De l'art de se prendre au sérieux
Faire appel à un tel scénariste tenait déjà du génie : Chris Morgan - auteur, entre autres, des monuments de subtilité que ce sont Wanted et Fast and Furious. Voir le nom de l'ami au générique aurait déjà dû nous mettre la puce à l'oreille, nous donner une idée du chef d'oeuvre en devenir, de ce futur classique. D'autant plus qu'il avait su bien s'entourer : Ramon Rodríguez, l'habituel latino de service, RZA, ici en hipster badass, Terry O'Quinn, dont l'oeuvre dans laquelle il semble s'être paradoxalement le mieux retrouvé restera Lost, et enfin Cliff Curtis qui prouve à lui-seul que, peu importe les origines, pour les producteurs, un basané c'est un basané, qu'il soit indien, sud-américain, maori ou afghan.
Voir tout ce beau monde se rassembler pour un projet commun sur la FOX (qui n'avait pas besoin de ça) avait déjà de quoi être excitant : une série qui va mettre en scène le combat entre flics et gangs en plein Los Angeles. Qu'entends-je ? Plusieurs excellentes séries (insistons sur l'adjectif) l'ont déjà fait, entre autres The Shield et Southland ? Connais pas. Ou alors c'est du vol et du plagiat, et j'aime pas trop les voleurs et les fils de pute. Ahem. "Gang Related" est bien meilleure dans tous les cas. Car au-delà de l'originalité de son simple pitch se trouve un monstre - d'écriture, de mise en scène, de nihilisme, de cyclimse. Le pilote a des airs de chef d'oeuvre, ce souffle équipe que l'on ne retrouve que dans les plus grands récits de notre humanité (au hasard : La Bible, L'Odyssée, Michael Bay), cette façon de présenter avec une cohérence incroyable un univers qui nous est pourtant inconnu à la télévision : celui des flics. Des flics qui, en plus de ça, nous ressemblent tous : on a un chauve, un latino, un noir (hipster en plus), un asiatique et une femme ! Oui, oui, ça ressemble à l'entame d'une bonne blague (je me suis par ailleurs retenu, comme vous pouvez le remarquer), mais c'était sans compter sur "Gang Related" : la sublime série se prend vraiment au sérieux. On rigole pas avec les gangs. Faut dire qu'avec de tels acteurs, une telle maîtrise scénaristique, commencer à faire des blagues ou prendre un peu de recul face à ses qualités intrinsèques aurait été une grossière erreur. Non ? (non)
Mais c'est sur qu'ils sont gentils - j'ai bien dit gentil, pas homosexuel ! - parce que "Gang Related" ne va pas se limiter au plaisir de tous les instants, à l'excellence sériephile à son paroxysme. Elle va aussi servir de point de référence : personne n'arrivera à faire mieux, se définissant désormais comme un véritable point de chute à absolument atteindre si on veut un peu de reconnaissance.
Bref : j'aurais pu être ironique, dire que "Gang Related" ça vaut pas le coup, que c'est vraiment de la grosse (mais genre grosse grosse) merde, que foutre du hip hop toutes les vingt secondes ça ne rend pas tout badass, malheureusement... Mais je mentirai. On ne peut désormais qu'espérer que cette grande réussite aura droit à une saison 2, parce que moi je veux absolument voir la suite de cette histoire fabuleuse de flics high-tech, de gangsters infiltrés qui, s'ils jouent aussi bien leur rôle dans la diégèse que dans la série, n'ont pas à craindre de se faire démasquer, et d'un scénario qui évite à merveille toute forme d'ironie. Même du sort.
Télé de merde.