Homeland Saison 4 et son héroine détestable
La saison 4 de Homeland semble se détourner des thématiques qui constituaient les premières saisons pour devenir une série d’espionnage classique et réac’ (le Pakistan regorgeant de vilains terroristes après lesquels on peut courir sans vergogne). Il semble que ces thématiques de la paranoïa sur le territoire américain au sein de ses icônes et de sa population, qui constituaient tout l’intérêt de Homeland, ont été pressées jusqu’au zeste. Je ne suis pas vraiment d’accord et il y avait à mon avis plusieurs perspectives possibles : https://ytterblog.wordpress.com/2013/12/17/homeland-it-doesnt-matter-anymore/
Toujours est-il que la série a renoncé au territoire américain pour se délocaliser dans le Moyen Orient terrorisant les États Unis… et où nos personnages semblent tout à fait chez eux dans leur zone d’influence. Adieu les personnages ambiguës des saisons précédentes, leur motivations semblent s’être affadies pour ne se mettre qu’au service des intérêts anti-terroristes américain et de Carrie qui conduit son service d’espionnage de la pire façon qui soit.
Ce qu’Homeland réussit à faire en revanche, et je ne sais pas si c’est volontaire ou pas, c’est de nous mettre mal à l’aise : d’abord en faisant de Carrie plus qu’un personnage secondaire navigant entre les secrets, mais comme une personne assez horrible ne vivant que pour diriger et espionner en solitaire. Sans compassion, sans aucun sens des responsabilités vis à vis de sa famille ou des gens qui lui accordent sa confiance, sans scrupules vis à vis des personnes du Moyen Orient qui peuvent être kidnappées, manipulées, bombardées, et autres actions pas très cools, souvent en agissant à l’intuition. Bref, une parfaite ingérence dans un pays qui n’est pas le sien, mais qui semble l’être Au vu du nombre de fois où les Ricains l’on envahit. La simple présence de méchants très méchants justifie tout au nom des intérêts d’un pays lointain où Carrie n’a de toute façon aucune envie de revenir.
Bref, tout ce contexte me met mal à l’aise, me fait perdre mon affection pour le personnage de Carrie (qui avait déjà été mis à mal par ses conneries de la saison 3), d’autant plus qu’elle arrive à mettre de son coté d’autres collègues avec autrefois certains scrupules, mais qui à son contact les oublient pour faire encore plus n’importe quoi.
En somme, je suis à deux doigts d’arrêter cette série dont l’attitude idéologique semble perdre tout le sens de la critique qui faisait sa finesse dans les saisons précédentes, et devenir un ’24’ des années 2010. Je dis « semble » parce qu’il pourrait bien que cette série soit plus fine qu’elle n’en ait l’air, détruise volontairement l’image de cette Carrie qu’on aime bien pour en faire l’espionne la plus détestable qui soit malgré ses succès, et peut-être à l’avenir la faire sombrer dans ses défauts.
Car la recomposition des activités américaines à l’étranger et de la vie des expatriés US est finement détaillée, et les moyens déployés sur le terrain ont justement cette conséquence sur l’omnipotence à laquelle les personnages sur le terrain croient avoir droit. Et puis il y a quelques scènes qui mettent la puce à l’oreille.
Alors que je m’apprêtais à passer la main, arrive dans cette intrigue impérialiste la scène de « retournement » du jeune Ayaan. Carrie qui n’est plus à cela prêt passe de son rôle de directrice de la CIA locale en agent de terrain, et décide de coucher avec le jeune homme pour augmenter sa confusion, et être sûr qu’il fera pas faux bond. Cette scène met éminemment mal à l’aise, car elle est parfaitement réaliste, et chaque plan de caméra montre la tactique d’approche de Carrie pour arriver à son but. À cela s’ajoute la révélation que le terroriste censé être tué au début de la série ne l’est pas et qu’il y a bien une conspiration contre les États Unis : voila qui pourrait relancer le show, nous éloigner du thriller de moyen orient pas très original, et envoyer ces personnages d’Homeland devenus détestables aux prises avec de vrais adversaires. Voila qui pourraient les mettre face à leurs défauts, leur contradiction, et leur impérialisme. En tout cas je l’espère !
Ps : on remarquera au passage que tout le travail fait sur l’image semble avoir disparu avec cette saison. Mis à part la scène de séduction, et celle de bastonnade générale, la série est redevenue assez banale tant dans sa réalisation que dans son scénario.