Higehiro
6.2
Higehiro

Anime (mangas) AT-X (2021)

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After being disappointed, I shaved and wrote a review

Il y a parfois des œuvres dont on décèle un potentiel mais qui ne parviennent malheureusement pas à briller là ou on les attendait ou qui se retrouvent en conflit avec des valeurs personnelles qui nous empêchent de les apprécier comme il se doit. A l’instar de Kuzu No Honkai, c’est ce sentiment partagé que j’ai envers Higehiro, une œuvre qui exploite mal son propos à cause d’une industrie trop formatée et qui de surcroît se conclut sur une morale japonaise déplaisante d’un point de vue occidental.


Synopsis : En rentrant du travail à une heure tardive et quelque peu éméché, Yoshida, jeune salary-man célibataire de 30ans, fait la rencontre d’une lycéenne de 15ans nommée Sayu qui lui demande de la loger pour la nuit contre un service sexuel. Choqué par cette proposition, il accepte de la loger mais refuse catégoriquement de profiter de la situation pour abuser d’elle. Le lendemain, la lycéenne réitère ses avances mais Yoshida compte mettre les choses au clair, il n’est pas un lolicon, c’est un homme respectable et il est amoureux de sa patronne avec qui il tente de conclure depuis déjà quelque temps. Mais pourquoi diable cette pauvre enfant s’abaisse-t-elle à ce genre d’arrangement ? Yoshida n’insiste pas pour le savoir, elle a visiblement vécu des choses horribles et il compte bien l’aider à remonter la pente. S’il la laisse livrée à elle-même elle pourrait bien s’enfermer dans ce comportement autodestructeur, c’est pourquoi il accepte de la loger encore quelque temps à condition qu’elle arrête de l’aguicher.


En découvrant ce début de scénario je me suis dit « ah enfin un manga qui aborde des sujets difficiles avec un peu de sérieux » car il est rare de trouver dans cette industrie des œuvres matures et terre a terre, l’animation visant d’abord un public adolescent voire enfant. Le sujet de l’anime est plutôt délicat et est à mon sens très bien amené. Il aurait été facile de nous montrer le point de vue de Sayu afin de donner dans le pathos tire-larmes avec une surenchère d’événements mélodramatiques. Or, le manga a choisi d’orienter son récit sous un angle extérieur, afin de susciter chez le spectateur de la pitié plutôt que du jugement. En effet, si l’on avait vécu tous les événements du passé de Sayu d’un point de vue interne on se serait surement contenté de la juger en mode « mais pourquoi elle se laisse faire, c’est quoi cette réaction, elle a mérité son sort cette gourde ». Par ailleurs, le mystère qui entoure ce passif est ce qui permet de crédibiliser son mal-être et faire naitre l’empathie du spectateur, car le fait de simplement suggérer les choses nous invite à nous mettre à sa place en s’imaginant ce qu’elle a pu vivre. On suit donc plutôt le parcours des gens qui vont tenter de l’aider et auxquels il est sans doute plus facile de s’identifier.


Malheureusement la suite du récit m’a quelque peu donné tort (ou raison selon le point de vue) puisque, alors que se tissait une relation quasi père-fille entre les deux protagonistes et que les révélations sur le passé de Sayu apportaient une touche dramatique fort touchante, les choses se dégradent ensuite. En effet, lorsque Sayu entame un baïto pour reprendre petit à petit le pouvoir sur sa vie, elle tombe nez à nez avec Yaguchi, l’un de ses précédents tortionnaires.


Ce dernier ayant déjà abusé d’elle par le passé, il compte bien obtenir une nouvelle fois ses faveurs et profite donc de la situation pour la faire chanter. Pour cela il la contraint à le conduire chez elle (ou plutôt chez Yoshida qui est encore au travail) sans quoi il dénoncera son activité de prostitution au patron du Konbini ce qui ruinera ses espoirs de reprendre le contrôle sur sa vie. Bien évidement, à peine passé la porte de l’appartement, il saute sur la jeune femme et tente de la violer (élément qui sera d’ailleurs le déclencheur de la prise de conscience de Sayu). Heureusement Yoshida rentre pile à ce moment et la sauve in extremis.


Le problème n’est pas cette scène en elle-même dont la tension est palpable (sans mauvais jeu de mot =P) mais ce qui en est fait par la suite. Alors que l’altercation aurait dû s’arrêter là ou tourner la suite en cauchemar (puisqu’il menace de dénoncer Yoshida à la police pour lui faire porter le chapeau de son propre crime) la situation se verra aussitôt désamorcée lorsqu’il s’excusera sans trop broncher dans l’épisode suivant, sous la contrainte de Asami, une autre collègue et alliée, qui lui explique que « ce n’est pas très gentil d’agresser des femmes ». Et ca ne s’arrête pas là, à la suite de cet événement déjà fort peu crédible, il se montrera carrément protecteur envers Sayu à l’épisode qui suit, sans aucune raison valable pour justifier son changement de personnalité, et justifiant ainsi ses actes précédents comme oubliables, anecdotiques voire pardonnables. J’espère que vous saisissez déjà le premier point de divergence morale entre l’occident et le japon où la considération des femmes et la culture du viol ne sont pas franchement enviables malgré tout l’amour que j’ai pour ce pays.


Par la suite l’histoire prend limite le chemin d’une romance entre Sayu et Yoshida, même si ce dernier repousse toujours ses avances et entame une relation avec sa boss, l’accent est clairement mis sur des sentiments naissants avec Sayu, et ce dans l’unique but de créer des triangles amoureux et pouvoir caser un peu de fan service. J’en veux pour preuve l’opening qui représente à merveille le décalage entre le ton et le propos sensible de l’œuvre. Au début de l’aventure ces scènes ne me dérangeaient pas car elles ont du sens et j’admets qu’il faudrait que Yoshida soit un robot sans émotion ni désir pour rester totalement de marbre devant ses charmes de nymphette (me dénoncez pas a la police j’ai rien fait je vous jure, exceptée une fois au chalet). D’ailleurs il le dit très clairement, Sayu est belle et attirante, ca ne fait aucun doute, mais cette relation est impossible car immorale. Puis lorsqu’elle le complimente sur sa gentillesse ce dernier lui rétorque à juste titre qu’il n’est pas gentil, il s’efforce simplement d’agir normalement, ce sont les hommes dont elle a fait la rencontre jusqu’à maintenant qui était des salauds. Mine de rien ce message est profond et particulièrement percutant à une ère ou l’humain renie sa nature animal, ou le féminisme consiste à dire que tous les hommes sont des violeurs invétérés et ou par conséquent la société considère les pédophiles comme des monstres abjectes. Ca fait du bien de rappeler que la généralité ne fait pas l'universalité et que le désir n'a pas d'âge, il n'y a pas de soudaine barrière biologique dépendant d'une temporalité arbitrairement établi par l'Homme, seulement une limite juridique et éthique/morale auxquels tous le monde doit se résoudre un jour afin de s'élever au dessus des animaux primitif selon les critères de notre société contemporaine (je m’aventure sur un terrain glissant en disant ça mais je suis près a m’expliquer en commentaire s’il le faut, ou dans une éventuelle critique sur Beastars dont c'est l'un des sujets centraux). C’est aussi un élément charnière à la reconstruction de Sayu, c’est ce qu’elle avait besoin d’entendre et de constater à travers Yoshida afin de se rebâtir une confiance en soit et en l’autre. De même que les spectateurs masculins y verront une leçon de vie, Yoshida = G.O.A.T.


Pour en revenir au comportement racoleur de notre Lolita, c’est parfaitement cohérent avec le personnage. Sayu agit ainsi car elle pense que le sexe lui garantit une certaine stabilité, c’est pour elle un moyen d’être rassurée, une simple monnaie d’échange pour ne pas être considérée comme un parasite et se faire rejeter. On se doute évidement que la première fois qu’elle s’est abaissée à ça c’était sous la contrainte, sous la forme d’un marchandage et non de sa propre initiative et que depuis elle subit cette fatalité en reproduisant ce schéma, étant complètement déconnectée de ses actes pour ne pas se confronter à ce traumatisme. Raison pour laquelle le comportement de Yaguchi lui fait l’effet d’un électrochoc car pour la première fois elle s’est retrouvée de nouveau sous la contrainte et ça lui a fait prendre conscience qu’elle n’a en réalité jamais été consentante. Plus tard, arrive un moment où Sayu affirme cette prise de conscience et sort définitivement du déni de ces expériences traumatiques en pleurant dans les bras d’Asami et en lui disant qu’elle comprend que ce qu’elle a vécu avant de rencontrer Yoshida n’avait rien de normal. Après ce passage émouvant, la tension sexuelle avec Yoshida n’a plus lieu d’être à mon sens et ces scènes font stagner son évolution psychologique. Heureusement ce n’est pas trop appuyé non plus et, contrairement à ce que laisse penser le générique, la romance n’a pas pour but d’aboutir, on sent bien que leur relation s’oriente plutôt vers un rapport père-fille entre les deux protagonistes. Cela étant, aussi anecdotique que soit cet élément, je me devais d’aborder le sujet car c’est là tout le problème du formatage que j’évoquais en introduction, le manga a constamment le cul entre deux chaises, mi-sérieux mi-« je reste dans les clous de la comédie romantique haremesque pour pas trop perturber le spectateur cible habitué à ce genre de programme » et je trouve que cela pose un problème dans le traitement de l’œuvre.


Vient alors la fin qui est le second conflit moral que rencontrera l’occidental et sans doute le plus gros problème de l’anime (désolé je vais être obligé de spoiler sans balise sinon cette critique n'a plus de raison d'être mais je préviens quand même). Alors que tout convergeait vers une adoption de la gamine par Yoshida et sa boss (désormais officiellement en couple), le voilà contraint de rendre visite à la mère de Sayu, qui s’avère bien évidement être en grande partie la cause/responsable de sa fugue, afin de mettre un terme à ce drame familial… Alors, comment vous expliquer ce sujet sensible sans trop spoiler, disons que Sayu a une mère horrible qui lui reproche carrément d’être venue au monde, je passe sous silence les détails qui font de cet environnement un enfer pour Sayu qui a toutes les raisons du monde de ne pas retourner à ce quotidien et reprendre ses études dans son ancien lycée. Sauf que voilà, nous sommes dans une œuvre Japonaise et au Japon il n’y a rien de plus sacré que le lien maternel comme en attestent les nombreux cas de séparation ou la garde exclusive revient systématiquement à la mère sans aucune forme de procédure juridique et en particulier dans le cas où le père est un expatrié. C’est d’ailleurs d’actualité au moment même où j’écris ces lignes, un français a entamé une grève de la faim pour tenter de faire bouger les choses et obtenir le droit de revoir ses enfants.


On lui souhaite bon courage et bonne chance parce que vue la rigidité des règles japonaises il y a vraiment très peu de chances qu’il obtienne gain de cause ou même qu’il soit simplement écouté…


Bref, tout ça pour dire qu’en ce qui concerne l’anime, la question de l’adoption ne se pose même pas au final. Pire que cela, Yoshida s’incline et supplie la mère de raviser son jugement et assumer son rôle de mère même contre son gré, au moins jusqu'à ce que Sayu soit majeure après quoi elle pourra la rejeter à la rue. Oui vous ne rêvez pas, en conclusion de cette tragédie, la morale c’est « assume tes enfants femme et toi gamine pleurnicheuse même si t'es traitée comme une merde c'est ta famille alors fait avec et excuse toi d’avoir fugué sale trainée ». La violence quoi, j’étais jusque-là étonné de voir une œuvre japonaise traiter avec autant de justesse le sort de cette gosse qui comme je l’expliquais s’évite un jugement plein de clichés au profit d’une compassion plus appropriée ; tout ça pour en arriver là. Chassez le naturel il revient au galop… Si la fin avait voulu être sombre et tragique pourquoi pas, car c’est le sentiment qui aurait été recherché, on aurait conclus l’histoire sur un suicide de Sayu et on serait tous mindbreak comme après la lecture de Metamorphosis/HenshinEmergence (le fameux 177013, les vrais hommes de culture sauront de quoi je parle). Mais là c’est présenté comme une Happy End, tout le monde a repris son rôle, tout le monde est bien en rang, à sa place, dans la plus pure tradition Japonaise, FIN… Quand on connaît le taux de suicide des jeunes au japon, le taux de viole, la dureté des règles scolaires, de la vie en général et des relations familiale tendues que ça entraine (parent souvent absent pour le travail, peu affectif et exigent sur les résultats etc), je pense que les ados japonais qui vont lire ou regarder ce manga se seraient bien passés d’une telle conclusion…


Pour synthétiser je dirais que l’anime n’est tout de même pas mauvais en soit, c’est bien produit malgré une baisse de rythme sur les 3 derniers épisodes, les dessins sont beaux, la musique accompagne parfaitement la chose, bref, ça se regarde très bien et malgré tout ce que j’en ai dit ici j’ai été assez ému par cette histoire. Malheureusement j’ai bien du mal à accepter un final aussi froid et la légèreté de l’ambiance romantique qui fait perdre un peu le sens de ce périple psychologique et nuit à l’orientation mature et sérieuse de l’œuvre. J’aurais aimé une œuvre plus politique et progressiste, à l’image de Shimoseka dont j’ai également parlé ici. La bonne conclusion aurait du être « il faut parfois se perdre pour ensuite mieux se retrouver »

Nixotane
5
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le 21 juil. 2021

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