Making a Murderer
7.7
Making a Murderer

Série Netflix (2015)

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La série diffusée par Netflix (et non pas produite, les réalisatrices ayant travaillé dessus pendant plus de 10 ans) aborde un cas assez « classique » à première vue, celui de l’erreur judiciaire. Je suis fortement amateur des documentaires exposant minutieusement les failles des systèmes judiciaire et policier, et par extension des personnes qui les composent, aussi déprimant puissent-ils être. Je recommande fortement Paradise Lost, The Central Park Five et Waco dans le genre, parmi les plus révoltants et implacables que j’ai pu voir. Par rapport à la fiction, et même aux films « adaptés d’une histoire vraie », ma théorie est qu’il n’y a rien de plus profondément rageant que de voir quelqu’un mentir face à la caméra, pour sauver sa peau ou condamner les mauvaises personnes. Et bien ce genre de moments, Making a Murderer en contient plus qu’il ne faut pour me mettre hors de mes gonds, et faire perdre toute foi en la justice.

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Steven Avery est, à première vue, un brave type vivant reclus avec sa famille, qui a eu quelques fois affaire à la police, mais plus pour des dérapages de jeunes qui s’ennuient que pour de vrais délits. En 1985, il se voit accusé à tort d'agression sexuelle et de tentative de meurtre sur une joggeuse, et la police locale fait tout pour qu’il soit emprisonné, sans enquêter sérieusement sur d’autres suspects. Il restera 18 ans en prison avant que les prélèvements ADN ne l’innocentent, et un amendement à son nom sera voté dans le Wisconsin pour éviter les condamnations à tort. Tout ceci ne représentant que le premier épisode sur dix, on se demande bien ce qu’il va pouvoir lui arriver d’autre. Ironie du sort ultime (ou pas), à peine deux ans après sa libération, en plein procès contre le comté pour obtenir un dédommagement, il se voit accusé de meurtre. Je n’en dirai pas plus pour ne pas raconter toute la série, mais attendez-vous à des rebondissements à s’en décrocher la mâchoire comme aucune fiction ne pourrait se permettre. C’est bien simple, on ne pourrait pas y croire si ce n’était pas un documentaire.

Il est évident que les deux réalisatrices soutiennent la théorie de l’innocence d’Avery, mais que l’on y croit ou pas, ça ne me choque pas outre mesure (on pourrait arguer que le titre vous prévient un minimum). Pour se lancer dans un projet d’une telle ampleur, comme les deux réalisateurs qui ont suivi les West Memphis Three pendant plus de quinze ans (et sorti les trois Paradise Lost, donc), il faut une conviction, une passion. Je doute que la simple envie de raconter une histoire objectivement puisse suffire. Des éléments ont été omis dans le sens de l’accusation comme de la défense, donc de ce point de vue là je n’ai aucun problème. L’important est plutôt la redoutable efficacité du montage, la multiplication étourdissante des points de vue (famille, médias, avocats, etc) et des personnages grâce aux dix heures de la saison.

Il faut dire qu’on en a une sacrée galerie, entre les avocats de la défense méthodiques et passionnés, les flics incompétents, la famille atypique, le procureur prêt à tout… Les réalisatrices n’ont pas eu peur de consacrer beaucoup (mais vraiment beaucoup) de temps aux séquences de procès, pour ma plus grande satisfaction. Il faut dire que les plaidoiries, les interrogations de témoins, l’attente de la délibération du jury sont des situations hautement cinématographiques, qui ont d’ailleurs donné lieu à d’immense films. Cette approche permet de disséquer le fonctionnement d’un procès, et de mettre en lumière les innombrables failles d’un système censé offrir à tous une chance équitable devant la justice.

On ne pourra pas s’empêcher de scruter les yeux des menteurs patentés, s’étonner de certains choix de mots inopportuns, sursauter aux révélations qui se succèdent, et surtout attendre avec une impatience croissante le dénouement de cette affaire hallucinante. On a le sentiment de vivre l’affaire avec tout ce petit monde, malgré les ellipses, les rides et les cheveux blancs ne trompant pas. Sans rien révéler de la fin, que dire si ce n’est que la série m’a laissé sur le carreau, donnant matière à réfléchir pendant plusieurs jours. J’avais eu le même ressenti après avoir enchaîné la trilogie Paradise Lost et le documentaire somme West of Memphis, sur le même sujet. C’est le genre d’affaires dont il faut absolument connaître l’existence, par le biais d’œuvre nous ouvrant les yeux sur les profonds dysfonctionnements d’un système dans lequel on devrait avoir confiance. Pour ma part, s’il y a bien une série à ne pas rater sur Netflix, ce serait celle-là, et j’ai sacrément hâte de voir ce que va pouvoir nous proposer la saison 2.

blazcowicz
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le 7 févr. 2016

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