No Time to Die Again

Vivant, mort, re-vivant et re-mort derrière. Loki déjoue une nouvelle fois son triste sort. Désormais sous la surveillance de la Time Variance Authority (Autorité des Variations Temporelles), l’héritier légitime de Jotunheim et frère de Thor se lance dans une aventure aussi versatile que lui.

Taxe pour la TVA

Dire que la série déchaînait dès son annonce les passions est un euphémisme. Après WandaVision et Falcon et le Soldat de l’Hiver, Marvel Studios propose enfin sa production sérielle la plus attendue : Loki. Le fameux Dieu de la Malice incarne à bien des égards la quintessence du métamorphe et n’a cessé de le prouver en de nombreuses occasions. Il est une véritable anguille qui file, glisse, s’échappe sans que l’on puisse le retenir. Et justement, sa dernière apparition au sein du Marvel Cinematic Universe fut celle de bouleverser l’équilibre spatio-temporel (rien que ça) en s’échappant avec le Tesseract dans Avengers Endgame.

Tout comme les deux précédentes productions, cette série trouve toute sa légitimité en donnant davantage de poids à un personnage secondaire. Loki est depuis toujours difficile à cerner, jonglant fréquemment entre le rôle du méchant, du héros, et de l’anti-héros. Ce changement perpétuel d’identité est un des éléments principaux de la série. On pouvait déjà s’en douter avec ce logo incapable de définir sa police d’écriture, constamment à varier les couleurs, les formes, et les styles. En ça, la narration ravira sans doute ses plus fervents fans pour ce traitement de l’aspect quasi schizophrène de sa personnalité. Car l’histoire de cette série, c’est aussi une quête qui se fait par une exploration de ses actes, le récit d’un parcours hasardeux où Loki a fait beaucoup de mal mais aussi parfois du bien. Dans ces étranges circonstances, il est forcé de tout assumer pour la première fois de sa divine vie.

« Un casse temporel »

Le fleuve du temps est ici incertain, chamboulé qu’il est par un Dieu de la Malice qui voyage maintenant à travers les époques et les dimensions façon Doctor Who. La série centre son intrigue sur l’intégration de fragments disparates qui provoquent une déconstruction nette de la timeline principale au point de nécessiter quelques réparations : couper les nouvelles branches indésirables de l’arbre du temps, telle est la tâche très inhabituelle confiée à Loki.

A vrai dire, on décèle depuis un moment que le thème très récurrent du temps sera le substrat extrêmement riche qui fera pousser les prochaines idées du MCU : depuis Doctor Strange jusqu’à Avengers Endgame, en passant par Ant-man et la Guêpe. Dans le cas de la série Loki, elle ne fait que prendre sa place au point culminant d’un schéma qui vise à démontrer les conséquences de modifier sciemment la réalité telle que nous la connaissons, mais aussi à définir les lois complexes qui régissent l’équilibre du temps. Notamment avec des mondes alternatifs, des variations chaotiques, et des paradoxes. C’est donc une première entrée explicite du multiverse (faussement miroité dans Spider-man : Far From Home) et sans doute pas la dernière avec le prochain Doctor Strange : The Multiverse of Madness.

Out of Time

Évidemment, c’est une série où l’on ressent encore la grosse machinerie marvelienne, elle accumule absolument tous les artifices récurrents des précédentes productions afin d’éviter soigneusement de bousculer le fan de son confortable cocon. Toutefois, elle parvient aussi à être suffisamment audacieuse pour devenir une œuvre inédite au sein d’un MCU souvent terne.

Tout l’art de cette série prend sa source dans sa manière de dépoussiérer les codes éculés de sa saga sans paraître étrangère à celle-ci. A commencer par ces situations loufoques où le Dieu de la Malice jongle entre les époques et les dimensions. Et c’est bien là une véritable prouesse de s’amuser d’une manière si légère avec ces petites ébauches ponctuelles au cœur du temps : de la géniale trouvaille de mêler Loki à divers faits marquants de notre Histoire comme en lui attribuant l’identité du pirate de l’air D.B. Cooper, jusqu’à assister aux nombreux caprices du temps en découvrant des versions variantes de lui-même. Et sur ce point, les versions différentes de Loki permettent à la série d’aller au bout de son intention d’être totalement dans l’absurde et l’étrange. Le titre de « Dieu de la Malice » attribué depuis si longtemps à Loki prend ici tout son sens.

Quoi qu’il en soit, chaque nouvel épisode est comme une pochette surprise. Car au moment du rendez-vous hebdomadaire on ne sait pas trop où Loki nous emmènera dans les couloirs du temps. C’en est réjouissant de sentir cette aura irrésistible qui ravive toujours un éclair d’intérêt toutes les semaines sans nous lasser un seul instant. Les maux du passé, du présent, et du futur se confondent en un unique être, farceur et jouasse, pour en faire des moments amusants dans un contexte pourtant très sérieux. A l’instar de la légèreté d’un certain Thor Ragnarok qui traitait l’apocalypse avec des couleurs éclatantes et des grands sourires.

Conclusion : glorieux

Après la linéarité du récit de science-fiction propre à Marvel, Loki en tant qu’élément perturbateur de notre réalité et de celle de son univers nous permet de jouer avec le temps, de le broyer, et de le mélanger pour assister à des événements agréablement loufoques. Si j’ose dire l’une des rares productions à sortir de la norme d’une saga qui en avait manifestement bien besoin. C’est un air de petite révolution qui souffle sur le domaine du Marvel Cinematic Universe, mais attendons de voir si ces modestes intentions amèneront prochainement à une vraie innovation pour le nouveau catalogue à venir du MCU.

« Comment plaidez-vous ? »

« Madame, un Dieu ne plaide pas »