Comme je l'écrivais dans une précédente critique, nous sommes au XXIe siècle, il faut donc vivre avec son temps et accepter de remplacer les clichés du siècle précédent par d'autres clichés. Et les clichés du XXIe siècle, c'est, entre autres, les gentilles personnes de couleur en bas de l'échelle sociale vs les méchants blancs riches, arrogants et/ou stupides.
Une fois qu'on a compris ça, pas de problème. On sait dans quel cadre on se place, il ne nous reste plus qu'à critiquer cette série dans ce cadre.
Et c'est là que le bât blesse.
L'idée de base n'était pas inintéressante : créer un "suiveur" d'Arsène Lupin. Pourquoi pas, les grands maîtres ont des disciples et des admirateurs, et cela permettait élégamment aux scénaristes de se sortir l'épine qui aurait été plantée par tous les lupinophiles de leur pied. Quelques clins d'oeil adaptés, la fan base se retrouvait en terrain connu et hop, le tour est joué, on pouvait dérouler sereinement son propre argument en se départant de l'ombre trop précise du Maître.
A un détail près.
A. Lupin, c'est la classe, l'élégance, la manière, le savoir-vivre à la française. Arsène Lupin est un gentleman-cambrioleur, au même titre que James Bond boit son cocktail Vodka-Martini, mélangé au shaker, pas à la cuillère. Si l'on ne retrouve pas ça, la série n'a aucune raison de s'appeler "Lupin". Et manque de bol, c'est quelque chose que je n'ai pas retrouvé dans cette série. Le problème n'est pas tant autour du personnage principal, car après tout il est en apprentissage et on peut lui tolérer des fautes de goût (à commencer par ce sonore "putain" ! dans les premières minutes au Louvre). Mais il est surtout dans le fait que le réalisateur n'a visiblement pas su donner une véritable idée de ce que sont les bonnes manières à la française. Pour donner un exemple hors série : ce n'est pas parce qu'on offre une rose à une femme qu'on est un gentleman. Il y a toute une manière d'être : l'élégance du geste, l'intonation de la voix, respectueuse et discrètement admirative, le regard etc. Idem dans le 1er épisode lorsqu'on se propose de conduire une femme à qui on vient de prêter assistance quelque part : lorsqu'on voit que la femme a peur ou manifeste une quelconque répugnance, on n'insiste pas, on se contente de la saluer en disant quelque chose comme "permettez-moi, madame, de vous souhaiter une bonne journée", et on retourne sous la pluie.
Et les fautes de savoir-vivre de ce genre sont nombreuses, rien que dans l'épisode 1 : une femme ne porte pas le Collier de la Reine en plein jour, comme montré dans un bref passage. C'est un collier qui se porte le soir uniquement. Un commissaire-priseur ne regarde pas sa tablette en pleine vente de gala. Il interroge discrètement du regard son assesseur qui lui répond d'un signe de tête très léger ou mieux, d'un clignement d'yeux. C'est uniquement si l'assesseur repère un problème qu'il présentera la tablette au commissaire-priseur. Et ledit commissaire-priseur se montrera impassible face aux sommes mises en jeu, et ne se permettra pas le moindre étonnement déplacé sur la couleur de peau de l'acquéreur comme on le voit ensuite. Dans une vente de ce niveau-là, cela relève de la faute professionnelle. Etc.
Bref, à chaque fois ce sont des petits détails, mais cela montre que les réalisateurs et scénaristes ont loupé leur semaine de stage chez Nadine de Rothschild. Comment peuvent-ils ensuite espérer créer un univers cohérent autour de ce qu'ils ne maitrisent pas ?
J'aurais pu pardonner beaucoup à cette série. Mais il y a la manière, et la manière n'y est pas. Au fait : ce n'est pas en multipliant les grosses allusions à l'oeuvre de Maurice Leblanc qu'on en fait une suite crédible. Comme on le chante dans le Faust de Gounod : "Une seule suffit, pourvu qu'elle soit bonne." Ou comme on le dit chez les Anglais : "Less is more."