La Légende de Korra
7.4
La Légende de Korra

Dessin animé (cartoons) Nickelodeon (2012)

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Suite au succès commercial et critique d’Avatar : The Last Airbender, il aurait été inconcevable que Nickelodeon ne tente pas de surfer sur la vague de popularité engendrée par sa série. L’aventure Avatar ayant atteint une conclusion sous sa forme télévisuelle (tout en continuant dans une série de comics super sympas), le choix logique était la conception d’une série spin-off. Les créateurs d’Avatar, Bryan Konietzko et Michael Dante DiMartino, sont ainsi arrivés avec un projet de suite visant à raconter l’histoire du nouvel Avatar, une fille de l’eau appelée Korra. Le tout se déroulant 70 ans après TLA, dans un monde en plein progrès suite à une longue période de paix.

Rappelons les bases de l’univers : les deux séries Avatar se déroulent dans un monde d’inspiration asiatique, divisé en 4 nations. Chacune est placée sous le signe de l’un des quatre éléments et possède en son sein des individus capables de maîtriser cet élément à leur guise. L’Avatar est le seul individu au monde capable de maîtriser les quatre éléments, et a la lourde tâche de préserver l’équilibre du monde. Après que l’Avatar Aang, le dernier maître de l’air, ait ramené la paix dans la première série, l’univers a été sujet à de grands changements et à de fortes évolutions technologiques. Le monde The Legend of Korra quitte partiellement les accents très médiéval-fantastique de TLA pour davantage lorgner du côté du steampunk. Des technologies comme l’automobile, la communication radio ou l’aviation, sont désormais monnaie courante. Une belle manière de marquer une rupture avec la première série tout en se situant dans le même univers.

C’est un peu le leitmotiv de TLOK : se placer dans la lignée de TLA mais avec malgré tout la volonté de s’en démarquer. Le ton général se veut plus mature, un peu plus sombre, mais en conservant la balance entre drame et légèreté propre à l’original. La structure change, quittant la forme du voyage initiatique vers un but précis pour des affrontements plus « modernes », opposant souvent le nouvel Avatar à des terroristes cachés et aux intentions troubles. Mais on conserve la dynamique du groupe de personnage aux capacités diverses, qui entourent et soutiennent le héros. On replonge donc avec bonheur dans un univers très familier tout en bénéficiant du côté rafraichissant d’une série entièrement nouvelle.

Korra, la nouvelle Avatar, est un personnage radicalement différent de son prédécesseur, Aang. Impulsive, garçon manqué, tête brûlée, mais aussi courageuse et acharnée, elle excelle dans la maîtrise pure des éléments, à l’exception toutefois de l’air. Les créateurs ont eu le bon goût de l’écrire avec finesse, son côté bourrin ne l’empêchant absolument pas d’être émouvante quand la situation l’exige. Les compagnons de notre protagoniste principal (rassemblés sous le surnom de « Team Avatar ») ont tous le point commun d’être conçus dans des rôles très définis : Bolin le comique de service, Mako le beau gosse ténébreux ou encore Asami la fille belle et ingénieuse. Cependant, si la première saison ne leur fait pas forcément honneur, ces personnages gagnent progressivement en épaisseur et en intérêt à mesure que la série avance. Outre le groupe « principal », TLOK nous gratifie également de toute une série de personnages assez mémorables. On pense principalement à Tenzin, le fils d’Aang, maître de l’air et principal instructeur de Korra, avec qui il entretient une relation de maître-élève souvent touchante. Mais aussi à Lin Bei Fong, la chef de police dure à cuir, les Jumeaux Desna et Eska, Varrick l’inventeur fou, … Sans oublier les vilains de l’histoire : Amon, le terroriste masqué aux pouvoirs effrayants, ou encore le mystérieux Zaheer. A noter que les antagonistes de TLOK ne sont pas des Seigneurs du Mal, mais plutôt des terroristes se battant pour des idéaux bien précis et prêts à tout pour arriver à leur but. Une menace plus « actuelle » mais aussi plus ambiguë. On peut également se réjouir que TLOK ait conservé l’intelligence de la première série, et brasse volonté une série de thèmes divers comme la spiritualité, les inégalités, les conflits politiques, … Le tout sans jamais dévier de l’optique du divertissement grand public. A noter d’ailleurs que Korra est une série plus condensée que TLA : les saisons comportent entre 12 et 14 épisodes, autorisant moins de moments de « relâchement » que la première série, et une intrigue plus constante.

Artistiquement, le boulot est encore une fois impressionnant. Animée presque entièrement par le Studio Mir, situé en Corée, la série se place dans le haut du panier du cartoon américain. Encore plus belle qu’Avatar, plus mature dans son chara-design tout en reprenant la patte artistique déjà somptueuse de la série de 2005. Les décors peints sont sublimes et l’animation est ébouriffante. Les combats sont un poil moins créatifs qu’auparavant, mais la qualité d’animation est en revanche bien supérieure. Le final de la saison 3 est une vraie baffe en la matière. On peut également citer un double épisode mémorable au design bien particulier. Les seuls instants de faiblesse viennent du début de la saison 2, animée par le Studio Pierrot (japonais, à l’origine des animes Bleach et Naruto entre autres, ça situe le niveau). Quant à la musique, elle est de nouveau assurée par Jeremy Zuckerman, qui parvient à livrer une partition inspirée, entre thèmes épiques, envolées mélancoliques, et passages jazzy réjouissants, tout en recyclant avec bonheur quelques thèmes de la première série.

De manière globale, le principal défaut de TLOK est son inconstance, due avant tout à des problèmes de production. En effet, TLA a été dès le départ pensée comme un show en 3 saisons, avec un début, des péripéties et une fin clairement définies. A l’inverse, TLOK a été d’abord conçue comme une mini-série : une seule saison de 12 épisodes a été commandée dans un premier temps, et c’est suite au succès de cette dernière que Nickelodeon a redressé le tir en commandant trois autres saisons.

La première saison avait ainsi la lourde de tâche de nous introduire à un nouvel univers, de nouveaux personnages et de raconter une histoire unie avec un début et une fin, le tout en 12 épisodes de 20 minutes ! En ont résulté quelques défauts, notamment un triangle amoureux assez bâclé, mais aussi et surtout une fin résolvant toutes les intrigues de la saison en 2 minutes, à grand renfort de Deus Ex Machina. Les créateurs, peu sûrs du destin de leur série, ont préféré lui offrir une sorte de simili-conclusion, quitte à bâcler le tout, plutôt que de laisser des éléments en suspens.

En résulte une saison 2 qui peine vraiment à démarrer. Les 6 premiers épisodes sont bien en déçà de tout ce que les créateurs nous avaient offert jusque là, tant en terme d’animation (le Studio Pierrot que j’évoquais plus haut) qu’au niveau de l’écriture : les enjeux se mettre difficilement en place, le personnage de Korra subit une vraie régression et devient relativement irrascible, et ce sont finalement davantage les intrigues secondaires qui retiennent l’attention. Fort heureusement, la saison reprend du poil de la bête à mi-parcours pour finir par surpasser la précédente lors des épisodes finaux, avec cette fois un vrai final, plein de conséquences.

Quant à la saison 3, c’est pour l’instant la plus réussie, et ce à tous les niveaux. Elle renoue avec une structure plus proche de la série originale, centrée sur le voyage et la découverte de nouveaux lieux, tout en offrant à tous ses personnages un développement approfondi et une vraie évolution. Sans compter la radicalisation du ton, TLOK se montre plus sombre et osée que jamais dans la deuxième partie de la saison, avec la présence d’un groupe de méchants aussi charismatiques qu’intrigants. Ce troisième « livre » propose également la fin de saison la plus marquante jusqu’à présent. D’une amertume certaine, elle prépare en tout cas magistralement le terrain pour la saison 4, qui devrait si tout va bien être d’une qualité semblable à la précédente.

TLOK, contrairement à TLA donc, est une série qui a fortement souffert de contraintes de productions et des caprices de la chaîne à l’éponge carrée. Ce sont sans doute ces contretemps qui empêchent Korra de se hisser au niveau de l’Avatar original. Il n’empêche que la série est très généreuse et compile malgré tout une bonne partie des qualités de sa grande soeur, le tout avec un ton et une atmosphère un peu différents, et une animation plus splendide que jamais. En attendant une conclusion qu’on ne peut qu’espérer à la hauteur du reste, The Legend of Korra s’impose déjà, à l’instar de The Last Airbender, comme l’une des plus grandes séries animées occidentales (ou pas) de son temps.


[EDIT SAISON 4] Eh bien voilà. Korra, c'est enfin fini. Cette saison 4 fut peut-être la meilleure de toutes, commençant très fort, et maintenant une écriture dense jusqu'au bout. Plus que jamais, on se concentre sur Korra, ses responsabilités en tant qu'Avatar, et le personnage subit une évolution très intéressante (et par certaines aspects assez radicale). Le tout en nous présentant une nouvelle méchante charismatique, et en développant encore plus les thématiques politiques et militaires liées au monde d'Avatar. Là où la première série fut un récit de la lutte du bien contre le mal (avec toutes les nuances que ça impose ceci dit), celle-ci fut avant tout une histoire de politique, de visions du mondes opposées, et d'extrémisme. Chacun des méchants de la série se battant pour un idéal : l'égalité, l'équilibre, la liberté, et ici l'ordre. On peut également citer un final explosif, sans doute pas à la hauteur de celui d'Avatar, mais malgré tout riche en moments épiques. La conclusion peut sembler un peu rapide sur certains aspects, elle n'en reste pas moins parfaite pour clore la série, ses thématiques et le cheminement de son personnage principal. Sans compter une dernière scène relativement osée, qui risque de marquer les esprits (je n'en dis pas plus). En tout cas cette fin, et cette saison, m'auront laissé une excellente impression, au point d'augmenter ma note d'un point.

Gros point noir toutefois : Nickelodeon (encore...) qui aura décidément pourri sa série jusqu'au bout. Après avoir bouleverse les plannings de diffusion des saisons 3 et 4 (les deux ont fini par être diffusées à un mois d'intervalle), avoir programmé puis déprogrammé la série en la contraignant à une diffusion exclusivement online, la chaîne a cru bon de couper dans le budget de la dernière saison de la série, lui arrachant l'équivalent financier d'un épisode entier. Les créateurs ont donc été contraint de sacrifier un épisode au milieu de la saison, pour en faire un clip show (collection d'images d'épisodes précédents en forme de résumé de la série). On a donc littéralement perdu un épisode, sur une saison de 13 c'est beaucoup, et ça peut se ressentir dans quelques intrigues de fin de saison vite résolues. Encore une fois, un grand merci à Nickelodeon pour avoir trainé dans la boue jusqu'au bout l'une de ses meilleures séries, sans raisons apparentes.

Et un tout grand merci (sincère cette fois) aux créateurs Michael Dante DiMartino et Bryan Konietzko, pour avoir su tirer le meilleur parti possible des caprices de la chaîne, et pour nous avoir offert deux séries animées aussi formidables. Le monde d'Avatar me manquera...
Yayap
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le 7 sept. 2014

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