Tout scandale sexuel mis à part, j'aurais regardé cette série quand même. Et j'aurais bien fait, mais avec ce qu'on a appris récemment grâce aux émissions auxquelles Juliette Bin... euuuh, Judith Godrèche a participé, elle prend une tout autre dimension. Je ne vais pas m'étendre sur cet aspect de cette fiction, qui sera sans doute le plus commenté. D'abord, il faut que je surveille ma tension. Concentrons-nous plutôt sur cette étonnante aptitude à tirer une fiction de sa propre vie et de la jouer sous son propre nom. Déjà, ça m'épate un peu. Parce que si je devais faire de même, je serais bien en peine. Evidemment, je ne suis l'icône de rien, déjà, ça n'aide pas, mais, surtout, je ne sais pas si je serais capable d'avoir une aussi juste distance par rapport aux événements de ma vie. Judith Godrèche rit de tout, avec dérision, voire esprit (je n'ai pas si souvent l'occasion de le saluer), mais n'élude rien. En prime, les dialogues, en deux langues, sont vifs et acérés, font mouche et ne manquent jamais de naturel. Il faut dire qu'ils ratissent large parce qu'il y en a, des sujets à traiter, quand on a 30 ans de carrière derrière soi en tant qu'actrice : le vieillissement, l'exportation à Hollywood, le conflit vie publique/vie privée, l'intrusion de parfaits inconnus dans ses activités quotidiennes, les difficultés financières, le pouvoir sans limite des producteurs, les rapports malsains avec ceux qui se prennent pour des démiurges, les cachetons ingrats, le rôle secondaire laissé aux femmes, la transmission mère/fille, l'émancipation des jeunes, et même les bonnes philippines ! Il y avait matière, effectivement. En prime, rien n'est jamais indigeste. Le scénario procède par petites touches bien vues, puis passe à une autre chose en douceur, tout aussi signifiante, et on est pris dans un petit tourbillon rafraichissant dont on met un peu de temps à renifler les relents nauséabonds. Car ils sont là, sous-jacents, les aspects sordides d'un métier dans lequel les femmes sont contraintes à se vendre; finalement, il s'agit de ça. On nous amène à les considérer en face, à en envisager les dégâts irréparables, sans que jamais rien de vraiment moche n'occupe l'écran. On reste à la lisière, mais juste assez pour percevoir les détresses insondables qu'ils engendrent. Et tous les questionnements moraux ou juridiques qui vont avec. Sans jamais donner de leçon. Le personnage de femme pétillante, un peu perchée, gentiment naïve (pour ne pas dire niaise) incarné par Judith Godrèche, affronte tout cela avec courage, bonne humeur, mais aussi humilité. Elle se sait soumise à des règles qu'elle ne maîtrise pas. Comme son employée de maison quasiment réduite en esclavage par un Didier détestable. La violence n'est jamais loin, mais reste la plupart du temps à la marge, parce que ces femmes sont braves et admirables, et qu'elles portent haut l'étendard de l'humanité, sans se la raconter exagérément. Cet équilibre aurait pu être instable au point de démolir l'édifice fictionnel. Il n'en est rien, et là chapeau ! Une mention particulière pour l'agente presque cynique mais carrément sympa quand même qui apporte à ses dialogues un petit soupçon anglo-saxon à froid très, très bienvenu. Nan, vraiment, une chouette série, où trois générations de femmes ferraillent avec leurs contradictions et les pressions ambiantes, de natures diverses suivant leur époque.