Cette critique fait 34 pages, 38 avec les images. Je ne vois pas du tout l'intérêt de ne mettre qu'une version tronquée directement sur le site (je ne suis pas le livre V!). Si vous désirez la lire, je mets le lien plus bas.
Ce pavé est la plus grosse analyse que j'ai pu écrire, j'en suis assez contente, n'hésitez pas à laisser des commentaires pour discuter de certaines choses ! (le temps de réponse est estimé à 3 mois).
Ah et, trigger warning, je mentionne énormément la tentative de suicide d'Arthur.
Voilà le lien, et bonne lecture !
https://drive.google.com/file/d/181nFFzNhSwyhLSNquntSCQKt9wJM--Xj/view?usp=sharing
Voilà quand même un extrait, on va dire qu'il y a là le tiers de tout le texte.
La fiction française, pour beaucoup, c'est un genre dépassé depuis longtemps. Que ce soit au cinéma ou à la télévision, l'un est complètement saturé par la comédie, tandis que l'autre est principalement pompé sur la télévision américaine. C'est d'ailleurs dommage que notre cinéma national croule complètement sous la comédie à tel point que ça en soit presque devenu un sujet tabou quand on parle cinéma où ''comédie'' rime avec ''déchet''.
Et pourtant, je trouve qu'il est très important dans chaque pays d'avoir son propre cinéma avec ses propres films drôles. En effet, la barrière de la langue et de la culture est et restera quelque chose qui nous empêchera de rire d'aussi bon cœur devant une comédie française que devant toute autre film de ce genre. Je veux dire, il suffit de voir comment nous, cocorico, réagissons à l'humour british. De même, j'ai beau rire sur des séries ou films anglo-saxons, allemands ou même tchèques, certaines blagues me sont passées tout au dessus de la tête et le tout à cause de cette barrière culturelle, que ce soit à cause des expressions, des traditions ou de l'histoire du pays.
En France donc, nous avons notre lot de bonnes comédies, allant de la Cité de la Peur à Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre en passant par Les Dissociés (si vous ne connaissez pas, c'est sur youtube et c'est bien). Si la première joue parfaitement sur la suspension d'incrédulité, la deuxième marie parfaitement les décors grandiloquents avec l'humour tandis que le dernier joue parfaitement avec le fantastique, je dois dire que le point commun qui me manque dans les trois c'est possiblement ce qui me fait aimer réellement la fiction : une histoire qui me plaît et/ou des personnages auxquels je peux m'attacher. C'est toujours ça qui me manque dans les comédies et c'est bien dommage.
Aujourd'hui, dans notre belle France, l’essor des comédies bat son plein et force est de constater que l'époque des Nuls est bien loin, entre scénario qui tient sur deux lignes et humour peu attrayant (voire même souvent raciste, validiste, misogyne et j'en passe).
Pourtant, pour ceux qui me connaissent, je ne suis pas du genre à faire des a-priori notamment en ce qui concerne la fiction. Je regarde une œuvre, quelle que soit sa notoriété, parce que j'ai envie de la voir et de la juger par moi-même.
Ce qui fait que quand je regarde une œuvre française, je pense à tout sauf au fait qu'elle soit française, et donc je peux l'apprécier à sa juste valeur. Manque de bol, la valeur des comédies françaises aujourd'hui est bien basse.
C'est donc par ce concours de circonstance que j'ai commencé à m'intéresser... aux travaux des youtubeurs. De fil en aiguille j'ai découvert ce monde, plus vaste que ce que je ne le croyais au premier abord. Puis j'ai découvert la websérie Le Visiteur du Futur (que je vous conseille), avec dans un rôle très sympa, un certain Simon Astier. Vous l'aurez compris, à partir de son nom, j'ai découvert Alexandre Astier et son Kaamelott, dont je vais essayer, avec une certaine humilité, de parler ici.
Je tiens tout d'abord à dire que, si vous ne portez pas Astier dans votre cœur, je vous conseille de passer votre chemin. Si je ne le considère pas comme un Dieu vivant, je dirais plutôt que quand d'autres s’enorgueillissent à dire que Spielberg ou Kubrick sont des génies, je répondrais que nous, en France, on a Alexandre Astier.
Pourquoi est ce que j'ai autant d'admiration pour Astier, me demanderez-vous ? Principalement parce qu'il est réalisateur, scénariste, compositeur, interprète et créateur de Kaamelott. Rien que ça, ça vaut tous les détours. Mais ce qui me plaît réellement chez lui c'est sa manière de faire ce qu'il veut et de le faire avec passion. Combien de séries avez-vous vu commencer en comédie au format court pour terminer en comédie dramatique au format long ? Qui aurait pu imaginer en saison 1 que ces petites histoires drôles et sympathiques termineraient en saison 5 avec le suicide d'Arthur, en saison 6 avec l'assassinat du meilleur ami du héros ? Personnellement, je n'en avais aucune idée.
Ça m'a un peu porté préjudice au début parce que quand j'ai découvert Kaamelott, c'était avant tout pour regarder quelque chose de drôle qui puisse me changer les idées. Mais aujourd'hui je considère Kaamelott comme un tout, ou même la moitié d'un tout puisque trois films sont encore à venir, une œuvre qu'on égalera pas de sitôt en France et même ailleurs dans le monde.
C'est ainsi que finit cette introduction décidément trop longue. Je vais maintenant me pencher sur Kaamelott en elle-même, en essayant d'analyser humblement cette série si riche. Je dis humblement parce que comme toute analyse, je ne suis pas dans la tête de l'auteur et je peux oublier énormément de choses tout comme extrapoler.
Et je débuterais par l'écriture de la série... Par où commencer ? Je pense que parler tout d'abord de l'intelligent agencement de la série serait pas mal.
Quand je parle d'agencement, je parle aussi de l'évolution de la série. Les livre I, II et III sont tous trois très similaires en soi : de courtes histoires drôles, où l'on apprend à connaître les personnages. Et c'est là vraiment tout ce dont on a besoin pour ces histoires, connaître les personnages. Si au départ j'avais un peu de mal à en différencier certains, à la fin du livre III je savais totalement qui était qui, quels étaient leur goûts, leurs idées et leurs attachements aux autres personnages.
Le livre IV modifie légèrement en racontant parfois des histoires plus longues, mais aussi en insérant un contexte plus dramatique, notamment dans l'épisode 50 où Arthur lit le livre des prophéties et nous dit :
« Siècle des larmes, hurlements
Au jour dieux, roi de Logres fait affront
Du Lac combattant frère à l’épée
Femme de Vannes épousée commet faute
Panique, ruine, fin d’un monde
Sur Terre sans démon ni sorcière
Vient dieu des Morts solitaire des frayeurs
Du ciel à l’insulte la Réponse. »
Évidemment, ici pour quelqu'un qui voit la série pour la première fois, l'ambiance est surprenante. De même, la prophétie, si elle est claire pour quelqu'un ayant déjà vu la série, peut paraître sombre et bizarre à quelqu'un la découvrant. De plus, la saison est aussi jonchée de moments calmes, tel ce moment où Perceval déclare à une esclave le fait qu'il se fiche des honneurs ou du Graal mais que s'il pouvait le trouver, il le ramènerait, pour Arthur.
Ce que je veux dire par là, c'est que le livre IV est une excellente transition pour sa suite, le livre V.
Le livre V, qui a été malheureusement charcuté au montage (ce que je n'ai appris que l'année dernière, ayant tout découvert en dvd) et heureusement est bien coupé dans sa version DVD, est une pépite en soi. Abandonnant totalement le format court au profit d'un format d'une quarantaine voire cinquantaine de minutes, Astier réalise un petit peu mieux ce qu'il voulait faire au début : on n'est toujours pas sur du film, mais au moins sur du format long.
Évidemment ce qui m'a le plus scotché la première fois que j'ai vu la saison c'est la tournure vraiment dramatique des événements, au point de terminer sur un truc que je n'avais absolument pas vu venir : la tentative de suicide d'Arthur. Qui aurait bien pu imaginer en commençant cette série qu'elle allait se continuer de cette manière ? Moi j'ai été simplement bluffée.
Je vois souvent une petite guerre qui se déroule, celle de ceux qui aiment les épisodes courts, ceux qui aiment les longs, et ceux qui aiment les deux (et ceux qui n'aiment rien mais oublions les pour le moment). Personnellement, je fais partie de la catégorie de ceux qui aiment tout. J'en ai parlé plus haut, les épisodes courts servaient parfaitement à présenter les personnages (et Astier a parfaitement géré ça compte tenu du fait qu'il n'a jamais vraiment voulu faire du court mais qu'il voulait faire des films), et le long représente quelque chose de plus mélancolique, plus triste, tout comme la tournure qu'à pris la série. J'avais peur, en arrivant au format long, de m'ennuyer. Or, ce n'est absolument pas le cas : le temps de bien emboîter les personnages dans leurs nouveaux rôles, de comprendre qui part du château, qui reste, qui fait quoi, les épisodes passent à une vitesse presque alarmante. Franchement j'en serais presque à en demander plus tellement le tout est très fluide et agréable à voir.
La plus grosse surprise, évidemment, est le passage de la comédie à la comédie dramatique et ouhlala que c'est surprenant... et osé ! Franchement si j'ai autant de respect pour Astier c'est d'abord et avant tout parce qu'il a osé modifier complètement sa série pour que, si quelqu'un tombe du livre I au livre V, il se demande toujours s'il regarde la même chose. Qui aurait pu imaginer qu'on allait avoir un personnage aussi sombre que Méléagant ou bien que le dernier épisode se terminerait... sur la tentative de suicide d'Arthur ?! Parce que non seulement c'est sombre, mais ce n'est pas du drama gratuit : l'imbriquement avec les premières saisons se fait avec une fluidité renversante et on peut vraiment imaginer comment le tout est devenu aussi catastrophique. Au même titre que le royaume de Logres, l'écriture de la série sombre dans le chaos et franchement, j'adore ça.
Mais tout de même, il faut garder à l'esprit que quand certaines personnes disent « La saison V, c'est pas drôle », c'est que le plus souvent, elles ont découvert la version tronquée commandée par M6 et sortie en catastrophe. Si vous avez découvert cette version, il faut retenir qu'elle n'est clairement pas approuvée par Astier (ni la version 50 épisodes de 6min) et que la ''vraie'' est bel et bien celle qui fait huit épisodes de 50min.
Je dis bien que la comédie tourne en comédie dramatique, mais c'est parce qu'Astier veut faire du drame, très clairement, mais du drame avec de l'humour, afin que ce soit supportable. Si certaines choses dans la saison sont véritablement sombres, il n'en reste que je ris toujours face à l'humour que l'on nous propose.
Enfin, nous arrivons au livre VI et là, j'aurais de la matière à dire. Ce livre est un tel condensé d'idées qu'il en devient réellement impressionnant.
De la même manière que le livre V, on reste dans le dramatique mais encore plus poussé. Franchement la fin de l'épisode 8 j'ai toujours du mal à la regarder, en sachant qu'Arthur va se faire renvoyer par la seule femme qu'il ait vraiment aimé, que trois de ses amis vont se faire tuer et qu'on finit sur l'image d'eux égorgés... Ignoble. Et je ne parle même pas de l'image de César, baignant dans son sang, après son suicide, qui nous rappelle une autre tentative de suicide que l'on a vue dans la saison précédente.
Le premier épisode peut porter à confusion puisque jusqu'à la dernière minute, Arthur est le seul personnage que l'on connaît. De plus, l'épisode est long, et passe beaucoup de temps avec du blabla pour exposer les personnages romains. Je ne dirais pas qu'il est mon épisode préféré pour ça je pense, car je ne le trouve pas utile au revisionnage outre-mesure, mais il reste une mise en bouche assez bien agencée.
Là où je veux en venir, c'est que la saison VI peut porter à confusion dans le sens où l'on revient en arrière, 15 ans avant Kaamelott, pour raconter ce qui s'est passé, l'origine des personnages, des idées et de l'histoire que l'on connaît.
Si on s'y connaît un peu sur Astier, on sait qu'il est un grand fan de Star Wars, de la trilogie originale comme de la prélogie. De là peut venir une théorie concordante : il a commencé sa série Kaamelott, et voyant que ça fonctionnait, il a décidé de faire sa saison VI une saison préquelle. De la même manière que George Lucas a commencé par ses épisodes IV, V et VI pour aguicher le public afin de pouvoir raconter ses épisodes I, II et III, Astier a pu se saisir de l'opportunité pour bien raconter l'histoire de ses personnages.
Oui mais voilà, je pense que quelqu'un comme Alexandre, Astier, ça pense plus loin. Il se trouve qu'avant de créer Kaamelott, Astier s'est rendu à un séminaire de Vogler qui parlait de la théorie de Campbell, le monomythe.
Mais dis-moi Jamy, le monomythe, qu'est ce que c'est ?
Eh bien le monomythe, c'est une théorie mise en place par Campbell qui stipule que l'on ne pourra jamais inventer de nouvelles histoires, non pas à cause d'influences entre toutes les œuvres entre elles mais à cause d'un besoin qu'a l'Homme de devoir raconter des choses fictives. Le monsieur était un universitaire qui ne pensait pas réellement à tout ce qui est films, industries ou autres mais bien mythes, contes et légendes que l'on peut trouver dans la culture mondiale.
Campbell a donc mis en place douze étapes pour un héros, lesquelles doivent se retrouver, ensemble ou seules, dans le même ordre ou non, dans chaque œuvre existante. Ces douze étapes étant les suivantes :
(monde ordinaire)
1) Monde ordinaire : Le héros vit sa vie tranquillement. Il n'a que peu ou pas conscience du monde qui l'entoure, ou alors seulement grâce à des histoires, et n'a donc pas réelle perception du problème de l'histoire.
2) L'appel de l'aventure : Le héros reçoit un message demandant une aide, ou se rend compte qu'il ne peut être que le seul à aider le monde. Sa perception vis-à-vis du problème environnant grandit.
3) Refus de l'appel : Le héros hésite à se lancer dans l'aventure, car celle-ci signifie qu'il va devoir changer, mais aussi car il a des devoirs moindres l'appelant à rester là où il vit. Globalement, le héros a peur de l'inconnu que l'aventure lui réserve.
4) L'arrivée du guide : Le héros rencontre un guide, un mentor, qui l'aidera à comprendre sa quête et lui donnera parfois un objet pour ça, mais laissera le héros accomplir seul sa destinée. Globalement, le mentor va l'aider à supprimer ses peurs.
(monde extraordinaire)
5) Passage du seuil de l'aventure : Le héros s'engage complètement dans l'aventure, et les changements qu'elle implique. Il s'entraîne pour acquérir les compétences dont il a besoin et ne peut plus faire de retour en arrière.
6) Épreuves, alliés et ennemis : Le héros rencontre des amis ainsi que fait les premières rencontres, physiques ou non, avec l'ennemi ou bien les conséquences de son ennemi. Il subit aussi ses premières épreuves. Le tout commence à changer le héros.
7) Le ventre de la baleine / le cœur de la caverne de Platon : Le héros atteint l'endroit le plus dangereux physiquement de sa quête, et doit y trouver un objet ou une idée qui lui permettra d'atteindre le but de sa quête. (J'aime bien cette étape parce qu'elle a elle-même le nom de deux autres théories étant le ventre de la baleine, qui est le moment le plus sombre de certaines histoires comme Sinbad, Pinnocchio, ou encore Mobby Dick. Quant à la caverne de Platon, c'est une allégorie expliquant que des Hommes sont enchaînés dans une caverne et n'ont jamais rien vu du monde réel que les ombres qu'il renvoi et les sons. L'un des meilleurs films illustrant cette allégorie est The Truman Show Ici, elle montre que le héros ne connaissait pas vraiment le monde qui l'entourait et les obstacles auxquels il devait faire face avant de voir cet endroit qu'est le repère du méchant).
8) L'épreuve ultime : Le héros subit cette épreuve suprême et affronte même la mort. Elle marque le début de la renaissance de celui-ci, de son changement total.
9) L'acquisition de l'objet de la quête : Le héros s'empare de l'objet ou l'idée qu'il cherchait à l'étape 7. Cela peut être un objet physique, une arme ultime, ou juste une idéologie nouvelle qui fait changer le héros. Celui-ci n'est plus le même et a donc atteint le but de sa quête.
(monde ordinaire)
10) Chemin du retour : Le héros n'a pas terminé son voyage même si sa quête l'est, c'est une nouvelle étape. Il doit le plus souvent affronter les ennemis à qui il a dérobé l'objet ou qui lui en veulent d'avoir réussi à échapper au méchant.
11) Renaissance : Le héros a vaincu tous ceux qui étaient sur son chemin et il a été littéralement transformé par l'expérience. Le plus souvent cette étape est associé au climax de l'histoire, quand le héros doit affronter quelque chose et doit le faire non pas comme il l'aurait fait au début de l'aventure, mais avec ses nouveaux outils physiques ou sa nouvelle manière de penser.
12) Le retour : Le héros retourne complètement dans le monde ordinaire, pas forcément physiquement mais psychiquement. Le problème de départ est maîtrisé, l'aventure a ainsi pris tout son sens.
(A ce moment là de ma critique il me semble bon de rappeler que nous sommes toujours en train de parler de Kaamelott et que je ne veux en rien donner mon avis sur la théorie du monomythe).
Bref, il me semblait important d'expliquer ces 12 étapes pour en venir à la suite de mon analyse. Il faut aussi savoir que ces étapes ne sont pas toutes obligatoires dans les histoires : certaines peuvent être sautées quand d'autres peuvent être inversées.
En suivant les livres de Kaamelott, on pourrait donc en arriver à la conclusion logique suivante :
(livre VI)
1) Monde ordinaire : Arthur vit tranquillement à Rome, et ses seuls problèmes sont ceux qu'il rencontre dans sa milice, où il doit faire attention aux idioties de son ami Manilius et ses propres insubordinations.
2) L'appel de l'aventure : On demande à Arthur d'aider Rome en le montant en grade pour qu'il devienne chef de guerre et résolve le « problème Breton ».
3) Refus de l'appel : Arthur refuse ; il pense qu'il ne mérite pas de monter en grade.
4) L'arrivée du guide : Ici, les mentors sont représentés par Merlin mais aussi César. Le second va rassurer Arthur en lui disant notamment qu'il ne deviendra méritant de son titre que dans plusieurs années, mais qu'il faut faire avec. Merlin quant à lui fait office de mentor à Arthur en le rapprochant de ses racines bretonnes.
5) Passage du seuil de l'aventure : Arthur s'engage complètement dans cette mission qu'on lui a confiée, mais la modifie à sa sauce : il ne va pas conquérir la Bretagne, mais la libérer.
(mélange du livre VI et des livres I, II et III)
6) Épreuves, alliés et ennemis : Arthur rencontre peu de difficultés à libérer la Bretagne et en devient le Roi. En toute logique, cela terminerait la quête mais voilà, nous sommes dans l'écriture d'Astier et les véritables épreuves n'étaient pas celles d'affronter Rome, mais bien de réussir à devenir Roi. Arthur doit faire face à la mort de son meilleur ami, le refus de sa femme de venir avec lui, l'obligation de vivre avec Guenièvre, le fait de devoir se coltiner des bras cassés en tant que chevaliers, etc etc.
Ici, il est aussi bon de noter que au sein de cette étape là, Astier répète encore et encore le cycle campbellien. Par exemple, quand Guenièvre est enlevée, Arthur passe par toutes les étapes : appel de l'aventure, refus de l'appel, passage du seuil, épreuves...
(livre V)
7) Le ventre de la baleine / le cœur de la caverne de Platon : Arthur réussie à ne plus être Roi. Il va alors se lancer dans la quête de ses enfants. Or, si cela sonnait pour lui comme son salut, la dernière chose qui lui restait dans sa vie, c'est en réalité l'inverse. Arthur sombre de plus en plus dans la dépression au fur et à mesure que sa quête échoue.
8) L'épreuve ultime : Arthur affronte la mort, puisque Méléagant le poussera au suicide. Il est à noter ici que le héros n'est pas celui qui se sort lui-même de l'épreuve.
(livre VI, et inversion des étapes 9, 10 et 11)
11) Renaissance : c'est là que le livre VI prend tout son sens. En effet, si celui-ci avait été placé dans l'ordre chronologique Arthur serait passé de sa tentative de suicide à sa renaissance littérale, soit l'épisode 9 du livre VI. Or, cela n'a absolument rien de logique, et Astier a donc placé ça de manière totalement cohérente (aussi bien narrativement que du point de vue de l'écriture) : Arthur se remémore ses souvenirs pour qu'on puisse écrire ses mémoires, et par là même, se remémore tout de sa vie. Son premier mariage d'amour réel, le moment où il s'est senti l'âme d'un héros (j'ai toujours des frissons quand je pense à cette scène où Arthur sort de sa conversation avec César, en uniforme, sur une musique épique : on sent qu'il va devenir un vrai héros), ses rêves pour la Bretagne, que tous les chevaliers soient égaux et se battre pour la dignité des faibles. Après s'être remémoré tout ça, cependant, un souvenir est manquant : celui de la première fois qu'il a eu Excalibur entre les mains, à l'age de quatre ans.
Après tout ça, quand Arthur est obligé de fuir à Rome, il retrouve la robe de son premier mariage et à ce moment là, quand il est sous la robe et tend la main, ce geste lui rappelle autre chose : ce moment où il a eu Excalibur dans les mains pour la première fois. C'est grâce à ça que sa renaissance a lieu : il se rappelle ce qu'il voulait devenir, et surtout pourquoi il voulait le devenir.
(Je tiens totalement à rappeler qu'ici, ce n'est que mon avis : j'ai vu d'autres personnes disant que, par exemple, la fin du livre VI n'était que l'étape où Arthur accepte d'être un héros. Personnellement, je ne le pense pas mais voilà, c'est totalement mon avis!).
9) Acquisition de l'objet de la quête : Ici, on pourrait totalement penser qu'il s'agit d'Excalibur alors que pour moi, je pense qu'il s'agit vraiment de la robe de mariage de sa femme. Elle est l'objet qui lui permet de se rappeler qui il était et qui il est censé être.
Les étapes 10 et 12, respectivement le chemin du retour et le retour, sont à mon sens ce qu'on verra dans les films. Sur son chemin de retour vers ce qu'il voulait, être Roi de Bretagne pour aider les autres, Arthur va devoir affronter des ennemis, Lancelot, Méléagant, mais le véritable ennemi était lui-même et il l'a déjà affronté. Le retour marquera la fin totale de Kaamelott.
C'est en ça que je trouve la chronologie de Kaamelott vraiment intéressante. Astier connaît les étapes, on le voit, mais au lieu de les faire de façon basique, avec comme il le dit lui-même, « un début, un milieu, et une fin », il joue avec ces étapes de façon à ce que, quand on voit la chronologie globale de la série, à chaque fois qu'on zoom, ces étapes réapparaissent, encore et encore. Pour Arthur, mais aussi bien pour les autres personnages, voire même dans ses mini-épisodes de 3min30. Mais, si on prend l’œuvre dans sa globalité la plus extrême, on peut voir que le monde ordinaire s'apparente à Kaamelott, quand le monde extraordinaire est représenté par les grands espaces : Astier le dit lui-même, il veut que ses personnages quittent le confort des zones connues et fermées et qu'ils se confrontent au vaste monde. Et, en plus, il a joué avec ce qu'était la saison VI non pas pour en faire un simple préquel, mais vraiment pour en faire quelque chose d'encore plus important, la renaissance du personnage d'Arthur en lui remémorant son passé. Et je trouve ça vraiment brillant.
Pour parler plus en détail de la saison VI, je me souviens au premier abord l'avoir préférée au livre V. Il y avait quelque chose de grisant à connaître le passé de chaque personnage, notamment parce que ça leur apportait quelque chose en plus, puisque la saison décide par-là même de nous expliquer de façon ultra sérieuse des choses qui nous paraissaient vraiment bêtes, loufoques ou peu importantes dans les saisons précédentes, et de les expliquer avec un tel brio que le tout les rend presque tristes.
Par exemple, Arthur qui ne touche pas Guenièvre : blague récurrente dans le livre I, on apprend ici que c'est parce que la première femme d'Arthur, celle qu'il a vraiment aimée contrairement à Guenièvre, lui a fait promettre de ne jamais toucher la femme de son deuxième mariage. Personnellement quand j'ai appris ça et que j'ai revu les épisodes de la saison I, j'ai eu du mal à rire de cette blague, tellement je trouvais ça triste désormais.
De même, dans la catégorie triste, Karadoc. Dans les premières saisons on peut presque seulement rire de lui parce qu'il est le personnage cliché du glouton. Or, dans les saisons d'après, on se rend de plus en plus compte que loin d'être un plaisir, c'est plus qu'il est forcé par quelque chose pour manger de cette manière, ou bien faire des réserves. Livre VI, on finit par découvrir qu'il est presque mort de faim quand il était jeune. La blague prend tout son sens et de même, je trouve ça d'une tristesse déconcertante.
La liste est très longue : Guenièvre manipulée pour son mariage, Arthur perdant son meilleur ami, Perceval étant adopté, et ayant toujours vécu à la ferme de ses parents, Mevanwi ne voulant épouser Karadoc qu'après qu'il soit fait chevalier, le fait d'arme de Bohort étant une arnaque, etc, etc...
De la même manière que je n'imaginais pas la saison V se terminer sur le suicide d'Arthur, ces révélations je ne les ai absolument pas vues venir. Je ne pensais vraiment pas que, si explications sur certaines choses il y aurait dans le livre VI, elles seraient aussi tristes. Et ça, ça montre encore une fois que cette saison était indispensable, puisque loin de créer énormément d'incohérences comme beaucoup de préquels le font, Astier a su manier ça à la baguette et en faire quelque chose d'indispensable. Et c'est ça qui me bluff le plus je crois dans son écriture : Astier est tout seul, mais même seul, il arrive à créer des choses plus complètes et détaillées que de nombreux scénaristes à qui on demande de faire un seul film.
J'en arrive donc au deuxième point qui me plaît le plus dans la série : les personnages.
Astier a bien évidemment pris beaucoup de personnages de la légende Arthurienne mais en a aussi inventé pas mal. Je vais essayer ici d'en parler le mieux possible parce qu'ils sont un des points les plus complexes de la série.
D'abord, je voulais juste faire un petit aparté pour dire que, s'il y a une chose que j'ai tendance à bien aimer, c'est quand on attribue des couleurs aux personnages et qu'ici je suis extrêmement comblée. Si cette pratique se perd au fur et à mesure que la série avance, j'aime beaucoup que, dès le début, on puisse voir distinctement :
Arthur → rouge clair (Pour symboliser le côté royal. Il est aussi bon de noter que, plus la série avance, plus les habits d'Arthur deviennent noirs et qu'en saison VI, il redevient rouge très clair, la couleur de Rome)
Perceval → bleu (Qui symbolise normalement la légèreté, la fidélité, voire même l'immortalité, qui pourrait porter à croire qu'il sera bel et bien celui qui trouvera le Graal)
Karadoc → rouge foncé (Qui peut symboliser le danger, j'en parlerais après dans l'analyse plus approfondie du personnage)
Guenièvre → blanc (Là à mon avis on parle plutôt de la pureté pour ce personnage là, ou bien de l'innocence)
Lancelot → blanc/doré (Dans certains pays, le blanc peut aussi symboliser la mort et elle me paraît pas mal dans ce cas là. De plus, le blanc et le doré sont normalement présents chez les personnes nobles ou bonnes, ce qui semble être Lancelot au premier abord, avant de voir la vraie psychologie du personnage)
Léodagan et Séli → noir (Ici, loin de rechercher dans le complexe, je pense que c'est totalement pour montrer la part sombre des personnages, qui sont très manipulateurs)
Bref, là j'ai l'impression d'extrapoler énormément mais ça ne m'étonnerait pas qu'Astier ait utilisé des codes couleurs juste pour qu'inconsciemment, on sache ce que pourraient devenir les personnages.
Et ça continue, avec Yvain et Gauvain en jaune, Bohort en vert...
Pour commencer cette petite (hem) analyse des personnages de la série, parce qu'ils sont si nombreux que je ne peux décemment pas tous les mettre (j'ai oublié de prendre des notes quand j'ai revu la série donc essayez d'analyser quarante heures de personnages avec vos seuls souvenirs, sans trop galérer, surtout avec leur richesse et leurs citations et leur profondeur), je vais bien évidemment commencer par Arthur.
Arthur, au début de la série, c'est un personnage que l'on nous présente d'abord comme trrrrrès patient, mais aussi qui peut facilement s'énerver face à l'incompétence de ses chevaliers, ou l'agacement que lui procure sa famille ou belle-famille. Mais s'il y a un truc que j'ai bien retenu dès le début, c'est qu'Arthur est un personnage qui a énormément de cœur. On le voit tout d'abord quand il dit de nombreuses fois être contre la peine de mort, la torture, ou l'esclavage, et ce point est encore plus mis en avant dans le livre VI, où l'une des premières choses que l'on voit d'Arthur, c'est qu'il refuse de donner un coup à l'un de ses camarades, Papinius, parce qu'il trouve ça injuste. De même, cela montre qu'il refuse d'obéir à ceux qui utilisent leur pouvoir pour persécuter les faibles, donc en plus d'avoir du cœur, Arthur a tout simplement énormément d'empathie.
Ce point là va devenir encore plus présent dans sa vie grâce à Cӕsar, quand ce dernier va lui dire cette phrase très importante :
« Des chefs de guerre, il y en a de toutes sortes. Des bons, des mauvais, des pleines cagettes y en a. Mais une fois de temps en temps il en sort un, exceptionnel, un héros, une légende. Des chefs comme ça, y en a presque jamais. Mais tu sais ce qu'ils ont tous en commun ? Tu sais ce que c'est, leur pouvoir secret ? Ils ne se battent que pour la dignité des faibles. »
Cette phrase est tout simplement devenue un moteur pour Arthur il me semble. Parce que, lorsqu'il a décidé de gouverner avec des gens issus de tous horizons, en leur demandant de se révéler par un fait d'arme, il pensait bien se retrouver à être coltiné avec des faibles, et c'est comme ça qu'il leur donnait une dignité : en se battant pour eux, mais en leur permettant de s'élever.
Cette notion est aussi parfaitement illustrée sur la plage, face à l'armée romaine : Arthur sait qu'il y a sur cette plage, énormément de grouillots. Or, avec sa stratégie, il parvient à monter un plan qui montre que, malgré le fait que ces paysans soient faibles face aux romains, lui, Arthur, le Roi, leur a permit de vaincre l'envahisseur et par là-même, de montrer qu'ils avaient bel et bien une dignité.
De même, ce côté tacticien est un des points les plus importants chez Arthur : sa stratégie. Il a lu les récits des généraux et en sait énormément sur la stratégie. Un des points les plus intéressant, d'ailleurs, c'est que les autres personnages de la série admirent sa stratégie militaire mais dénigrent le fait qu'il soit doux, en pensant que ce dernier point lui vient de son éducation romaine. Or, son côté bon lui vient totalement de son père adoptif, Anton (qui est le total opposé de son géniteur, le Roi Pendragon), qui est complètement breton, alors que son intelligence au niveau militaire lui vient de Rome.
Ce point est d'ailleurs souligné dans toute la série, je trouve : les opposés. Arthur est un opposé à lui tout seul parce qu'il est d'origine bretonne, mais n'en a aucun souvenir et est donc romain de cœur. Or, à la fin du livre VI, lorsqu'il se souvient enfin de la première fois où il a retiré Excalibur du rocher, Arthur se souvient de sa vie en Bretagne et devient donc un vrai mélange de ses deux origines. (D'une façon plus générale, cette mixité me rappelle beaucoup la série en elle-même, qui mélange la comédie et le dramatique, mais bref).
Évidemment, un des points les plus importants à aborder en parlant d'Arthur, c'est son état dépressif très poussé.
Ce côté-là vient évidemment d'Alexandre Astier qui voulait offrir une vision décalée d'Arthur, une vision « terne, plate et sans noblesse », mais il me semble important de montrer qu'elle a été parfaitement amenée.
En effet, dans le livre VI, Arturus n'était qu'un jeune romain dont les principales occupations étaient trouver à manger, des femmes pour s'occuper, et gérer les bêtises de son meilleur ami Manilius. Du jour au lendemain, on lui reparle de la Bretagne, on le propulse au rang de chef de guerre et on lui dit qu'il sera la solution au problème breton.
D'abord peu enclin, il sera néanmoins épaulé par son meilleur ami mais aussi Cӕsar, l'imperator de Rome. De même, sa préceptrice, Aconia, deviendra son premier amour.
Après avoir réussi à libérer la Bretagne, Arthur se rend à Rome pour aller chercher sa femme, cependant ce jour là il perdra tout : Manilius se fera assassiner, Cӕsar se sera suicidé et Aconia refusera de le suivre, suivant son premier mari.
Quand je disais plus haut que l'épisode où arrivent tous ces événements me mettait réellement mal à l'aise, c'est vraiment pour ces trois choses là : d'un seul coup, on comprend pourquoi Arthur est comme il est et je trouve ça d'une tristesse sans précédant.
De plus, on réalise alors que dans sa vie, ces trois figures manquent à l'appel : Aconia sa vraie femme a été remplacée par Guenièvre, qu'il a épousée pour des raisons politiques et avec qui un rapprochement ne peut se faire, à cause de la promesse qu'il a faite à Aconia. Évidemment, les deux auraient pu devenir amis, deux personnes forcées par un lien qu'elles ne désiraient pas, mais j'y reviendrai plus tard. En plus de ça, Arthur qui n'a connu que deux figures paternelles, deux mentors dans sa vie, avec Anton d'un côté et Cӕsar de l'autre, ces deux personnes à qui il ressemble énormément de par son côté doux seront totalement effacées par les autres chevaliers qui se borneront à lui dire qu'il ne ressemble en rien à Pendragon, son géniteur. Enfin, et pour couronner le tout, je pense qu'Arthur a vu en Lancelot quelqu'un comme Manilius, un ami sur qui il pouvait compter et avec qui il pouvait partager ses idéologies. Et même si Arturus et Manilius se ressemblaient peu, l'un préférant réfléchir quand l'autre fonçait tête baissée, les deux avaient vraiment l'air d'être proches depuis longtemps, de ressentir les mêmes choses et de parfaitement fonctionner en duo. Ce n'est pas du tout le cas avec Lancelot, car comme Arthur le dit si bien à la fin du livre VI, tous deux ont des idées diamétralement opposées. Et, dans la série, on nous montre très souvent des duos (Perceval et Karadoc, Yvain et Gauvain, Léodagan et Séli...) alors qu'Arthur est seul.
Après avoir vécu tout ça, Arthur a donc tout sacrifié, son bonheur voire sa vie, pour la quête du Graal, une quête qu'il semble, malheureusement, être le seul à comprendre.
Malgré tout ça, il tente de pleinement vivre au milieu de ces incompétents, car c'est la tâche que les Dieux lui ont donné. Parmi mes épisodes préférés il y a bien évidemment les moments où l'on voit Arthur être complètement joyeux : par exemple quand il avoue à Perceval et Karadoc que ce qu'ils font est systématiquement débile, mais toujours inattendu et que ça lui plaît (Unagi, épisode 7, livre II). Ou bien encore dans un de mes épisodes préférés, quand il tombe sur le fromage pas affiné que Karadoc tente de sauver, et qu'il en lance une poignée sur Perceval : il y a vraiment extrêmement peu de moments comme ça où l'on peut voir Arthur réellement rire et sourire, sans que ce ne soit forcé ou faux. A ce moment là on sent vraiment qu'il s'amuse (La Grande Bataille, épisode 78, Livre III).
Enfin évidemment, il y a cet épisode que je trouve absolument génial où juste, on voit Arthur s'amuser avec la nourriture (Le Monde d'Arthur, épisode 15, Livre II). C'est enfantin, et on sent qu'il y prend un réel plaisir.
Cependant, la plupart des épisodes où on voit Arthur être réellement heureux ne sont plus là après le livre III. C'est notamment dans ce livre III qu'il y a cet épisode particulièrement marquant (Legenda, épisode 20) où Arthur raconte une histoire au neveu de Karadoc. Il lui raconte une version très enfantine de Kaamelott, avec des cerfs, truites et puis finalement non il n'y a que des ours, avant de terminer en disant « Et P’tit Ourson il fait de la dépression. Et euh… tous les jours il se demande si il va se tuer ou pas ». Ce moment semble vraiment surprendre Arthur, puisqu'il vient de réaliser ce qu'il venait de confier, mais sa surprise ne vient pas du fait qu'il ait dit ça à un enfant mais bien de la stricte vérité que renferme cette tirade. Arthur n'est pas heureux dans sa vie.
C'est là qu'arrivent les événement importants du livre IV, le moment où Guenièvre part rejoindre Lancelot et qu'Arthur se sent presque revivre. Cependant je trouve que l'on voit nettement que derrière ces émanations de joie du début de la saison, on sent le côté faux et pas franchement joyeux d'Arthur, là où on pouvait le voir heureux dans les précédents épisodes que j'ai mentionnés plus haut.
Face à l'éloignement de sa femme, il va penser à un nouveau départ possible et faire l'échange d'épouse avec Karadoc pour pouvoir vivre pleinement sa relation avec Mevanwi. Je ne saurais vraiment pas dire si Arthur était véritablement amoureux d'elle (par exemple, ses maîtresses sont toutes des substitues d'Aconia et c'est pour ça qu'il les choisit, mais Mevanwi n'a pas ce style latine et je doute franchement qu'il l'aime réellement, il a plutôt l'air d'avoir du désir pour elle). Ce qui me fait dire qu'il a plus du désir pour elle que de l'amour, c'est la différence entre elle et Aconia : Aconia, il l'aimait, et ne parvenait pas au début à lui faire l'amour. Or, avec Mevanwi, sa relation a tout d'abord commencé avec du désir, le désir de l'interdit aussi je pense, puis sexuel, mais je doute fortement que l'amour y soit pour quelque chose. En plus, je verrais mal Arthur briser sa promesse avec sa première femme comme ça (certes, sa promesse parlait de Guenièvre et elle lui avait dit qu'il pouvait avoir des maîtresses, mais ça me conforte vraiment dans l'idée qu'il ne voit pas trop Mevanwi comme sa femme).
De plus, tout au long des livres I, II et III, Arthur passe son temps à expliquer aux autres que ce qu'ils font, ce n'est pas bien. Ici c'est une inversion totale des rôles puisque ce seront tous les autres chevaliers qui lui diront que ce qu'il fait est une idiotie.
En fin de livre IV, Arthur réalise enfin, à son grand regret, qu'il ne pourra jamais aimer Mevanwi simplement comme il le voudrait, ou peut être même a-t-il compris sa soif de pouvoir et commence à se demander si elle l'aime pour ce qu'il est ou si elle aime le Roi. Il lui avouera qu'elle n'était qu'un échappatoire en lui disant « J'ai un peu profité de nous pour me soutirer à une condition pas toujours facile », et se montre par là-même qu'il s'est trompé sur toute la ligne et qu'il ne peut vivre comme il le voudrait.
Cela amène à un autre point très important je trouve, c'est le fait qu'Arthur n'a pas de libre-arbitre. Alors je n'ai jamais réellement lu d'autres écrits sur la légende du Roi Arthur, mais dans ce que je sais, Arthur est l'élu des Dieux et apprécie cette condition : il est nommé roi par eux, c'est un immense honneur, et il veut le montrer.
Ici, Astier montre quelque chose de tout nouveau je pense, c'est qu'Arthur n'aime pas sa condition d'élu. Il le dit lui-même dans le livre V : « Faire tourner cette baraque et guider tous ces débiles jusqu'au Graal c'est sur moi que c'est tombé. Les Dieux ont trouvé une bonne pomme pour s'arracher les cheveux avec cette histoire de dingue, et ils sont pas prêts de la lâcher ». Ici donc, Arthur n'est pas crédule : il sait qu'être l'élu n'est pas forcément un bon signe et il le voit vraiment comme une mauvaise chose, quelque chose qu'on lui a imposé et qu'il avait accepté au départ, mais lorsqu'il a compris tout ce que ça impliquait, dont le fait de ne pouvoir partir de son trône, il en a été de plus en plus troublé. En bref, Arthur n'a pas de libre-arbitre et le seul moyen qu'il ait trouvé pour échapper à tout ça, c'est de faire croire aux autres qu'il n'était plus l'élu, le coup de grâce envers les Dieux étant son suicide.
Tout ceci amène donc au livre V où tout part pleinement en cacahuètes : Lancelot a disparu, Yvain et Gauvain (le symbole de la jeunesse à qui il faut apprendre, quelque chose de très cher à Arthur) s'en vont, Perceval et Karadoc aussi (alors qu'Arthur disait clairement que leurs idées pouvaient lui remonter le moral), Merlin de même (Perceval et Merlin faisant là office à la fois d'un fils pour Perceval et d'un père pour Merlin). La chute du royaume est proche et comme je l'ai dit plus haut, Arthur replante Excalibur tout d'abord pour montrer au peuple qui est le roi, avant de se raviser : il peut enfin échapper à un destin qu'il ne maîtrise plus.
Je ne pense pas qu'Arthur ait réellement voulu laisser l'épée pour pouvoir faire quelque chose d'autre de sa vie car, comme le montrent les épisodes d'après, il ne fait rien de son temps. Il a juste perdu la volonté de se battre parce que malgré tous ses efforts, tout le monde semble oublier que lui au moins a essayé. Il le dira lui-même à la fin de la saison, avec cette tirade qui, personnellement, m'a toujours mis les larmes aux yeux :
« Pour le Graal j'ai bâti une forteresse moi : Kaamelott ça s'appelle. J'ai été cherché des chevaliers dans tout le royaume : en Calédonie, en Carmélide, à Gaunes, à Vannes, au pays de Galles. J'ai fait construire une grande table, pour que les chevaliers se rassemblent. Je l'ai voulue ronde, pour qu'aucun d'entre eux ne se retrouve assis dans un angle, ou en bout de table. C'était compliqué, alors j'ai essayé d'expliquer ce qu'était le Graal, pour que tout le monde comprenne. C'était difficile, alors j'ai essayé de rigoler, pour que personne ne s'ennuie. J'ai raté, mais je veux pas qu'on dise que j'ai rien foutu, parce que c'est pas vrai. »
D'ailleurs, je trouve que finalement, Arthur a réussi à donner de la dignité aux faibles : à la fin de la saison VI, Guenièvre a du courage, elle le dit elle-même, elle s'est enfuie de chez elle pour aller voir Arthur et a insulté tout le monde à Tintagel, elle qui ne s'est jamais opposé à personne. Karadoc montre tout l'honneur qu'il a en réalisant qu'Arthur était meilleur que lui en tant que Roi. Vénec qui était escroc devient un homme d'honneur en sauvant Arthur. Bohort qui était couard montre plusieurs fois des preuves de courage. Tous ces personnages montrés au premier abord comme faibles ont évolué grâce à Arthur, sa quête est en partie réussie, voire finie, si on se réfère à ce que je disais plus haut et sur les étapes du monomythe.
Après avoir replanté l'épée donc, c'est Guenièvre qui donnera à Arthur l'unique chose qui lui restera dans la vie : trouver sa descendance.
Cette saison est vraiment celle des pères tristes de par leurs enfants absents : Merlin en veut à Arthur de ne pas mieux le considérer et de l'avoir remplacé, le Pêcheur s'inquiète pour son fils parti en mer, Anton ne s'est jamais remis qu'on lui ait pris son fils adoptif, et Arthur ne trouvant pas de descendants sombre de plus en plus dans la dépression.
Dans les bonus présents dans le livre V, Alexandre Astier dit qu'il n'aurait jamais pu vivre sans enfants et je trouve ça particulièrement beau qu'il parle de sa peur à travers la série et y fait se confronter Arthur. Je pense qu'une des scènes les plus poignantes illustrant cette peur est à la fin de l'épisode 6 du livre V, Jizô, où Arthur semble faire un rêve ou un rêve éveillé, où il voit son enfant dans ce songe mais pas dans la vraie vie et, vraisemblablement, se met à pleurer.
Il y a d'ailleurs une scène particulièrement intéressante qui se trouve vers à la fin de l'épisode 5 de la saison V, le Phare, où l'on voit vraiment qu'Arthur perd tout espoir.
Arthur se rend vers ce phare pour y trouver le Pêcheur afin de savoir si une de ses deux filles était bel et bien enceinte, ce qui n'était pas le cas. A un moment, le Pêcheur dit à Arthur « Vous m'avez l'air crevé ». Ce dernier dit qu'en effet, il l'est, mais son interlocuteur le coupe en disant « Vous trimballez quelque chose vous. En fait, vous me faites peur. » Ici, on nous montre bien que oui, Arthur est fatigué, de tout, de sa vie, mais aussi que son dernier espoir s'est éteint à ce moment là et que rien ne l'attend plus, ce qui métaphorise sa tentative de suicide à venir.
Une des chose qui m'a fait vraiment beaucoup réfléchir à la scène, c'est que le personnage qu'Arthur rencontre ne s'appelle que « le Pêcheur ». Or, dans les légendes Arthurienne, celui qui détient le Graal s'appelle le Roi Pêcheur. Ou alors, dans d'autres écrits, le Roi Pêcheur possède un fils ; pour les distinguer, on les nomme alors le « Roi blessé » (car il est blessé à la jambe) et le « Roi Pêcheur ». Ici, je pense que le Roi blessé pourrait symboliser le Pêcheur que rencontre Arthur, blessé dans son cœur car son fils ne revient pas, et le Roi Pêcheur symbolise alors son fils, que son père croit parti à la pêche depuis quatorze ans. Cela pourrait donc dire que, symboliquement, Arthur est venu ici et a pu toucher le Graal du bout des doigts (je reviens sur ce point-là à la toute fin de la critique).
Lorsqu'Arthur dors ensuite, il fait un rêve où il est toujours dans le phare, et je m'arrête trente secondes pour expliquer que le phare est un symbole extrêmement fort d'espoir, de lumière qui guide, et qui parfois symbolise la lumière divine qui montre le chemin aux âmes perdues.
Pendant ce rêve, donc, Arthur sort dehors car il entend des rires d'enfants. A grand renforts de dutch angle (ou plan cassé), qui permet d'exprimer la désorientation d'Arthur à ce moment là, on voit un décors froid, sombre, bleu, avec comme seule lueur chaude, celle du phare. Quand Arthur demande « Il y a quelqu'un ? » pour parler aux voix qu'il entend, les voix d'enfants, il demande alors implicitement si un de ses enfants existe. Puis les cris se taisent et au même moment, le feu s'éteint : le phare ne peut plus guider, et l'espoir s’éteint dans l'esprit d'Arthur.
Mais il n'y a pas que ça qui fait sombrer Arthur, je pense qu'une seconde chose le fait se rendre malheureux, c'est son rapport de force aux autres. Il a toujours été au dessus des autres : se sentant plus intelligent que Guenièvre ou Karadoc, plus courageux que Bohort, avec de meilleurs principes que Lancelot, plus gentil que Léodagan, plus compréhensif face à la situation du Graal que Perceval... et, en milieu de saison, il est devant Guenièvre pour marcher et quand elle lui demande de ralentir, il refuse.
Fin de saison, lorsque Méléagant le raccompagne à Kaamelott, Arthur demande à ce dernier de ralentir le rythme, et il se voit refuser de la même manière qu'il avait refusé à Guenièvre. Le rapport de force s'est échangé et Arthur a trouvé plus fort que lui. Il ne peut rien faire face à la situation parce que Méléagant est plus fort que lui.
Je parlerais un peu plus tard des trois personnages suivants en détail mais tout d'abord je voulais montrer que les trois antagonistes d'Arthur sont respectivement le roi Loth, Lancelot, et Méléagant. Loth parce qu'il est ce que pourrait être Arthur sans ses principes, quelqu'un qui prend tout le monde de haut et ne prend pas la peine d'expliquer. Lancelot représente les démons d'Arthur, ce qu'il peut craindre par dessus tout, que ses principes servent à de mauvais desseins. Et enfin, Méléagant représente tout simplement le côté sombre d'Arthur lui-même : non pas sa part d'ombre, mais réellement ce côté triste et froid qu'Arthur a essayé de vaincre durant ces 15 années à Kaamelott, sa dépression. Et si Loth et Lancelot, en s'alliant contre Arthur, ont échoué, ils ont précipité le royaume dans sa chute et c'est finalement Arthur qui s'est stoppé lui-même avec sa tentative de suicide (donc c'est Méléagant qui l'a stoppé. Vous suivez?)
Je ne peux m'empêcher d'y voir un parallèle avec ce que lui dit Macrinus quand Arthur arrive dans le camp romain : ce dernier lui dit que quand il était enfant, il était rieur, et souriait tout le temps. Aujourd'hui, à cause de ses treize ans de service en Bretagne, il est une toute autre personne, méconnaissable de qui il était à deux ans.
Quand Arthur revoit Anton, son père adoptif, ce dernier dit que le petit garçon qu'on lui avait confié parlait énormément et que c'était pour cette raison qu'il lui avait offert le médaillon d'Ogma, le dieu qui terrasse ses ennemis par la parole. Arthur lui dit alors qu'aujourd'hui, il parle beaucoup moins et aurait besoin d'un autre médaillon : la Bretagne ainsi que Rome l'ont énormément changé et il est devenu méconnaissable, même pour son père adoptif.
Dans l'épisode 9 du livre VI, Arthur voit passer devant lui énormément de monde et je voudrais surtout m'attarder sur son passage avec Perceval. La relation Perceval et Arthur est une des plus belles de la série : en effet, Astier dit écrire Perceval comme un enfant et Arthur le voit donc comme un enfant, et se voit lui-même comme une figure de mentor pour Perceval. De même, il refuse catégoriquement que ce dernier ne se sacrifie pour lui, ce qui lui prouve son amour.
Dans cet épisode donc, au moment où Perceval passe voir Arthur, j'ai l'impression que c'est le seul moment où il y a un vrai respect pour ce dernier. Perceval qui normalement ne comprend rien, écoute Arthur lui expliquer un rêve particulièrement complexe, et même si ce dernier sait que Perceval n'y comprendra probablement rien, il le fait jusqu'au bout.
L'ironie du rêve d'Arthur d'ailleurs, qui a fait couler son sang pour que des innocents se croient coupables, tel le Christ dit-il, c'est qu'après avoir totalement abandonné la quête du Graal, de la vie éternelle, Arthur le montre encore plus en tentant de mettre fin à sa vie : or, symboliquement, il a réussi à trouver le Graal, puisqu'il a fait couler son propre sang afin que des innocents le voient. Il veut que tout le monde se sente coupable de son propre échec.
Cette scène est aussi très jolie dans le sens où Perceval est le seul des visiteurs à border Arthur : lui seul était assez proche du roi pour effectuer ce geste intime.
Enfin, je crois que pour conclure tout ça, je vais parler très vite fait de la symbolique de la jatte en saison V. En effet, tout le long de la saison, la plupart des personnages se passent ce qu'ils croient être une couronne ancienne, et Karadoc, une fois sur le trône, la porte même sur la tête. Lorsqu'Arthur revient et voit la couronne, il explique à tout le monde qu'il s'agit en effet d'une jatte. Parallèle très subtil pour montrer que tous les autres sont bel et bien incompétents face au pouvoir, incapables de distinguer une jatte d'une couronne, et qu'Arthur est donc le vrai roi légitime, celui qui parmi tous a toutes les compétences pour l'être.
La dernière fois que l'on voit Arthur dans la série, il est à l'abri dans la villa Aconia : ses souvenirs enfants reviennent ainsi que d'autres où il était plus âgé. Comme le dit si bien le texte, après avoir frôlé la mort, Arthur reprend espoir et sera de nouveau, dans les films donc, un héros (oublions le « bientôt »). Astier le dit dans les bonus, il aime quand les personnages ne sont pas de vrais héros tout de suite, mais sont d'abord au fond du trou : leurs convictions ne sont pas inébranlables, ce qui les rend plus humains. Ensuite, on peut les montrer héroïques.
Après Arthur, qui est un des personnages les plus complets si ce n'est le plus complet de la série mais, évidemment, il est le personnage principal, je me dois d'abord mon personnage préféré. Pour une fois je ne suis pas en amour avec un personnage qui apparaît trois minutes sur le côté gauche de l'écran mais bien d'un, si ce n'est du personnage le plus apprécié de la série, vous l'aurez deviné, je parle de Perceval.
Perceval, dès le début, je l'ai adoré. Sa naïveté, son absurdité, et le fait qu'il soit si attachant me l'ont vraiment fait aimer. C'est pour ça que quand je vois des gens dire qu'il est juste un personnage débile et drôle, ça me met un peu en rogne.
Pour moi et pour Astier d'ailleurs qui le dit très clairement, Perceval n'est pas débile, il est juste très naïf et il n'est pas idiot, juste plus simple que d'autres. Ces deux choses en font un personnage tout en profondeur, car c'est tout à fait logique : il a vécu toute sa vie dans la ferme de ses parents, des paysans, et ne connaît rien d'autre de la vie. Son père est lui aussi très simple et c'est donc tout à fait normal que, face à Arthur qui a grandi à Rome et connaît énormément de vocabulaire, Perceval n'y connaisse pas grand chose.
D'ailleurs, une chose qui m'amuse, c'est bien la philosophie que peut avoir le personnage. Le meilleur exemple pour ça se trouve en fin de saison IV, lorsque Perceval est au bord d'un lac, avec une fausse canne à pêche, et ne fait rien. Il raconte qu'il aime être là, que ça l'apaise, et il dit la phrase « l'Homme, face à l'absurde » (L'inspiration, épisode 95). Je ne peux m'empêcher d'y voir presque un brisage de quatrième mur, puisque Kaamelott, n'est-ce pas ça au final ? Arthur, face à l'absurdité de ce qu'il doit entreprendre, et les chevaliers, face à l'absurdité de ce que leur demande Arthur ? Ou bien même nous, spectateurs, face à l'absurdité de la version non-héroïque des légendes arthuriennes que l'on nous présente ?
Un autre trait qu'il partage avec son père, c'est le fait qu'il soit très lucide : à la fin de la saison VI, sur la plage, Pelinor va voir Arthur pour lui demander s'il a conscience du niveau intellectuel général et se montre lui-même comme exemple. Perceval est exactement pareil : il sait qu'il ne connaît pas beaucoup de vocabulaire, et c'est pour ça que la botte secrète du « C'est pas faux » lui vient en aide. Ce n'est non pas pour paraître intelligent mais bien parce qu'il sait qu'il ne comprend pas certains mots mais veut continuer les conversations qu'il mène, et ne veut pas qu'on pense qu'il est un idiot, pas à la manière de Karadoc qui a besoin de ça pour parfaire son image, mais vraiment pour être intégré par les autres, et surtout Arthur.
Un autre point qui me fait évidemment aimer ce personnage c'est sa relation, justement, avec Arthur.
Bien que, comme à peu près avec tout le monde, le roi doive montrer beaucoup de patience et s’énerve souvent avec lui, les deux n'en gardent pas moins une très belle relation. En effet, Perceval est le seul chevalier qui ne soit pas de la famille à être admis à la table du roi, ce dernier lui demande explicitement de ne pas se sacrifier pour lui. Il y a aussi l'épisode où Arthur apprend les règles d'un jeu du pays de Galles dans le seul but de pouvoir faire croire à Perceval qu'il les connaît, ce que j'ai par ailleurs trouvé très mignon. Il y a aussi évidemment l'épisode où Arthur croit que Perceval est mort (Always, épisode 50, livre II), qui est un épisode où Arthur remet en compte tout ce à quoi il croit. En fait, je ne peux m'empêcher d'y voir un parallèle avec le livre V, où Arthur ne croit plus à rien parce qu'il ne trouve pas de progéniture et pense qu'il n'en aura jamais, et je ne peux m'empêcher de voir Arthur être presque comme un père, ou observant le rôle de mentor, envers Perceval.
Cette relation va donc dans les deux sens, et si Perceval a peur d'une chose, c'est bien de ne pas recevoir l'amour d'Arthur. Je pense que c'est une des plus belles relations de la série et je ne peux m'empêcher d'y voir sans arrêt une petite tache : si le livre VI a expliqué énormément de choses, je n'arrête pas de me demander pourquoi Astier a mit cette scène où les parents de Perceval demandent à Arthur de prendre soin de lui. Je trouve que ça force presque la relation qu'ils ont ensemble par la suite et, si un jour je rencontre Astier, je sais que ce serait la question que je lui poserai.
En tout cas ça n'empêche pas la série de regorger de moments où Perceval prouve son amour envers Arthur et c'est vraiment mignon. Il ne peut s'empêcher de vouloir rendre Arthur fier et, comme Arthur qui se confiait à un enfant qui ne le comprenait pas, Perceval paie des femmes non pas pour son plaisir physique mais bien intellectuel, pour leur parler et se confier, notamment en disant à l'une d'elles :
« Mais moi, je m'en fous des honneurs, rien à péter. Le Graal aussi, rien à péter. Moi, c'est Arthur qui compte. Moi, je suis peut être pas un as de la stratégie ou du tir à l'arc, mais je peux me vanter de savoir ce que c'est, que d'aimer quelqu'un ».
Ici, il montre qu'il est vraiment le seul qui se préoccupe de ce qu'Arthur pense de lui et qu'il veut le combler. Mais ça me fait penser que, dans la série, peu de personnages s'aiment les uns les autres. Par exemple, Léodagan et Séli forment un duo mais on ne peut pas vraiment parler d'amour, Merlin aime Arthur mais est sans arrêt agacé par lui, Lancelot aime Guenièvre mais la voit plus comme une possession, etc, etc. Il n'y a vraiment qu'Yvain et Gauvain a dire vrai dans ce cas là, mais j'y reviendrai. Toujours est-il qu'avant la saison VI, deux personnages qui comptaient l'un sur l'autre, c'était peu fréquent.
Cet amour et ce respect qu'a Perceval envers Arthur amène à autre chose : dans le livre V, lorsqu'Arthur replante Excalibur, je pense que Perceval était le seul hormis Arthur qui puisse retirer l'épée. Or, par respect pour le Roi, ce dernier ne l'a pas fait, allant jusqu'à s'enfermer dans un tonneau.
Ceci m'amène à un autre point, c'est que Perceval est comme un enfant. Astier le dit, il l'écrit tel un enfant, et c'est même dit dans la série (La Conscience d'Arthur, épisode 97, livre II). Hormis son comportement envers Arthur qui peut le prouver, il y a aussi le fait qu'il ne comprenne pas des choses complexes, sauf quand on lui explique d'une façon enfantine : je parle notamment de ces jeux très compliqués dont il connaît les règles par cœur. Ce sont des jeux, donc c'est simple à comprendre. De même, sur le champ de bataille, il ne connaît pas le nord l'ouest ou autre, mais comprend des choses tel que le sens du courant de la rivière (L'ambidextrie, épisode 35, livre I).
Ça m'amène à autre chose qui était longtemps resté flou pour moi, c'est à la fin du livre V où Arthur n'est plus roi et Karadoc a pris sa place. Perceval ne semble pas plus outré que ça par la situation, et se met à fâcher tout le monde autour de la table, même Arthur. Après la longue tirade d'Arthur, il dit cependant ceci « Nan mais faut pas nous écouter sire, vous savez bien qu'on est des cons nous » (autre preuve de sa lucidité d'ailleurs), et puis j'ai compris. Perceval ici joue un jeu : le jeu d'Arthur. Celui d'être autour de la table ronde et de faire semblant de fâcher les gens. Seulement, il n'est pas vraiment en colère ni même le chef : il sait qu'Arthur est le seul, vrai chef, et donc il s'amuse tout simplement de la situation, comme un enfant.
Un point m'emmenant à autre chose, c'est bien évidemment le fait que Perceval puisse littéralement lire l'âme des gens et savoir si ils sont bons ou mauvais. C'est ce qui l'amène à détester Mevanwi, la femme de Karadoc, sans réellement la connaître, ou je pense, à aimer Arthur tout de suite. Là de même je me suis longtemps questionnée sur, mais pourquoi dans ce cas, son meilleur ami est-il Karadoc ? Ce dernier prouve pourtant en saison V que son ambition est assez inquiétante. Après y avoir réfléchi je pense que c'est tout simplement parce que Karadoc peut juste être remis dans le droit chemin par Perceval lui-même, mais j'y reviendrai plus tard (décidément je remets tout à plus tard).
Enfin, il y a énormément de théories qui peuvent circuler autour de Perceval. Est-ce lui qui trouvera le Graal ? Dans la série, il est souvent abordé par des « vieux », or, les indices du Graal dans la légende sont donnés justement, par des vieilles personnes mystérieuses... Est-ce qu'il peut réellement retirer l'épée du rocher ? Quelle est sa grande destinée ? Est-ce qu'il a été envoyé par les dieux, déposé dans un champ, pour aider Arthur dans sa quête, ou bien est-il un extraterrestre ?
Si tout cela montre bien une chose, c'est qu'il n'est absolument pas un personnage stupide et drôle mais extrêmement intelligent (certains de ses raisonnements, comme celui du nombre de réunions de la table ronde dans le mois, font totalement sens, et il peut compter comme personne. Je pense aussi qu'il pourrait être autiste mais ramener chaque personnage à ça dans toutes mes critiques deviendrait... redondant, comme les fenouils), et qu'il a une grande profondeur dans son écriture.
Bien évidemment, ça ne l'empêche pas d'être extrêmement drôle et il est le personnage qui me fait le plus rire de la série. Ses deux répliques qui font toujours mouche chez moi sont le « A rouleeeeeettes ! » et «-Ah, seigneur Perceval vous tombez bien... / -Pas spécialement non. Enfin, j'me débrouille toujours pour me rattraper à quelque chose... ».
A dire vrai, le fait qu'il soit naïf, gentil, qu'il possède une destinée hors du commun, un amour incommensurable pour Arthur et qu'Astier ait prouvé qu'il n'hésitait plus à tuer des personnages, me rend grandement inquiet à son sujet car je le vois totalement se sacrifier pour sauver Arthur, et par là-même la Bretagne, et que ce soit pour ça que « dans vingt siècles on en parle encore ».
Difficile de parler de Perceval sans aborder Karadoc tout de suite après.
Karadoc pour moi, c'est un peu compliqué. Je n'ai jamais vraiment apprécié le personnage sans pour autant qu'il m’énerve : il est là, me fait rire parfois et sa présence ne me dérange pas, mais c'est tout.
Tout d'abord, à la différence de Perceval, Karadoc ne prend jamais rien au sérieux, ni même au tragique. Même lorsqu'il a été fait prisonnier et est presque mort de faim, on avait l'impression que ce n'était pas une grosse épreuve. A dire vrai, l'unique chose qui lui tient réellement à cœur, c'est la nourriture, après le traumatisme lié à sa jeunesse, et on ne peut pas lui en vouloir. En fait, c'est presque à ces seuls moments que le personnage me touchait réellement, quand dans les épisodes où on lui interdit la nourriture, il s'énerve.
Je dis ''presque'' parce que s'il y a bien un autre moment où le personnage m'a touché, c'est lorsqu'il refuse d'essayer de retirer l'épée du rocher, simplement pour faire plaisir à Perceval.
« Je