Ghost in the Shell: SAC_2045
5.3
Ghost in the Shell: SAC_2045

Anime (mangas) Netflix (2020)

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S’il est désormais indéniable que Netflix a profondément bousculé notre manière de consommer du divertissement et que le service a acquis une importance prédominante dans la culture populaire de ces dernières années, il est malheureusement regrettable qu’il n’ait pas fallu attendre bien longtemps pour assister à un effondrement qualitatif des différentes séries exclusives à ce service vidéo.


Le fameux N rouge, autrefois arboré avec fierté pour inciter le grand public à payer un abonnement afin d’accéder à ce contenu exclusif, s’est rapidement transformé en un signe péjoratif, capable de faire fuir même les abonnés qui continuent d’utiliser ce support pour son confort et son accessibilité, bien davantage que pour la qualité des œuvres inédites qu’il propose à longueur de journée. Il n’est pas nécessaire de creuser beaucoup pour s’apercevoir que la célèbre marque ne rime désormais que par opportunisme et avidité dans l’objectif très clairement identifiable de plaire au plus grand nombre et de capter le maximum de publics différents avec des œuvres très ciblées pour l’aura qu’elles représentent, davantage que la qualité dont elles feront preuve par la suite. Et s’il faut tout de même reconnaître un certain talent au service vidéo pour parvenir à acquérir les droits de multiples licences qui sont ancrées dans l’imaginaire collectif, il est souvent déplorable de constater que l’ambition de rendre hommage à la grandeur de ces licences du passé n’est jamais une réalité.


Pire, de nombreuses productions Netflix sont même légitimement qualifiées de cheapos puisqu’il est évident que les moyens mis en œuvre ne sont jamais suffisants pour retranscrire les univers dépeints avec l’éclat qu’ils mériteraient. Tabler large, miser sur le plus grand nombre, offrir le plus de diversité possible dans ses contenus, tout nous ramène finalement au même point : celle que la quantité des séries proposées s’est indéniablement opérée au détriment de leur qualité. L’éparpillement créatif de Netflix, multipliant ses productions en parallèle, est visible dès la page d’accueil et avec la concurrence à venir des autres services vidéos, il sera intéressant de voir à quel point la marque rouge pourra perdurer, en démocratisant une telle médiocrité dans son contenu.


Et si ce constat s’appliquait déjà largement aux séries télévisées habituelles, c’est l’animation Japonaise qui commence désormais à subir les affronts de ce procédé, malgré les beaux exploits encourageants qu’avaient représentés Violet Evergarden ou encore DevilMan CryBaby à leur lancement. Alors que le massacre de Saint Seiya n’a toujours pas été digéré (ni pardonné), c’est désormais une autre licence majeure de la Pop Culture Japonaise qui se retrouve broyée par le rouleau compresseur Netflix, et pas des moindres, puisque nous parlons ni plus ni moins de Ghost In The Shell, dont l’impact culturel pour l’acceptation de l’animation Japonaise à l’échelle mondiale n’est plus à démontrer.


Il ne s’agit toutefois pas des célébrés films de Mamoru Oshii mais de Stand Alone Complex, déclinaison télévisuelle davantage portée sur l’impact social de la démocratisation des technologies à venir que les considérations philosophiques et existentielles du Major. Une œuvre, à l’esthétique Cyberpunk moins marquée que ses modèles cinématographiques, et qui avant même notre Black Mirror occidental, s’était déjà évertué à proposer un futur d’anticipation crédible et inquiétant, où la technologie était désormais le cœur de la séparation entre les individus quand elle était pourtant censée les connecter. Une série dont la sobriété visuelle apparente permettait de se focaliser davantage sur le discours pertinent véhiculé par un récit parfois étonnamment visionnaire sur la manière dont les rapports entre les individus évolueraient au contact de la technologie.


Bref, une nouvelle déclinaison de cette facette de Ghost In The Shell apparaissait déjà plus louable, le format épisodique de Stand Alone Complex se prêtant davantage à l’arrivée de nouvelles intrigues et la série ayant déjà démontré à l’époque une différence de ton assumée entre ces deux saisons principales, ce qui laissait entrevoir la possibilité d’une nouvelle saison tardive qui trouverait également sa propre légitimité.


Le premier trailer de la suite de Stand Alone Complex est donc arrivé et la réaction ne s’est pas fait attendre. Le rendu visuel était d’entrée de jeu extrêmement rebutant, le choix d’un Chara Designer à la mode sur les réseaux sociaux plus que douteux et après les nombreuses critiques légitimées soulevées par l’esthétique de Saint Seiya Netflix, le service vidéo tendait réellement le bâton pour se faire battre en produisant à nouveau une esthétique aussi simpliste pour le retour en forces d’une autre licence culte japonaise.


Après les différents échecs récemment essuyés par le service, il n’en fallait pas davantage pour condamner immédiatement cette nouvelle déclinaison des péripéties du Major et de son escouade. Pourtant, toute cette colère légitime a semble-il fait oublier à beaucoup un élément important. Celui qu’après vingt années passées dans notre monde réel, où la technologie s’est déjà démocratisée à la manière de Ghost In The Shell, les scénaristes en charge avaient peut-être des nouvelles histoires à raconter après avoir baignés eux-mêmes dans un environnement numérique durant la dernière décennie.


Et fort heureusement, c’est bel et bien le cas.


Mais il faut malgré tout faire preuve de patience pour le constater. Les premiers épisodes ne sont en effet pas spécialement encourageants dans les thématiques qu’ils véhiculent puisque le cadre de l’action ressemble étrangement au contexte de Guerre Economique mis en place par Metal Gear Solid 4, bien loin des considérations sociales de Stand Alone Complex.


Les nouveaux protagonistes, mis en avant durant ces premiers épisodes, sont également horripilants et entre la nouvelle recrue littéralement traitée comme le Clown de Service, la Fangirl de Batou qui semble être présente pour cocher des cases auprès de certains Otakus et la caricature presque assumée de l’Agent Smith de Matrix, on est en droit de se demander si le foutage de gueule va bel et bien être intégral


Et plus exactement, il semble poindre à l’horizon la menace d’une américanisation outrancière du propos, en délocalisant l’action en Amérique du Nord et en plongeant la Section 9 dans une intrigue qui évoque autant la guerre froide et ses agents dormants que Roswell et la théorie du complot, bref des éléments bien plus proches de l’imaginaire occidental que de la culture Japonaise.


Mais ce serait toutefois oublié que Stand Alone Complex avait déjà démontré en son temps une capacité remarquable d’assimilation des éléments de la culture occidentale pour l’incorporer à son propos, le récit se basant après tout sur la mondialisation des données, des gouvernements mais également de la culture. Bref pour une série qui avait déjà su par le passé anticiper la création d’Anonymous, incorporer les tourments adolescents de J.D Salinger dans son antagoniste principal, offrir des hommages remarquables à Taxi Driver ou encore les Ailes du Désir, cette manière de flirter ouvertement avec un imaginaire plus occidental n’a rien de nouveau et ne doit pas être perçu, en dépit des apparences qui incitent à la méfiance, comme une vulgarisation créative.


Plus que toutes les autres déclinaisons de la franchise, Stand Alone Complex est avant tout affaire de scénario et c’est bien l’intrigue qui parvient une fois de plus à élever cette nouvelle adaptation, au-dessus du bourbier créatif des productions Netflix. L’histoire est en premier lieu bien rythmée, adoptant tout d’abord une narration plus énergique et accrocheuse avant de revenir symboliquement à ses origines, lors du retour de la Section 9 au Japon, et reprenant une structure narrative plus épisodique davantage semblable à ses aînés.


Les thématiques sociales redeviennent à nouveau le cœur des conflits de la Section 9, dont l’objectif est finalement d’assurer la sauvegarde d’un système défaillant, aussi déshumanisé qu’intrusif. Togusa, le membre le plus humain de l’équipe dans tous les sens du terme, se retrouve par ailleurs à nouveau au premier plan de l’intrigue, en questionnant à nouveau la légitimité des actes de ses adversaires et en témoignant tout simplement de davantage d’empathie face aux évènements dont la Section 9 est confrontée.


Alors certes, il est difficile en 2020 d’être aussi avant-gardiste qu’au début du nouveau millénaire et il serait possible de chipoter sur le sentiment de redite qui peut être véhiculé par certains épisodes, après les nombreuses saisons de Black Mirror, voir même certains anciens épisodes de Stand Alone Complex. Mais la série semble malgré tout bénéficier d’une liberté de ton assez bienvenue dans le paysage des productions Netflix, s’autorisant des ruptures de ton assez inattendues après le conformisme des premiers épisodes.


Ce qui permet d’autant plus de mettre en valeur une qualité insoupçonnée de la série : l’efficacité de sa mise en scène. Le choix du CGI simpliste peut certes demeurer condamnable mais il a clairement permis une libération de la mise en scène, en comparaison des premières saisons de Stand Alone Complex, s’autorisant davantage de fluidité dans les déplacements de la caméra, ce qui s’adapte parfaitement au cadre de l’action prenant souvent place sur un champ de bataille numérique.


Mais certes, cela ne permet pas de faire avaler totalement la pilule face à ce choix esthétique particulièrement douteux et parfois franchement insipide. Le Major parvient à tirer son épingle du jeu, certains plans réussissent même à être relativement soignés mais l’inexpressivité de l’ensemble des protagonistes (même pour des cyborgs) est extrêmement préjudiciable, dans une série qui se focalise à ce point sur ses interactions sociales.


Au final, je veux bien reconnaître que la récente débâcle de Saint Seiya Netflix avait tellement brisé tous les espoirs que je pouvais placer en ce nouveau Ghost In The Shell qu’il m’était plus facile d’être agréablement surpris en présence de cette nouvelle déclinaison. Mais en dépit de son enrobage disgracieux et de ses quelques maladresses narratives, il y a pourtant quelque chose de précieux dans ses nouvelles histoires que Stand Alone Complex tente de nous raconter, quelque chose que le Major a toujours espéré trouver sur le réseau : un semblant d’âme. Une âme qui parvient à subsister en dépit de l’opportunisme éloquent de Netflix.


Ce n’est pas le retour en fanfares que Ghost In The Shell méritait. Mais pour autant, ce n’est clairement pas une coquille vide.

Leon9000
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le 4 mai 2020

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