Moi dans la vie j'avais deux ennemies, les séries françaises et les épinards. Maintenant, j'ai vu Kaamelott et je ne bouffe plus d'épinards, merci de rien, en revoir m'sieurs dames.
Vous voulez que je vous dise … à ce niveau là ce n'est plus une simple série, c'est de l'art. Non content d'être le réalisateur de cette petite pépite, Astier est également acteur principal, scénariste, producteur et enfin compositeur de la bande son.
Et quelle réussite ! Arriver à construire un univers avec autant de personnages secondaires et de faire que chacune de leurs apparitions soit un délice pour le spectateur, alors là je tire mon chapeau. Je parle bien du fameux duo formé par Karadoc, maître incontesté de la gastronomie bretonne, inventeur du croque monsieur et de Provencal le gaulois, fraichement chevalorisé et jeune prodige de la cartographie. Avec une touche Monthy pythonienne certaine, ce duo ravageur qui étale son ignorance partout où il passe n'a qu'un but, déclencher le fou rire chez le spectateur. Mais je parle aussi de Léodagan, bourrin assumé, du maître d'arme aux techniques provocatrices pour le moins atypiques, du roi Loth, professeur de Latin, de Merlin enchanteur et vainqueur de la belote de Winchester et de bien d'autres encore … Véritables machines à rire, chacun dans leur propre style bien défini, ils meublent parfaitement cette série qui malgré une quête bien définie, aurait tendance elle aussi à vouloir « arrêter l'Graal ».
Arthur, seul être a peu près sensé de Bretagne jusqu'en Aquitaine, joue le rôle du médiateur à la perfection. Un coup gronchon, un coup ahurie, parfois même émerveillé devant tant d'absurdité, il prend sur lui tout en répliquant avec un humour dont lui seul à le savoir faire. Son credo ? Se battre pour la dignité des faibles. Il en devient un personnage attachant et intriguant, qui sera le fil conducteur de nos émotions.
C'est ainsi qu'en même temps qu'Arthur sombre progressivement dans les abysses, nous l'y rejoignons à nôtre tour. Le temps passe, la foi s'ébranle. L'empire romain lui même connaît sa fin. La Bretagne, inconsciente du danger qui la guette, continue sur la voie de la trahison, de la vengeance et de l'absurde. Arthur quand à lui va rentrer dans une spirale infernale. Tout comme un sort qu'on lui aurait jeté, ses épaules ne sont plus assez grandes. Il se meurt d'une dépression aussi lente que dévastatrice. C'est ici toute l'habilité de cette méticuleuse série. Alors que la plupart des personnages restent fidèles à leurs personnalité initiales, Arthur lui se décroche petit à petit, d'une façon subtile mais perceptible, de ce cadre burlesque initialement instauré. L'histoire va donc s'approfondir en ce recentrant sur lui même tout en gardant un œil sur la connerie avoisinante. Un dernier détour à Rome dans les jeunes années d'Arthur nous permettra de mieux comprendre ce dernier chapitre et surtout de donner un sens à tout ce merdier.
C'est donc en homme comblé, que le saint Graal de la comédie française m'a désormais transformé. Comblé de rire, de part ses répliques plus épiques les une que les autres. Comblé d'affection de part ses personnages atypiques et attachants, tous, chacun à leur manière. Mais aussi troublé. Troublé par l'adresse et la justesse de son chef d'orchestre, Alexandre Astier, qui a su parfaitement manipuler les émotions du spectateur en le faisant tout d'abord et à maintes reprises, rire à n'en plus pouvoir, puis, lentement mais sûrement, sans prévenir ni guérir, le toucher par une force invisible qui clôturera ce rire, pour laisser place au silence et a un drame sombre empli de mélancolie.