Je vais être honnête : j’ai failli décrocher au bout de deux épisodes. Si vous n’avez pas lu les livres, comme moi, Le problème à trois corps n’est pas très accueillant. Je sais bien qu’adapter une œuvre littéraire de science-fiction, est un exercice compliqué. Il faut réussir à équilibrer entre les attentes des lecteurs et l’accessibilité pour un public plus large. La série débute dans un brouillard, enchaînant des intrigues qui semblent se superposer sans jamais s’éclaircir. On a une structure froide et « efficace » qui laisse peu de place à l’émotion ou à l’attachement aux personnages.
Le récit suit deux temporalités. D’un côté, des scientifiques d’aujourd’hui confrontés à des suicides mystérieux, des phénomènes qui défient les lois de la physique et une série de signaux étranges. De l’autre, on suit le parcours d’une jeune scientifique dans la Chine répressive des années 60. La série empile ensuite les couches : des jeux vidéo immersifs, des organisations secrètes, des signaux de l’espace, des rencontres fantomatiques, et une civilisation extraterrestre technologiquement supérieure qui semble déjà manipuler l’humanité. Résultat : on est perdu.
Certaines scènes illustrent bien ce problème, notamment les longues scènes autour des jeux vidéo, qu’on finit par comprendre être un mode de recrutement extraterrestre. On finit par comprendre leur rôle, mais pas avant de s’être demandé à plusieurs reprises si tout ça en valait la peine. C’est d’autant plus frustrant qu’à partir de la mi-saison, tout s’éclaire enfin : les intrigues s’imbriquent, les personnages prennent du relief, et le propos commence à résonner. Il fallait s’accrocher jusque-là. L’arrivée des extraterrestres est à la fois imminente – ils influencent déjà la Terre – et différée de 400 ans. Ce décalage soulève une question fascinante : comment une société affronte-t-elle une menace lointaine mais inévitable ? L’écho avec le changement climatique ou les crises économiques et politiques est flagrant, et souligne notre incapacité à penser à long terme. Ce propos résonne, même si la série n’en tire pas tout le potentiel.
L’élément humain, si absent au départ, émerge dans la relation entre Jin et Will, anciens camarades étudiants, alors que le second jugé brillant est rongé par une maladie incurable. Leur lien – qui dépasse la romance – donne enfin une chair émotionnelle à l’intrigue. La question devient : que signifie mourir et laisser une trace ? Will, d’abord serein face à sa propre fin, se retrouve tenté de donner son cerveau à une expérience orchestrée par Jin. Ce choix, à la fois intime et éthique, mêle le personnel au collectif, et donne une vraie tension à l’intrigue.
Sur le plan technique, tout cela reste « propre », sans âme particulière. La réalisation est fonctionnelle, mais sans éclat. Rien ne vient renforcer ou contredire les thèmes, ce qui aurait pu donner une identité visuelle marquante. Et pourtant, la deuxième partie de la saison réussit à poser des bases suffisamment intrigantes pour qu’on ait envie de continuer. Mais soyons honnêtes : cette première saison ressemble davantage à une introduction étirée qu’à une adaptation pleinement satisfaisante. On reste en attente, partagé entre l’espoir d’un développement passionnant et le regret d’un début si froid.