de leur "coup de force", et, inévitablement, n'arrivent pas toujours à traiter correctement les états d'âme de Deb et son évolution - pas forcément fine (on n'est pas dans Breaking Bad, malheureusement) - au fil des événements qui prolifèrent de manière assez anarchique. On abandonne donc, et ça, c'est très bien, la mécanique désormais usée de la lutte entre Dexter et un serial killer, et l'on suit cette fois en parallèle une intrigue avec la mafia ukrainienne (Ray Stevenson, excellent, offre les meilleures moments de la saison) et une nouvelle aventure amoureuse de Dex, d'ailleurs plus crédible que les précédentes. Curieusement, les scénaristes semblent arriver au bout de ces deux intrigues prématurément et sont obligés de jouer les prolongations pour boucler l'affrontement entre Dexter et LaGuerta, ce qui nous donne au final une saison un peu maladroite mais originale, construite sur de nombreux de retours en arrière comme pour préparer le bouclage des thèmes principaux de la série, lors de la saison finale. On regrettera surtout la disparition progressive de la fascination que l'on ressentait pour un Dexter, qui s'avére ici de plus en plus humain (voir par exemple l'abandon de la rigueur du "code" qui régissait toutes les exécutions jusqu'à présent), donc désormais presque "ordinaire"...
Saison 8 :
Qu'est-il arrivé à l'équipe de "Dexter' pour qu'ils saccagent ainsi dans la dernière ligne droite une série qui nous était aussi chère ? S'il est vrai que la série n'avait plus atteint la même qualité après la seconde saison, elle était restée tout-à-fait regardable malgré l'épuisement - logique - de son sujet quand même assez "pointu". Le problème avec cette dernière livraison, c'est que rien ne fonctionne, ni l'intrigue faite de pièces rapportées et tout-à-fait ennuyeuse, ni les personnages qui semblent réduits à de pâles caricatures de ce qu'ils étaient lors des saisons précédentes. L'admirable Charlotte Rampling elle-mêm paraît constamment empruntée dans un rôle incohérent, mais le pire sans doute vient sans nul doute du fait de retirer à Dexter son essence de serial killer : devenu un homme "normal", il n'exerce plus sur nous aucune fascination, et nous irrite au contraire ici avec ses tergiversations stupides. Pour couronner le tout, la fin atteint des sommets de bêtise et d'invraisemblance. R.I.P. Dexter Morgan...