Série d'inspiration autobiographique de l'autrice-actrice Michaela Coel, I May Destroy You est une résilience âpre, névrotique et dure. Celle qui survient après un viol sous GHB de la protagoniste. Un trauma complexe qui a un impact sur tous les aspects de la vie de sa victime.
A travers 12 épisodes courts mais d'une intensité dingue, on suit donc Arabella et ses deux meilleurs amis dans leur survie dans un Londres pas tendre avec ses jeunes. Précarité, misère affective, racisme ordinaire, pouvoir de destruction des réseaux sociaux, drogue, remise en question permanente, confiance difficile à accorder à ses pairs, pression des employeurs, cellule familiale pas toujours saine... L'environnement est souvent faussement bienveillant et laisse peu de place à l'épanouissement.
Par le biais d'épisodes thématiques, la série aborde, en plus du trauma post-viol, la question multiple et complexe du consentement, la toxicité des relations amoureuses et sexuelles et surtout, comme une réponse ultime à toutes ces agressions, l'amitié comme une bouée de survie. La narration heurtée renvoit Arabella à ses souvenirs, à ses peurs et ses névroses. Tout est pourtant très lisible, le pathos n'est jamais appuyé et on est dans une illustration alambiquée et concrète du panel d'émotions et d'états par lequel peut passer quelqu'un qui sort d'une telle expérience.
La série n'est que rarement tendre. On n'épargne aucun personnage de ses erreurs, aucune agression de sa représentation écœurante. La caméra est tantôt dans la réalité crue et froide, tantôt dans l'effet de style (pas toujours réussi) illustrant le flou et le fantasme. L'interprétation est à l'image du propos, très street level usant des codes d'une génération et d'une communauté, et sans mélo ou hystérie surjoués.
La violence et la dureté du sujet n'en est que renforcée. Filmées dans leurs habits les plus réalistes, elles saisissent aux tripes, mettent mal à l'aise et font dresser le poil. Une réussite formelle boostée par sa narration virtuose et la personnalité de sa protagoniste, mais surtout un portrait incroyablement complet d'une victime. Puissant.