Les 100
5.8
Les 100

Série The CW (2014)

La guerre, l'exercice du pouvoir, et le conflit israelo-palestinien expliqués à ma fille

L'affiche avait attiré mon oeil et l'autre a suivi en plongeant dans la série. Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre, sauf à un récit post-apocalyptique avec des ados sur la base du maigre résumé d'un site de streaming.


Premier contact (qui m'a fait rire) : tous les acteurs sont (très) beaux ! Vraiment tous. Pas comme dans la majorité des oeuvres audiovisuelles où on a une ou deux belles gueules en rôle principal et le reste de la distribution au physique banal pour les rôles secondaires, ingrat pour les méchants. En fait, il s'agit bien de ça : la hiérarchie par la beauté est ainsi supprimée...


Et vu l'état de crasse dans lequel ils tombent, et la puanteur qui sort de l'écran, ça permet, somme toute de continuer à les regarder.


Je restais tout de même dubitative au fil des premiers épisodes, ballottée entre enthousiasme pour un manichéisme peu présent -surprise pour une série US-, une trame qui se développe très rapidement, un soulagement qu'elle ne s'attarde pas trop sur les amours des protagonistes, et agacements. Pas pour les invraisemblances, les 2/3 niaiseries ou facilités, magnanime que je suis lorsque je regarde n'importe quel produit US, sachant faire quelque peu le tri... Ce qui m'a surtout agacée, c'est que je me demandais où cette série voulait en venir. Parce que, mine de rien, elle fait penser au conflit de territoires entre Israël et la Palestine. Et c'est bien une des trames de fond (voire la principale) de cette série : la (re-)colonisation. Si on regarde la série sous cet angle, je vous assure qu'elle est passionnante. Tout y est : les Israëliens qui veulent retourner sur leur terre pour leur survie, les Palestiniens qui y vivent et la défendent, et même les Britanniques (voire l'Onu) qui contrôlent le territoire, et tirent les ficelles. Le point de vue de la série est celle des colons juifs, évidemment. Avec une vision des Palestiniens qui, au départ du moins, peut révolter. Mais la position du showrunner, Jason Rothenberg, finit par rassurer, évitant le manichéisme, pour mieux orienter la série vers autre chose et dépasser ce point de départ, qu'on découvrira certainement dans la 3e saison, notamment avec Jaha, symbolisant les juifs qui ne veulent pas de ce territoire, et qui tente de trouver autre chose pour son peuple.


Et puis il y a tout le reste : le difficile exercice du pouvoir et le conflit de générations, les ados acquérant un savoir d'avance réel sur des adultes qui pensent encore pouvoir faire autorité.


On nous épargne aussi toutes les petites histoires d'amour qu'on s'attend à voir dans une série avec des ados. Evidemment, à cet âge, on a les hormones en feu, et il est normal de ne pas y échapper tout à fait. Mais là encore, il est très intéressant de voir comment elles mènent leurs hôtes dans des zones qui leur échappent, et les empêchent heureusement de gazouiller trop longtemps. Il est très heureux que le showrunner ait décidé de ne garder que le point de départ des livres desquels est tirée la série, qui paraît-il sont à l'inverse nourris par les histoires d'amour au détriment de l'action.


Il y a aussi les personnages, qui ne sont pas faits d'un seul bloc, des lignes se franchissent aisément : on déteste un personnage pour ce qu'il commet (et pas peu), et puis on finit par l'adorer. Exit le manichéisme à l'américaine ! Aucun personnage n'est à l'abri des erreurs de jugement, de la haine égoïste ni même d'une prise de conscience qui l'amènerait à modifier son comportement. Les acteurs se tirent plutôt bien de ce difficile exercice, les producteurs ayant eu la bonne idée d'aller choisir leurs acteurs parmi une jeune génération australienne, canadienne ou nord-américaine inconnue mais déjà rodée.


Enfin, surprise !, il n'y a que des personnages féminins balèzes. Un tel regroupement dans un seul récit, perso, je n'avais jamais vu ça ! Fallait oser. Et le tout, sans faire baisser le niveau de testostérone des personnages masculins. Exploit !
C'est d'ailleurs le trait le plus frappant de la série, mais, au-delà de ça, les personnages féminins seraient masculins, nous aurions la même histoire. Elles ne sont ni meilleures, ni pires. Mais là où c'est intéressant pour une fille ou une femme, c'est la découverte et l'expérience du pouvoir qui sont narrés ici, et la volonté d'empowerment à leur endroit. Comme une leçon pour les futures femmes qui prendront le pouvoir. Les personnages masculins, qui ne sont pas tous écartés de cet exercice, se rangent du côté de ces nouvelles leaders, et pas une fois le fait qu'elles soient des femmes ne semble leur poser problème. La seule chose importante étant de trouver les personnes les plus capables de défendre the greater good. L'exercice du pouvoir politique n'est plus un domaine masculin, il est à mettre dans les mains de celles et ceux qui ne placent pas leurs intérêts propres avant ceux des peuples, et peu importe que ce soient des mains d'hommes ou de femmes. Merci The 100.



La saison 1



De surprises en agacements en questionnements, le tout à un rythme très soutenu jusqu'au bout. J'ai dû attendre l'épisode 6 pour être conquise (et voir si la position de Jason Rothenberg sur le conflit israëlo-palestinien qui se rejoue devant nous était compatible avec la mienne). Pour l'instant, elle reste la saison que je préfère, même en ayant joué avec mes nerfs. Le positionnement est parfois gonflé, proche du racisme, mais c'est tout à l'honneur de Rothenberg de ne pas arrondir les angles, et d'oser attribuer à ses personnages des sentiments et des réflexions les moins humanistes, de nous les donner à voir embarqués dans une urgence qui les aveugle et qui les force à adopter une attitude craintive et belliqueuse. Entre autres.



La saison 2



Le rythme se détend un peu. Quelques très bons épisodes, la position du scénariste s'affine et invite les "Britanniques" supposément alliés dans la partie. Mais cette saison possède quelques lourdeurs dues au fameux character development. Et vu le rythme de la 1re saison, on a l'impression de passer d'un bolide à un tracteur. Pour autant, ces ralentissements nourrissent la trame et éclaircissent le point de vue des créateurs. Ca donne envie de lire et de voir Sa Majesté des mouches [http://www.senscritique.com/livre/Sa_majeste_des_mouches/273952#][1] [http://www.senscritique.com/film/Sa_majeste_des_mouches/468348#][2], source d'inspiration de Jason Rothenberg (bien plus que Lost), en attendant la saison 3.



La saison 3



Aïe ! Les 2 premiers épisodes sont parfaitement inintéressants. On retrouve les protagonistes 3 mois après l'épisode final de la 2e saison et on ne les reconnaît plus. Pas que ce soit un problème, mais je trouve la construction caduque. Il manque quelques éléments permettant de voir ce début de saison autrement que comme une succession d'actions. Les 2 épisodes suivants reviennent un petit peu plus dans le propos. Et on commence à retrouver la prégnance du conflit israélo-palestinien : "le peuple du ciel" se divise sur les questions d'alliances et de territoire (un seul territoire pour un seul peuple ou ennemis à jamais), les terriens ne sont pas un seul groupe uni non plus, les accords se brisent, les trahisons se révèlent.
Toutefois, je reste encore un peu dubitative sur ce début de saison et baisse ma note à cause des 2 premiers épisodes.
Et je pense que, pour mieux apprécier la suite de cette série, il va me falloir potasser un peu plus l'histoire israélo-palestinienne. Parce que c'est bien de ça qu'il s'agit dans The 100.

Melchiora
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes La femme, ce héros - séries, Top 10 Séries et Les séries avec les héros les plus badass

Créée

le 15 févr. 2016

Critique lue 780 fois

3 j'aime

5 commentaires

Melchiora

Écrit par

Critique lue 780 fois

3
5

D'autres avis sur Les 100

Les 100
Vivienn
6

Maybe there are no good guys.

Saison 1 The CW c'est pas loin d'être la chaîne poubelle de la télévision américaine. Bon, de temps en temps, on a le droit à une bonne surprise (Arrow, les premiers pas de Vampire Diaries ou encore...

le 12 mars 2015

115 j'aime

23

Les 100
Chro
1

0 pointé pour The 100.

Par Nicolas Laquerrière La plupart du temps, le propre de la CW en matière de séries est d'avoir un pitch prometteur qu'elle sabote dans les grandes largeurs car cette chaîne ne sait pas faire...

Par

le 25 avr. 2014

66 j'aime

25

Les 100
Peaky
8

Entre farce et chef d'oeuvre, une série en dents de scie.

Ca avait commencé par une bonne blague : un trailer avec un pitch SF intéressant et ambitieux mais un épisode pilote ahurissant, d'extrême mauvais goût, carrément le plus gros foutage de gueule de...

le 22 juin 2014

55 j'aime

14

Du même critique

Kama Sutra, une histoire d'amour
Melchiora
10

Caustique déclaration d'amour (no porn inside)

Très critiquée par les Indiens à la sortie de Salaam Bombay, qui n'avaient pas apprécié qu'elle y montre la misère actuelle, Mira Nair décide de faire un film sur le passé et l'histoire de l'Inde à...

le 7 oct. 2015

11 j'aime

3

L'Homme des hautes plaines
Melchiora
2

Le viol, c'est rigolo

Avec une scène de viol en préambule sur une femme qui y prendrait plaisir, ce film n'est rien d'autre qu'une grosse bouse, peu importe qu'il ait d'autres qualités par ailleurs. Je n'arrive pas à...

le 4 sept. 2015

9 j'aime

3

La Petite Maison dans la prairie
Melchiora
7

Travaux des champs : comment cesser de pleurer pour n'importe quoi.

Eh bien oui, je mets la généreuse note de 7 à La Petite Maison, série épouvantable par beaucoup d'aspects cuculs, conservateurs et de tout ce qu'on voudra, je tomberai d'accord à 100%. MAIS, gamine...

le 20 sept. 2015

9 j'aime

3