Cela fait un mois sinon un peu plus que je ne regarde plus de films, ou si peu, que je ne lis plus, ou très peu, que mon attention ne se fixe sur rien d'autre que cette formidable aventure qu'est Downton Abbey. Lorsque venait le soir et l'envie d'un verre post-journée de boulot, rien d'autre ne pouvait passer devant mon regard. Alors j'enchaînais goulûment épisodes et intrigues, me goinfrant de leurs substances sans chercher à offrir quoi que ce soit en retour si ce n'était mon temps.
Au début, on peut se montrer légèrement sceptique. Si on ne connaît pas forcément la série on va se dire que l'expérience va ennuyer ou du moins ne jamais réellement te faire bondir du canapé pour aller te jeter à la renverse, renversant au passage chat comme coussins. On se dit que bon, à flegme anglais son doux ennui, sa légère mélancolie. C'est méconnaître. Et rien de plus satisfaisant que de transformer sa méconnaissance en un plaisir certain. Maintenant que c'est terminé...enchaîner n'est guère aisé.
Downton Abbey évoque le passage du temps, l'évolution d'un monde en pleine essor, menant cohorte de protagonistes dans son sillage. Cela débute par le naufrage du Titanic et par là, la disparition des héritiers directs du Comté de Downton. Lord Grantham n'a de ce fait d'autres choix que de désigner un lointain cousin Crawley sans noblesse pour prochain successeur. Si cela part de l'intrigue mentionnée plus haut, l'histoire qui en découlera saura aller bien au delà et livrer sur une quinzaine d'années une histoire complexe aux destinées de personnages (allant de la grande noblesse anglaise aux serviteurs en tous genres) aux incroyables ramifications.
Bien évidemment en dire davantage sur les intrigues ne saurait être qu'une redite pour les connaisseurs, un frein à l'immense découverte pour les autres.
On ne le dira décidément jamais assez mais une bonne histoire de fond, une bonne ambiance, une musique, de bons décors et costumes, tout cela ne saurait être que des détails, un petit plus face à l'intérêt à apporter aux personnages. Et la force de Downton Abbey est évidemment son indéniable talent pour créer des protagonistes nuancés, d'un réalisme rarement atteint. Si dire que personne n'est parfait relève presque de la naïveté, c'est pourtant une réalité. Être humain c'est parvenir à survivre malgré ses faiblesses et tenter de s'accorder un bonheur qu'on ne croit pas mériter. Tous ont quelque chose de pertinent à offrir de leurs psychologies au téléspectateur blasé par tant de clichés encrés dans le divertissement facile : du majordome Carson, véritable incarnation du XIXe conservateur, au chauffeur Branson comme symbole de la réussite sociale et du mélange des milieux, en passant par quelques autres petites pépites comme l'inégalable Maggie Smith (très certainement le rôle de sa carrière), les sœurs Edith et Mary, vraies garces entre elles mais femmes fortes dans la vie ou encore le valet de pied Thomas, vérole à ses heures, extrêmement touchant à d'autres moments... Et encore on ne pourrait parler de tous sans se perdre dans un interminable laïus.
On le disait également plus tôt mais il est bon de rappeler que Downton Abbey parle avant tout de changements. S'il vogue autour d'une première guerre mondiale vécue comme un grand gâchis et une horreur sans nom, l'essentiel sera aussi d'observer comment le monde va réussir à rebondir et se moderniser peu à peu. Les nobles sont alors confrontés à la fin de certains de leurs privilèges, la réalité venant grignoter l'épaisse couche d'or dont il se sentaient fardés. Les serviteurs subissent aussi, devant se sortir du vieux monde pour réussir à vivre, passant notamment par l'éducation et l'acquisition de nouvelles capacités. Tous sont touchés de plein fouet, pour le pire comme le meilleur.
Downton Abbey va laisser sa marque, un sillon pour faire fleurir d'autres œuvres grandioses et amener des générations entières à se passionner pour celle-ci. Vivement que le recul par rapport à la série survienne afin de la reprendre de plus belle et à nouveau en être charmé.