Hunter X Hunter a une énergie particulière. Le manga, bien que débuté en 1998 au sein du Weekly Shônen Jump, ne semble pourtant pas appartenir à la même vague de mangas que One Piece et Naruto. L'influence de Dragon Ball se ressent bien, mais le ton et la narration empruntent une voie tout autre que ses comparses de la même période. Très rapidement, c'est l'intelligence de l'auteur qui transparaît pendant le visionnage de Hunter X Hunter. Les premières épreuves franchies par les héros ne seront pas question de force, mais plutôt de bravoure et de réflexion. Les preuves d'amitié se feront plus par les actes, que par les longues tirades. Les relations entre personnages se tisseront naturellement, subtilement, et n'auront jamais besoin d'être statuées.
Le premier contact avec l'œuvre se fait au cours de la pré-sélection de l'examen Hunter, qui est un très bon prétexte pour introduire les personnages et établir quelques éléments de leur caractère, via des quiz et diverses mises en situation. Personnages qui sont d'autant plus attachants que leur chara-design est excellent, d'ailleurs. Tout cela pose les bases d'une constante qui sera de mise sur le restant de l'animé : la narration et le rythme du récit sont extrêmement bien maîtrisés. À aucun moment on ne s'ennuie, les idées de l'auteur s'enchaînent et sont toutes meilleures les unes que les autres pour apporter de la richesse à l'univers, à l'histoire ou aux personnages. Les épreuves de l'examen Hunter sont bien pensées, profondes et propices aux rebondissements. On y découvre des personnages ambigus, des situations tragiques, de forts moments d'amitié : toute l'essence de Hunter x Hunter. C'est une formidable introduction à l'œuvre, et un arc assez sous-estimé, je trouve.
Fait qui peut paraître assez anodin mais qui ne l'est pas dans d'autres œuvres du genre : le héros est un gamin. Gon a 12 ans et ça se ressent réellement ; il réagit comme il devrait réagir pour son âge, il est d'une innocence infantile et non pas simplement un "inconscient", comme le sont la plupart des héros de nekketsu. Et cet aspect sera utilisé intelligemment à travers l'œuvre, où son innocence et sa pureté feront partie intégrante du récit et de la manière dont les différents personnages interagiront avec lui. De manière générale, rien n'est laissé au hasard. L'auteur a un don pour mener son histoire avec justesse, cohérence et impact. Les personnages sont vivants, chacun a ses objectifs et agit de façon logique par rapport à ces derniers. Ça peut sembler basique mais, là où on ressent dans certaines œuvres que certains personnages sont "fonctionnels", à se trouver être à tel endroit à tel moment « pour le bien du récit », tout se fait naturellement dans Hunter X Hunter ; les petites histoires de chacun s'entrecoupent logiquement et s'embrassent. L'arc des Enchères de Yorkshin en est la parfaite illustration, avec une narration splendide, une montée en puissance de la tension et des enjeux, et des rebondissements à foison. L'arc est, selon moi, du pur génie, la maîtrise est impressionnante au vu du nombre de personnages mis en scène, et du nombre de problématiques soulevées. Le récit est très dense mais sa fluidité laisse admiratif, permettant de profiter du spectacle aussi bien macabre qu'épique, aussi bien triste, que surprenant.
Plus généralement, Togashi est mon nouveau roi du contrepied. Je ne compte plus le nombre de fois où je n'ai pas réussi à prédire une situation, à cause d'une volonté visiblement très forte chez l'auteur à vouloir étonner. Les tournures dans le scénario sont imprévisibles, le déroulement des événements est à des lieues des ficelles scénaristiques classiques qu'on connaît dans le genre du nekketsu de combat. Les morts surviennent quand on ne les attend pas, les défaites ne sont pas plus des défaites que les victoires ne sont des victoires. La demi-teinte guette systématiquement dans l'ombre du récit, pour rappeler, que lorsque les choses vont bien, rien n'est si simple, et lorsque les choses vont mal, rien n'est si terrible.
Les affrontements sont bien plus souvent question de tactique que d'échelle de puissance, et quel plaisir d'entendre un discours comme : « rien n'est jamais joué à l'avance dans un combat entre utilisateurs de Nen » ou encore le sermont de Biscke envers Kirua : « tu considères toujours ton adversaire au maximum de sa puissance et tu fuis, c'est ça ta faiblesse ». Car oui, un combattant puissant peut commettre des erreurs, ne pas être en forme, faiblir et donc potentiellement perdre contre un combattant plus faible sur le papier, et Hunter X Hunter l'exploite. Le Nen est d'ailleurs une excellente idée qui permet aux personnages de développer des styles de combat très variés et de donner une profonde dimension stratégique en temps réel aux affrontements. Peu importe ton niveau de puissance, si tu commets l'erreur de délaisser une partie de ton corps de ton aura défensive et que l'ennemi te porte un coup fatal à cet endroit, c'est terminé, c'est tout.
« Les défaites de la vie conduisent aux grandes victoires ». Je suis persuadé que beaucoup d'auteurs de nekketsu de combat seraient d'accord avec cette citation. Pourtant, combien exploitent cette thématique aussi bien que Hunter X Hunter ? Ici, les désillusions sont violentes, brutales et frappent au moment où l'enthousiasme commence à s'esquisser. Les défaites sont destructrices et douloureuses, pourtant inévitables. Les défaites font partie de la vie et nous inculquent bien plus de choses que les victoires inconscientes, et ça, Gon et Kirua l'auront bien compris. Leur détermination à accomplir leurs objectifs prendra finalement toujours le dessus sur un désespoir subi, et les rendra plus forts encore. Les introspections de personnages sont assez nombreuses et parviennent à véhiculer d'autant mieux les émotions ressenties par ces derniers.
Hunter X Hunter est tellement fort et unique que je n'ai même pas envie de développer ici ses quelques défauts, alors je vais seulement les citer succintement. Je trouve que, malgré la nécessité de l'arc Tournoi, il est un peu faible, avec notamment des antagonistes fades (hors Hisoka). Je trouve que l'arc Greed Island créé une rupture bienvenue avec le reste de l'oeuvre, mais, bien que j'adhère au concept, ses incohérences m'ont un peu sorti de la tension du récit. Je trouve que le début de l'arc Chimera Ant et un peu brouillon, lent et regorge de pas mal de facilités, mais la suite de l'arc est tellement excellente qu'il ne vaut même pas le coup de trop s'y attarder. Enfin, je finirais sur un point production, où les deux premières saisons sont malheureusement tout juste dans la moyenne pour l'animation, la direction artistique et la réalisation. Quelques fulgurances dans la mise en scène et l'animation viendront marquer les moments forts, cela dit, mais dans tous les cas, la production s'envole à partir de la 3ème saison et délivrera ensuite du très bon.
En bref, l'animé est une claque interstellaire qui se doit d'être vu par tous les fans d'animation japonaise. Il n'a pas volé son statut culte et son empreinte persistera encore bien longtemps dans le média, si vous voulez mon avis.