Le mystérieux talent des années 80

C'est fou quand même. Quand on lit diverses critiques sur cette série elles sont quasi toutes unanimes. Une histoire de qualité, une bande son singulière et des personnages travaillés qui ne tombent ni dans la niaiserie, ni dans les clichés infantilisant du dessin animé "jeunesse". Mais il y a l'autre coté de la critique. Ceux qui brandissent bien haut la pancarte de la nostalgie pour dire que non, ces qualités n'existes pas et ne sont que le fruit de notre enfance idéalisée. Moi je trouve ça un peu fort de café comme on dit ! Quand je regarde l'œuvre de Tati, de Chaplin ou de Fritz Lang, films réalisés alors que je n'étais même pas un spermatozoïde, ce n'est certainement pas la nostalgie qui me fait dire que leur œuvre est de qualité. C'est la même chose pour les Mystérieuses Cités d'Or… à son niveau of course.

Oui, j'ai découvert cette série à l'époque parmi plein d'autres comme Cobra, Astro Boy (Astro le Petit Robot), Les Monde Engloutis, Ulysse 31, la série des "Il était une fois" ou Nadia…. A côté, les enfants que nous étions avaient le choix entre tout ça ou les dessins animés moisis d'Hanna Barbera ou d'obscures truc franco-belge à l'animation douteuse (excepté la série des "il était une fois" justement…). Ce fut vite fait, à l'époque il ne s'agissait pas de nostalgie, mais d'un choix purement guidé par la qualité. Une qualité qui ne se dément pas aujourd'hui plus de 30 ans après.

Alors oui, certains aspects de cette série ont vieillis, tout comme les films un peu surannés des débuts du cinéma quand la technique trahie l'époque, mais où l'histoire et la mise en scène font oublier cette animation "vintage". Les Mystérieuses Cités d'Or a effectivement pris un coup de vieux techniquement parlant. L'animation est parfois sommaire, de nombreux éléments sont réutilisés, comme les effets de foule où tout les "figurants" sont des copier-coller (notamment dans les derniers épisodes lors des scènes de batailles Mayas / Olmèques). Certaines musiques arrivent comme un cheveu sur la soupe ou ne sont pas bien calées avec l'image, bien que ce défaut s'efface au fut et à mesure que la série avance. Parfois les animations des visages ont un coloris différent. Ou alors certains celluloïds se démarquent trop du décor ce qui donne l'impression d'un écran d'incruste chose improbable dans une série d'animation. Au niveau de la scénarisation les premiers épisodes vont un peu vite en besogne. Par exemple l'idée géniale du Solaris est vite sabordée par une auto destruction un peu facile. La série a également quelques épisodes qui rallongent la sauce, ce n'est pas non plus catastrophique mais quitte à vouloir tirer l'histoire en longueur il fallait nous proposer une suite ! Cependant comme je l'ai dit, tout ça s'efface très vite devant les nombreuses et uniques qualités de cette série culte.

Premièrement le dessin, un accord parfait entre le style japonais et le classicisme européen. Les personnages sont expressif, leur regard est vivant et leurs expressions sont bien marquées, justes. On ne tombe jamais dans la surenchère ou dans les clichés de la jap-anime. Les personnages sont dessinés naturellement et ont tous des trais bien marqués, comme vous et moi mais en dessin animé. On retrouve les courbes des dessins japonais avec l'expressif du dessin européen. Cela se voit notamment au niveau du regard des personnages qui est très travaillé tout en étant dessiné simplement. Les expressions rigolotes d'Estéban en enfant espiègle. Mendoza qui incarne la classe : ce mec avec son indestructible cape est fort ET stylé à la fois et aurais très bien pus piquer la place d'Ulysse… Les enfants ont une personnalité forte, ne se laissent pas faire tout en étant courageux, ils ont aussi des failles. Estéban est généreux mais à le vertige et est un peu trop téméraire, Tao à un esprit vif mais est un peu égoïste et Zia est sensible mais extrêmement têtue. Les personnages sont travaillés et crédibles ce qui, même encore aujourd'hui, est rare dans les séries destinées aux enfants. La preuve en est du remake ersatz d'une "saison 2" où les enfants ont perdu toute personnalité pour devenir des clichés sur pattes dictés par les lois du markéting.

Deuxièmement, Les Mystérieuses Cités d'Or ne fait pas l'impasse sur la violence. Il aurait été incohérent de ne pas aborder le sujet au vu de la culture Aztèque, Maya et des conquérants espagnols. La mort, la guerre, la cupidité, le pouvoir y sont abordés. Mais aussi l'altruisme, le partage, le courage et l'amitié. La série aborde tout cela de façon juste, posée sans en faire trop. Le scénario n'est d'ailleurs pas très élaboré, c'est une "simple" aventure, une quête où chacun est soumis aux épreuves du parcours. Mendoza au début filou et ne pensant qu'a l'or, finit par se prendre d'amitié pour les enfants. Gaspard et Gomez, rescapés involontaires d'une aventure qui leur a échappée finissent par devenir sympathiques submergé par des événements qui les dépassent. Tout est justement écrit sans concession ni considération psychologico-marketing pour les mioches. Même l'histoire des Olmèques est fantastique quand on y pense ! Incapables de se reproduire, ce peuple cherche la vie éternelle au travers de manipulation génétiques. Et tout cela mis en scène avec une simplicité déconcertante. Dans un dessin animé datant de 1982 et destiné aux enfants !

Mais ce n'est pas tout ! Au delà de l'écriture, il y a le contexte, les décors, la musique et c'est en grande partie ce qui a fait l'énorme réputation de cette série animée. Tout d'abord le contexte, un savant mélange entre histoire et science fiction mis en scène de la façon la plus classieuse qui soit. Et malgré les nombreux défauts d'animation, on est scotcher lorsque le Solaris capte les rayons du soleil dans sa machinerie et déploie sa voile solaire pour la première foi. Nous promener dans ses coursives et ses cabines dans un mélange très réussi art-déco / steampunk est saisissant. Jule Verne n'est pas loin et aurait jubilé devant cette scène ou les enfants découvre le fonctionnement du bateau en activant son mécanisme. Même le Grand Condor que j'aime moins est très stylisé et tout ce qui concerne la technologie rappel des animés ou des jeux vidéo arrivés plus tard comme Nadia, Bioshock, Le Château Dans le Ciel ou Nausicaä. Le mécha design est poussé et inventif et il suffit de voir les extraits de la guerre entre l'Empire de Mu et les Atlantes pour se dire qu'un spin off SF se passant à cette époque aurait dévasté l'animation des années 80. Dans ce cours extrait, raconté par le gardien des Citée d'Or on découvre des villes à la techno steampunk doté d'un armement dans le style de ce que l'on peu voir dans Last Exile ou Nausicaä ou l'épisode Cannon Fodder de Memories. Si l'on ajoute par dessus cela la BO unique de cette série on obtient une ambiance très particulière faite d'émerveillement et de stupéfaction. A chaque nouvelle découverte l'Or de la cité que l'on attend autant que Sancho et Pédro passe finalement au dernier plan pour mettre en avant la découverte de lieux aussi singuliers les uns que les autres. A l'image de cet énigmatique masque de Jade, du Solaris, de ces manuscrit à l'encre sympathique ou de l'incroyable base des Olmèques peuple aussi fascinant qu'inquiétant. A chaque fois la BO vient ponctuer ces moments par des nappes de synthé du plus bel effet. Tantôt sombre, tantôt majestueuse ajoutant à l'image juste ce qu'il faut pour passer le message. Celui d'un Solaris surpuissant, celui d'un vaisseau de guerre Olmèques oppressant ou celui d'un paysage grandiose. Étonnamment, la BO de la version japonaise n'est pas exactement identique à la française. Certains morceaux ont été changés notamment lorsque la série a été re-doublée en 1998. Certaines scènes entre les 2 versions sont également coupées. Même si la version française est déjà bien pourvue, les japonais avaient ajoutés quelques scènes en plus qui ont sautées sur la VF. Parfois pour des raisons de dynamisme mais aussi, souvent, pour des raisons de censure (exemple d'une scène ou Sancho rêve de sa Maman et enlace Pedro). Les 2 versions sont intéressantes à voir, mais le japonais de l'époque est un peu difficile à encaisser dans le sens ou le doublage est brut de décoffrage et typique des animés jap des années 80.

Quoi qu'il en soit Les Mystérieuses Cités d'Or est une série culte sur de très nombreux points. Reste une question en suspend pourquoi ne pas avoir continué ? La série fait état de 6 cités d'Or et nos amis n'en trouvent qu'une seule à la fin des 39 épisodes. La série coutait-elle trop cher, n'a-t-elle pas assez rapportée ? Ou était-ce simplement la fin ? A l'époque je pensais avoir raté la fin, quelques année plus tard après l'avoir à nouveau visionné, eh ben non c'était bel et bien la fin. Une fin qui ne verra vraisemblablement jamais de suite à la hauteur de la production d'origine. La suite commanditée par TF1 n'est qu'une pale copie édulcorée ayant perdu tout ce qui a fait le succès de la série d'origine. Les musiques en mode ascenseur, le caractère des personnages passé au détergeant psychologique, la majesté des lieux et des situations en mode gros clichés, et les doublages moisis en mode gamin. Bref, une catastrophe. La nostalgie ne fait pas tout, elle embellie surement les souvenirs agréables, mais si cette série s'est hissée au rang de culte, ce n'est pas par nostalgie. C'est bien parce qu'aucune autre n'a su proposer un voyage tel qu'il est offert ici. Même si de nombreuses autres séries de qualité ont été produite par la suite, Les Mystérieuses Cités d'Or est la seule a avoir fait rêver plusieurs génération en leur offrant un mélange singulier entre histoire et science fiction, entre quête initiatique et aventure. Et surtout, à ne pas avoir prit son public pour des gamins décérébrés que l'on traumatiserait à la moindre goute de sang. Les année 80 sont ce qu'elles sont avec son lot de mauvais gout, d'excès et de variété française polluante, même aujourd'hui (comme quoi c'est pas parce que ça dure dans le temps que c'est culte ;) ). Mais au moins elles nous ont donné l'une des meilleurs période en matière d'animation. C’est le contexte plus libre de l'époque allié aux progrès des japonais en matière d’animation pondéré par la culture européenne qui a donné naissance à cette série. Je ne sais pas s'il sera possible un jour d'en faire une suite digne de ce nom. Mais une chose est sur dans ces 39 épisodes il y a bien plus que dans de nombreuses séries animée actuelles, surtout celles réservée à la jeunesse. Au revoir, à bientôt…