Un élément particulier me pousse à prendre le temps d'écrire une critique pour "La Légende de Korra" alors que je ne l'avais pas fait pour son prédécesseur.
J'avais trouvé "Avatar, the Last Airbender" très riche et, à vrai dire, plus plaisant que "La Légende de Korra" en plusieurs points.
Tout d'abord, on a dans Avatar une intrigue de fond qui nous tient en haleine du début à la fin de la série. A l'inverse, dans Korra, il y a une intrigue (on pourrait même dire un thème) par saison, et pas vraiment de trame de fond. Ce qui se justifie parfaitement du fait de la paix retrouvée (pas de grande lutte finale à accomplir) et d'un monde qui cherche encore son équilibre sur différentes problématiques (donc différents conflits et choses à régler à différents endroits). Ce choix narratif est donc très pertinent, mais je trouve tout de même que ça a un côté moins plaisant.
Ensuite, j'ai trouvé l'évolution des personnages plus intéressante dans Avatar : ils grandissent, mûrissent, et on le sens vraiment d'une saison à l'autre, ce qui est bien moins le cas dans Korra.
Enfin, j'ai plus apprécié l'univers d'Avatar, un peu trop modernisé à mon goût dans La Légende de Korra.
Cependant, il y a eu cette multitude de détails, toujours sur le même thème, qui ont retenu mon attention et n'ont cessé de me réjouir tout au long de la série. Je trouve en effet que La Légende de Korra est une série extrêmement novatrice, et même progressiste quant à l'image de la femme (et de l'homme par extension) dans la société. On sentait qu'Avatar était déjà sensible à cette question : parité dans l'équipe de héros, "méchants" aussi bien masculins que féminins ; caractères appuyés des héroïnes, guerrières de Kyoshi...mais malgré tout, le grand héro reste un garçon, le grand méchant est un homme, les guerrières de Kyoshi sont une exception (et ont quand même besoin à un moment d'être sauvées et protégées), Katara est avant tout une healeuse (elle soigne) et un peu une maman, et Toph, bien que rebelle, est un genre de princesse héritière bien rompue à l'art "d'être une femme" et dont on sent le besoin, au détour d'un épisode, de se sentir jolie et de se l'entendre dire.
Rien de tout ça dans La Légende de Korra, bien au contraire.
Déjà, il s'agit cette fois d'une héroïne, et non d'un héro. Korra est une femme, jolie mais sans plus, bien bâtie et qui aime l'adrénaline et le combat. Ce qui est mis en évidence chez Korra, c'est son naturel (elle n'est pas apprêtée), sa musculature, et son côté très sportif et "rentre-dedans". Autant de qualités que l'on attribue habituellement aux hommes, les femmes se devant avant tout d'être jolies, faibles et fragiles.
L'autre femme de la "team Avatar", Asami, est au contraire très féminine, mais très indépendante et pas faiblarde pour un sous. Notons aussi que c'est une ingénieur et une technicienne de génie, habilités que l'on voit plutôt chez les hommes d'habitude.
Au fil de la série de nombreux personnages féminins viendront enrichir ce tableau (Lin, Jinora, Kya, Pema, Suyin, Opal, Kuvira...) toujours loin des clichés, avec un caractère bien affirmé, féminines ou pas, en fonction de leur personnalité et de leur envie.
S'ajoutent à cela des clichés pris à contre pied, et ce dès les premiers épisodes :
Quand Korra flash sur un des personnages, elle va d'abord tenter de l'impressionner par son habileté et sa puissance sportive (via le pro bending), puis, voyant qu'il ne lui prête pas spécialement attention, c'est elle qui fait le premier pas vers lui (on n'a donc pas l'homme qui fait le coq et qui se doit surtout de faire le premier pas vers la dame pendant que cette dernière se doit d'attendre passivement).
Quand Asami invite Mako à dîner, on n'a pas le grand et beau célibataire qui extrait la pauvre damoiselle de son milieu et lui fait goûter aux plaisirs du luxe mais LA grande et belle célibataire qui prend totalement en charge l'homme qu'elle invite et l'emmène dans une endroit plutôt classe alors que lui est plutôt (très) pauvre.
Quand Jinora...
Attention Spoiler :
...devient officiellement maître de l'air, ses cheveux sont rasés afin de pouvoir lui apposer le tatouage des maîtres de l'air sur le crâne. Et ce n'est pas anecdotique : on voit Jinora, le crâne rasé, faire face à l'assemblé la tête haute, fière de cette distinction. Pas un seul instant elle ne s'est inquiétée de devoir être rasée. Avouez qu'on a plus l'habitude de voir des filles s'inquiéter de ce que va devenir leur belle chevelure.
Le chef de la police n'est pas un homme mais une femme, on trouve des femmes autant que des hommes parmi les chefs de gouvernement, il y a des hommes sensibles à la joaillerie et aux beaux vêtements ou dotés d'un sens artistique plus prononcé, il y a des femmes badass qui aiment se battre et bien manger, BREF, j'en oublie sans doute des tonnes mais vous l'aurez compris, avec Korra, on ne plonge pas dans le cliché.
MAIS, on n'est pas non plus dans l'inversion des clichés : tout est fait très subtilement et la série peut se targuer d'avoir trouvé un bel équilibre en la matière, ce qui est loin d'être chose facile.
Je salue donc cette belle prouesse et me réjouis de savoir qu'il commence à exister des séries offrant aux enfants des rôles-modèles divers et variés dans lesquels ils pourront enfin se voir de manière plus complète et plus complexe (en particulier les filles).
La série a bien évidemment de nombreuses autres qualités et est subtile et novatrice en d'autres points, mais ce point là en particulier a retenu mon attention de bout en bout, jusqu'au dénouement dont je ne dirai rien mais qui montre bien que, oui, La Légende de Korra est une série bien décidée à vivre avec son temps.