« Ghost in the Shell » est une franchise phare en science-fiction, tout autant qu’un must-see en animé. Il faut dire qu’entre le manga, l’animé et les films (d’animation), et bientôt un film live l’univers existe en différents formats. Avec la particularité que chaque format développe sa propre histoire, avec des caractéristiques qui lui sont propres. Ainsi alors que le manga contient une certaine légèreté avec un Batou maladroit qu’enguirlande toujours le Major, il est devenu sombre dans les films.
L’animé lui tire d’avantage du côté des films, mais distille des éléments plus fun, comme les Tachikomas, gros robots contrôlés par des IA insolites. Ils finissent en gagnant de l’expérience par penser par eux-mêmes, avec une maladresse et des réactions que l’on pourrait qualifier d’infantile, impression appuyé par leurs voies aiguës et des exclamations typiques des animés pour enfants/ado. L’univers reste le même : un futur proche où la technologie des implants cybernétiques est devenue monnaie courante. Nombre de personnes se sont fait greffer un ou des implants, améliorant considérablement leur force ou leur rapidité. Certains mêmes possèdent des cybercerveaux, leur permettant de communiquer et de se connecter à différents réseaux aisément. Une technologie qui ne va pas sans apporter de nouveaux problèmes : les cyber-cerveaux provoquent de nouvelles maladies, et il devenu possible, pour des hackers expérimentés, de pirater ces cerveaux artificiels pour manipuler la vision des victimes ou encore les contrôler. Tandis que les implants n’échappent pas à toutes sortes de trafic.
Les émotions, la douleur, les souvenirs peuvent maintenant être contrôlés ou modifiés par chacun, les consciences être transférées d’un corps à un autre. Les définitions classiques de l’homme sont brouillées tant il est encore plus difficile de s’accorder sur un consensus, le corps et l’esprit pouvant être tous deux être modifiés. A moins qu’il ne reste quelque chose d’immuable au-delà des supports physiques, le fameux Ghost, le Graal de tout IA.
Dans ce monde hyperconnecté où fleurissent les réseaux, la place de l’individu parmi la société se pose avec une acuité nouvelle. Un homme peut-il se prétendre libre et autonome, ou n’existe-t-il que parmi un ensemble encore plus grand ? La notion de « stand alone complex » émerge : des actes en apparence isolés qui sont en fait liés entre eux à un niveau supérieur.
Cette opposition, les Tachikomas en font l’expérience. Initialement tous identiques en étant régulièrement synchronisés, des individualités distinctes commencent à émerger.
Dans le monde de « ghost in the shell », les grosses entreprises sont toutes puissantes, et n’hésitent pas souvent à franchir les limites de loi pour augmenter leur marché : manipulation d’informations, chantage, extorsion…
La politique s’y mêle aussi : un ministre qui cherche à se faire réélire aux élections tente de détruire la Section 9 qui pourrait nuire à se projets ou encore une guerre en Eurasie déverse des milliers de réfugiés, que seul le Japon a accepté d’accueillir. D’abord utilisés comme main-d’œuvre, ils deviennent ensuite indésirables par la population, conduisant certains à recourir à la violence pour se forger une place. Un Japon qui cherche à trouver sa place parmi d’autres grosses puissances voisines telles la Russie et la Chine, avec un Empire américain qui cherche à renouer avec l’hégémonie qu’elle avait deux guerres mondiales plus tôt. Des velléités d’indépendance au sein d’une mosaïque de nations qui n’est pas sans évoquer là-encore la place d’une entité parmi un ensemble plus grand.
L’esthétique est plutôt sublime, avec un décor de villes futuristes typique du genre cyberpunk. Robots de guerre, armes et implants bioniques, voitures futuristes, drones… La musique à base de cœurs accompagne cette plongée dans ce futur exotique.
Faisant écho avec son titre, « ghost in the shell » alterne, surtout en première saison, épisodes individuelles (« stand alone episode ») et liés à l’intrigue (« complex episode »), avec une majorité de stand alone.
Ces stand alone constituent une partie de ce qui m’a gêné. S’ils sont de très bonnes qualités, qu’ils explorent différents aspects de ces technologies cybernétiques (homme qui fusionne avec la conscience transférée d’un autre…), ils n’incitent pas spécialement à regarder l’épisode suivant.
Mais c’est surtout le faible développement des personnages qui devient quelque peu rédhibitoire. Si l’on sait que Togusa est le seul membre non cybernisé et qu’il a une famille, que le Major est elle entièrement cybernisée et la plus forte de tous, que Batoo passe son temps libre à faire de la muscu, on n’en sait pas beaucoup sur eux et encore moins sur les autres, dont on retiendra à peine le nom. Alors certes ces membres ont des sentiments limités du fait de leur constitution artificielle, ce qui explique leur impassibilité et leur froideur, mais on aurait aimé en savoir plus sur eux, leur passé, les voir douter et évoluer.
Cela s’améliore en saison 2, où l’on découvre les circonstances émouvantes où le Major fut entièrement reconstituée, mais c’est encore très limité. Le lien entre le Major et un des adversaires qu’ils pourchassent, pourtant intéressant, n’est pas suffisamment exploitée.
La saison 2 modifie également sa structure et propose essentiellement des épisodes liés à l’intrigue. Un fil directeur nettement plus accrocheur, mais toujours atténué par l’impassibilité des personnages.
Il y a plusieurs réflexions sur les thèmes abordés, l’individualité de l’homme, le lien entre le corps et l’esprit, mais elles ne sont pas toujours faciles à comprendre, et un peu trop cryptiques. On peut même être tenté de penser que la complexité des phrases rend la réflexion plus profonde qu’elle ne l’est en réalité….
Je n’irais pas jusqu’à parler de déception, puisque l’animé contient assez d’idées intéressantes pour les adeptes de science-fiction, mais je dois avouer que j’ai dû me forcer un peu par moment pour regarder les épisodes. Etant donné l’importante renommée de la série, je m’attendais à quelque chose de mieux, de plus accrochant, voir transcendantal. Avec un meilleur développement psychologique, la série aurait sans doute était un chef d’œuvre irréprochable. Reste une œuvre à l’esthétique particulière, et une référence en la matière, bien que non parfaite.