Saison 1 :
Étonnant combien de gens sont passés à côté de ce "petit projet" du célèbre Sam Esmail pour Amazon Prime : cette adaptation d'un podcast de Bloomberg et Horowitz coche en effet toutes les bonnes cases, de la réalisation inventive à l'interprétation exemplaire, en passant par le scénario malin mais pas trop non plus (pour éviter de tomber dans les travers manipulateurs de "Mr Robot"...)... mais est relativement passée sous les radars en France. Et c'est dommage car "Homecoming" est un superbe exercice de paranoïa, qui arrive régulièrement à créer une sensation de vertige assez rare.
Au-delà d'une structure originale - de courts épisodes de 30 minutes, avec le générique à la fin, en longue conclusion "ouverte" souvent fascinante - Esmail a eu la belle intuition de raffiner le scénario un peu habituel de deux temporalités entre lesquelles le téléspectateur doit essayer, avec le personnage principal - amnésique - de reconstruire ce qui a bien pu se passer, à l'aide de deux formats d'image : ce n'est que près de la fin qu'on saisira la raison de ce qui ne semble au départ qu'une coquetterie ou un repère pour le téléspectateur...
Si d'aucuns ont pu se plaindre de la relative simplicité de "l'énigme" (pas de twist final !), son intérêt réside largement dans le trajet individuel des personnages, soit vers la "révélation" d'une vérité insupportable, soit au contraire vers son oubli, bien plus confortable. Les acteurs sont tous très convaincants, ce qui est évidemment essentiel pour la réussite d'un thriller avant tout "mental", mais la palme revient cette fois à Shea Wigham, émouvant "rouage" rebelle d'une machine administrative déréglée par la corruption. Si Julia Roberts est aussi convaincante qu'à l'habitude, on ne pourra empêcher notre attention se détourner de son jeu pour contempler la débâcle d'une autre chirurgie plastique ratée.
La conclusion de cette petite série originale se déplace élégamment sur les aspects sentimentaux de l'intrigue pour une jolie épilogue douce-amère, mais laisse planer la menace d'une seconde saison, vraiment pas nécessaire...
[Critique écrite en 2019]
Saison 2 :
Après la réussite de la première saison, on craignait la déception pour cette suite du thriller paranoïaque de Sam Esmail produit par Julia Roberts, et voilà qu'au contraire, on se retrouve ravis devant une nouvelle réussite, peut-être même supérieure (... et ce d'autant que la mise en scène est débarrassée cette fois du jeu sur les formats d'écran, une idée astucieuse mais qui détournait un peu trop notre attention...) ! Voilà donc une exception qu'il convient de saluer à sa juste mesure, même si, une fois encore,on peut déplorer le manque d'intérêt du grand public pour "Homecoming".
Nous repartons donc sur les traces des abominables capitalistes criminels de "Geist", et nous affrontons un nouveau cas d'amnésie... qui nous laisse craindre au cours des deux premiers épisodes une simple redite des mécanismes qui avaient, il est vrai, si bien fonctionné la première fois. Quand Bloomberg et Horowitz nous font repartir dans un long flashback, le choc est sévère, et on réalise combien le conditionnement de la première saison nous avait lancés sur une fausse interprétation de ce que nous étions en train de regarder... Et ça, c'est indiscutablement très fort, et parfaitement enthousiasmant. A partir de là, portée par une Janelle Monáe totalement convaincante dans deux registres opposés, et par un Chris Cooper qui trouve là un nouveau grand rôle, "Homecoming" est un plaisir rare, intelligent, subtil... en même temps qu'un thriller ultra efficace qu'on dévorera à toute allure. Jusqu'à un final mémorable, presque bouleversant.
Les dernières scènes suggèrent une suite, croisons les doigts pour que la fine équipe de "Homecoming" ne gâche pas tout la prochaine fois...
[Critique écrite en 2020]