La version BBC de Jane Eyre de 2006, c’est un peu comme prendre un thé bien chaud dans un manoir victorien : c’est confortable, raffiné, mais il y a toujours ce petit courant d’air inquiétant qui vous rappelle que derrière chaque porte se cache un secret… ou peut-être juste une cheminée capricieuse. Car oui, Thornfield Hall, le manoir où Jane prend son poste de gouvernante, semble avoir un goût prononcé pour le mystère gothique, le tout saupoudré de quelques soupirs romantiques et d’un feu de cheminée qui ne veut jamais rester tranquille.
On suit ici l’histoire de Jane, orpheline discrète mais dotée d’une volonté d’acier, qui atterrit dans ce manoir un peu trop grand et un peu trop sombre pour être tout à fait innocent. Jane, incarnée par Ruth Wilson, est parfaite dans le rôle de l’héroïne à la fois farouche et sensible, prête à affronter les regards condescendants de la société victorienne, tout en gérant le léger détail d’un propriétaire aux airs de bad boy du 19e siècle : Edward Rochester. Ah, Rochester… ce gars qui semble toujours avoir le cœur en miette, l’humeur maussade, et un talent certain pour les répliques torturées. Toby Stephens le joue avec tout l’aplomb d’un homme qui cache plus de secrets qu’une bibliothèque poussiéreuse.
La tension entre Jane et Rochester, c’est le vrai cœur de cette adaptation. Dès leur première rencontre (qui, avouons-le, commence par Rochester tombant de cheval comme un prince charmant qui aurait loupé ses leçons d'équitation), les étincelles volent. Mais ne vous attendez pas à des déclarations d’amour pleines de guimauve. Ici, c’est de l’amour victoriano-gothique : plein de regards brûlants, de non-dits, et de petites phrases acerbes balancées avec plus de passion qu’un poème. Le tout, bien sûr, sur fond de secrets de famille à vous glacer le sang, surtout quand Jane commence à se demander pourquoi il y a des bruits étranges au dernier étage. Spoiler : ce n’est pas un problème de plomberie.
Visuellement, la série est un régal pour les yeux. Les paysages de landes désolées et les décors intérieurs somptueusement déprimants créent cette ambiance typiquement victorienne où chaque rideau en velours cache une tragédie potentielle. Les costumes sont aussi soignés que les coiffures compliquées de l’époque, avec Jane qui reste dans son style sobre et fonctionnel (après tout, elle a mieux à faire que de s’encombrer de crinolines), tandis que Rochester traîne ses capes comme un super-héros gothique.
Là où cette adaptation brille particulièrement, c’est dans la subtilité des émotions. Plutôt que de nous submerger avec des dialogues trop grandiloquents, elle laisse les silences parler, les regards durer juste un peu plus longtemps que nécessaire, et les non-dits créer une tension palpable. Et puis, quand la vérité éclate enfin (vous savez, ce petit détail concernant l’habitante secrète de Thornfield Hall), c’est comme si tout le romantisme soigneusement construit explosait dans un grand feu d’artifice de drame gothique.
Bien sûr, Jane Eyre est avant tout une histoire d'amour compliquée, et cette version n’échappe pas aux quelques longueurs inhérentes au genre. Certains passages traînent un peu, comme si même la série se demandait si Rochester allait enfin cesser de tourner autour du pot. Mais bon, c’est la marque de fabrique des grandes histoires victoriennes : prendre le temps, ajouter une dose de mélancolie, et étirer le suspense émotionnel jusqu'à ce que l’on soit prêt à hurler "Allez, embrasse-la déjà !".
En résumé, cette adaptation de Jane Eyre est un concentré de romance victorienne, de mystère gothique et d’introspection intense, le tout avec une dose de cheminées mystérieusement capricieuses. Si vous aimez les histoires où l’amour est aussi sombre que les secrets qui se cachent derrière les portes fermées, alors préparez-vous à être emporté par cette belle tempête émotionnelle en crinoline et en corset.