House of Cards
7.5
House of Cards

Série Netflix (2013)

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Kevin Spacey est intelligent.

Il possède en effet cette espèce de profonde cérébralité que l’on peut lire avec délectation sur son visage malicieux et sympathique que tout le monde apprécie.

Egalement intelligent dans ses choix de rôles, ce dernier personnage qu’il campe, à savoir le sénateur « Franck » Underwood, n’est pas très éloigné du rôle qu’il tenait dans le récent et excellent « Margin Call » de J.C Chandor. Intelligent (donc… et je ne le dirai jamais assez), brillant, stratégique, le « personnage – type » que joue Spacey appartient souvent à un groupe, se trouve respecté au sein de ce collectif reconnaissant, mais possède cependant une singularité qui lui permet une certaine liberté d’action, …la position de l’éternel loup solitaire quoi. Pas loin du « politiquement incorrect », mais pas autant que Michael Douglas (il ne faut pas déconner non plus), il peut jouer à merveille (pléonasme) les pourritures ambitieuses, comme c’est le cas dans cette géniale série « House Of Cards ».

Son personnage a toutes les cards en mains pour atteindre le statut politique le plus prestigieux qui soit dans la House, auquel veut (normalement) prétendre n’importe quel politicien digne de ce nom (c’est-à-dire un mec capable de faire de la politique sans avoir les mains accrochés aux burnes), et on le comprend dès le début. Le truc jubilatoire, c’est de savoir comment il va y arriver. En coupant des têtes. L’autre truc, moins cool, propre à la série (et qui pour moi est son inconvénient majeur), c’est ensuite de (nous) faire (plus ou moins) croire (ou espérer) qu’il va atteindre son objectif, de lui faire obtenir ce qu’il souhaite (ou pas) en un maximum de saisons, histoire de repousser toujours un peu plus l’objet de l’intrigue qui sourd non loin de ce Capitole fictif. Mais non, un "château de cartes" peut s'écrouler très vite : toutes les cartes sont minutieusement posées les unes après les autres, un véritable travail d'orfèvre, et la dernière carte déposée (qui en est donc symboliquement le poste tant convoité) peut dans le même temps écrouler le tout, ...ascension et chute dans le même temps?

Franck Underwood aurait dû être premier secrétaire d’état suite à la victoire du parti démocrate aux élections présidentielles. Il découvre un matin qu’il ne le sera pas. Du sentiment amer de l’échec, de la blessure de son orgueil démesuré et de la frustration de ne pas avoir obtenu ce qu’on lui a promis, il opère une mutation Cronenberg – ienne agressive pour obtenir son dû, et même plus encore (l’objet de l’intrique qui sourd non loin de ce Capitole fictif). Aidé de son fidèle adjoint, d’une intelligence vive, et d’une journaliste du Washington Herald niaise mais dotée d’une intelligence pénétrante, cette fine équipe cérébrale détruit tout sur son passage, avec habileté. Laissant sur le bas-côté tous ceux qui ne savent pas réfléchir assez, les idiots qui ne sont pas dotés du même degré d’intellect. De projets de loi sur l’éducation aux déclarations publiques sur le Moyen-Orient, chaque acte joué par Underwood est réalisé sans faute et avec une minutie quasi – scientifique. Le secrétaire d’état se retrouve en mauvaise position lors d’un débat télévisé, il s’écrase, un projet de loi publié par un journal local encule profondément les démocrates, divers pontes du parti majoritaire flippent, font dans leur froc, et finissent par baisser le rideau.

Cependant, tout est rapport de forces dans ces coulisses du pouvoir, et Underwood se fait piquer plusieurs fois au vif, avant d'arriver à ses fins. Loin d'être invulnérable, il prend des coups lui aussi, vacille parfois mais ne tombe jamais, toujours armé d'un ultime coup bas qu'on espérait plus. Et où donc se trouve son point faible? Pas même dans les sentiments, qu'il met de côté sans cesse, même quand sa femme s'en va un temps pour une petite sauterie chez un vieil ami. Une belle femme de glace (Robin Wright Penn, excellente), trop froide pour être honnête, difficile à cerner, qui cache très bien son jeu. Ambitieuse elle aussi, elle ne sourcille pas plus que ça lorsqu'elle voit son mari rentrer d'une infidélité au petit matin. Le pouvoir, et plus encore l'importance qu'il revêt ne nécessite pas de se laisser aller à ces viles fragilités humaines qui peuvent être en mesure de faire chuter tout un plan machiavélique et réfléchi.

Originalité: les apartés théâtraux (qui ne sont pas sans rappeler l’expérience des planches de Kévin) qui sont immiscés au bon milieu d’une discussion par un Spacey espiègle, histoire de prendre le pouls, de jauger la situation, de glisser une subtilité grinçante, d’anticiper ce que va dire le pantin en face de lui. Par conséquent, on se retrouve acteur du projet de Underwood, accompagnateur embarqué malgré soi dans l’œuvre du politicien arriviste et carriériste. Et on s’en délecte.
ErrolGardner
8
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Créée

le 18 juin 2013

Modifiée

le 21 août 2013

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Errol 'Gardner

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