Oui, les récits de confusion temporelle ne sont pas à proprement parler la démarche la plus innovante de ces dernières années. Pourtant que vous soyez en saturation ou non de ces intrigues à l'arborescence complexe, déroutant les repères du spectateur comme ceux du personnage principal, Erased peut malgré tout avoir l'opportunité de vous interpeller.
L'intrigue nous place du point de vue de Satoru Fujinuma, aspirant mangaka frustré, qui se réveille un jour 18 ans auparavant dans la peau du jeune garçon dont il avait oublié l'apaisant quotidien, avant que son enfance soit traumatisée par le décès d'une de ses camarades de classe. Disposant désormais de la connaissance du futur et de sa mentalité de 29 ans, l'aspirant héros va entreprendre de modifier le passé...quitte à en payer les conséquences.
Les différents éléments du synopsis pourront déjà vous sembler familiers mais le ressenti véhiculé par Erased est pourtant distinct des références que vous pourriez avoir en tête. Moins focalisé sur le ressenti mélancolique du héros comme dans Quartier Lointain, moins intéressé par les conséquences des choix du héros à la Life Is Strange et n'évoluant pas dans l'angoissante spirale infernale de l'Effet Papillon , Erased mise davantage sur un romantisme aussi naïf qu'attachant, s'attardant sur les liens affectifs que le héros parviendra à nouer grâce à cette seconde chance de vie.
Ce jeune homme solitaire, à la vie sociale morose, va ainsi s'efforcer de se connecter à son prochain, grâce à son assurance d'adulte, dans l'objectif de contrer les plans du tueur en série gravitant autour d'eux. Il se perd toutefois dans son propre jeu enfantin, réalisant ainsi le vide affectif dont il s'était habitué à vivre en grandissant et qu'il rejettera progressivement par la suite. Cette touchante connexion entre le groupe des enfants est quotidiennement contrebalancée par la cruauté froide d'un déterminisme temporel, semblant conduire inéluctablement le héros vers la catastrophe humaine qu'il essaye d'éviter.
Pas de résignation toutefois devant cette injustice existentielle, le héros refusera de baisser les bras face à ce déterminisme, véhiculant ainsi le traditionnel espoir décomplexé des Shonen au sein d'un univers bien plus désabusé. Mais ce n'est pas un hasard si l’icône héroïque, motivant Satoru, est un Super Sentai dont il finira par adhérer à la volonté inébranlable, mettant son cynisme d'adulte de côté.
Si le récit originel mérite d'être félicité pour saisir avec pertinence l'imaginaire des enfants et leurs réactions d'une sincère spontanéité face aux évènements, la mise en scène de la série animée sublime le propos en y rajoutant une couche bienvenue de symbolisme visuel, exploitant les éléments du décors et le choix des couleurs comme autant d'indices évocateurs de la situation des héros et de leur ressenti affectif.
Le principal écueil de la série est peut être de trop se focaliser justement sur les relations du héros au sein de son groupe d'amis quitte à en négliger son ressenti personnel sur le fait de revivre son enfance avec toute la mélancolie qui en est véhiculée. L'enquête policière empiète progressivement sur les personnages, à tel point que ceux ci ne semblent plus apparaître que lorsque le héros leur trouve une utilité dans ses plans pour contrecarrer le tueur en série (Erased ayant été pour cela logiquement comparer à Détective Conan).
Même la formidable maman de Satoru se retrouve souvent limitée à cet écueil, sa fameuse prescience utilisée souvent comme ressort comique constituant aussi un raccourci narratif pour l'intégrer plus rapidemment dans les plans du héros. Ce n'aurait été sans doute pas gênant en soit si l'enquête policière à proprement parler avait été un peu mieux agencée. Le déroulé des évènements temporels est d'une précision remarquable mais l'identité du tueur en série est évidente littéralement dès le second épisode et la série ne tentera jamais d'atténuer l'impact de cette révélation explicite.
Qu'à cela ne tienne, la charge émotionnelle d'Erased surpasse ses maladresses et en dépit de son final bien trop expéditif, le souvenir de la série reste gravé dans les mémoires avec le nom des jeunes héros qui ont participé à cette aventure. En témoigne cette magnifique scène de l'épisode 11, symbolisant en quelques instants tous les sacrifices consentis par le héros pour sauver ses camarades.
Erased est le parcours de jeunes enfants dont l'ingéniosité de la mise en scène et de la narration parvient à faire ressentir émotionnellement le lien qui les unit.
Les œuvres qui subliment véritablement la beauté de l'enfance sont rares. Celle ci en fait parti.