Marvel's Daredevil
7.2
Marvel's Daredevil

Série Netflix (2015)

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Je n'ai aucune affection particulière pour les films Marvel. Ils sont pour la plupart lisses et creux, privilégiant l'action soft et l'humour facile au scénario ou à une profondeur quelconque. En bref des films pop-corn qu'on regarde le cerveau à moitié déconnecté.


Sauf qu'ici Marvel s'attaque aux séries. Et avec Daredevil, Marvel frappe fort, très fort même.



Saison 1




I am not asking forgiveness for what I've done. I am asking forgiveness for what I am about to do.



Il est intéressant de voir le début de la série s'épargner d'une introduction expliquant le pourquoi-le-heros-fait-ça. Bien entendu la série finira par expliquer les raisons du pourquoi au fil de la saison, mais ce passage à l'acte direct, dès les premières minutes du premier épisode, permet de donner le ton à la série entière : dynamisme, maturité, brutalité, réalisme.


Ce dernier point se remarque énormément.
Nous avons un héros sans pouvoir et sans réelle combinaison, se battant – et souffrant – face à la pègre, à la mafia. Pas de pouvoirs, de gadget compliqué, ou de méchant avec un rire maléfique. Non, ici nous avons un homme cagoulé se battant avec, au mieux, des battons face à des pistolets-mitrailleurs.


A vrai dire ce qui frappe ne serait-ce qu'avec le trailer de la série, c'est clairement l'ambiance qui en ressort. Daredevil n'a ici rien avoir avec les séries DC ou son film. L’œuvre nous propose une ambiance sombre, très sombre, je dirais même la plus sombre vu dans une série (récente?) de super-héros.
L'influence Nolan se fait bien évidemment ressentir, mais pas seulement. Car si Daredevil va bien plus loin en possédant une réelle profondeur et une tension quasi-constante, c'est l'aspect film noir qui se démarque le plus.
On peut également noter d'autres influences, notamment asiatiques. Je parle évidemment de Old Boy avec cette scène, tout simplement jouissive à visionner, du second épisode où, à la manière de la scène du couloir du film coréen, Daredevil offre un plan-séquence avec un combat d'une intensité rarement vue. Jouissif, réellement.


Le show donne un temps de visionnage considérable aux différents antagoniste de la série, et ça c'est un excellent point. On découvre leur personnalité, leur conflit, ou pour faire plus simple : leur vie. La série fait beaucoup penser aux films de mafia, et ce n'est pas pour rien. Daredevil, dans cette saison du moins, est une œuvre montrant la pègre de l'intérieur, et ça c'est vachement bon à voir.


Les deux amis de notre héros sont vraiment plaisant à voir. Foggy alterne entre moteur humoristique de la série et soutient de Matt.
Karen, jouée par une surprenante Deborah Ann Woll, est très intéressante. Personnage de femme forte subissant constamment, mais jamais sans résistance. Son mental sera en permanence à l'épreuve, notamment avec « l'affaire Wesley » qui en surprendra plus d'un (moi le premier). Un personnage qui se suit avec plaisir.


Charlie Cox (Matt) est simplement parfait. Son jeu, superbement sobre, dégage une véritable mélancolie. Ses moments de colère, de tristesse, ou simplement de joie se font à chaque fois ressentir. Ses mimiques m'ont fait croire que l'acteur était réellement aveugle, leurs exécutions étant si naturelles.
Son personnage souffre, endure, tel un boxeur qui refuse de rester couché. Et pas que physiquement.


L'antagoniste principal de la saison, Wilson Fisk, est simplement énorme. Terme non choisi au hasard étant donné son physique, imposant. Mais aussi son comportement, jonglant entre élégant et effrayant. La voix de son acteur, Vincent D'Onofrio, est d'une gravité donnant l'impression de constamment avoir une rage immense en lui, au point que l'on redoute qu'il explose à chaque instant.
Mais ce qui surprend le plus chez ce personnage, c'est sa relation avec Vanessa. Une sorte de « Belle et la Bête » étrange et original. Le gros méchant est amoureux, ça influence ses décisions, inquiète ses relations professionnelles, et fait avancer l'histoire de manière non-prévisible.
On peut également parler de sa relation avec Wesley, quasi fraternelle.


Daredevil c'est aussi des combats, beaucoup de combats, tous superbes à regarder, et magnifiquement chorégraphiés. Clairement, dans une série, je n'ai pas vu mieux. La scène de second épisode citée plus haut en est un parfait exemple. Ces combats sont d'un dynamisme exemplaire, jouissif à voir.


Le travail sur la photographie est remarquable, ce grain omniprésent et la prépondérance du noir et jaune donne un véritable cachet à la série.


Musicalement, Daredevil n'étonne pas beaucoup. S'ils restent agréables, les thèmes employés sont pour la plupart assez génériques.
Évidemment, l'opening n'est pas pris en compte dans cette remarque. Ce dernier est simplement magnifique musicalement et artistiquement parlant.
On notera tout de même quelques perles.


La réalisation appuie le côté brutal des combats, l'ambiance décontractée des dialogues entre nos 3 amis, ou encore la mélancolie de notre héros. C'est vraiment bien fait, avec une insistance sur le côté réaliste et cru.


Pour ce qui est de la fin de la saison, je suis partagé. Le dernier épisode, sur ses trois premiers quarts, est excellent. Le dernier quart, avec le fameux combat final tend vers l'échec. Ce n'est pas catastrophique, mais tellement en dessous du reste de la série qu'on ne peut qu'être déçu.


Mon sentiment à la fin de ce visionnage était assez spécial. Je n'ai pas vu une série de super-héros. Daredevil n'est pas une série parlant d'un super-héros, mais une série parlant d'un héros. Car son héros, n'est qu'un homme. Il n'a pas de pouvoir à la Superman, pas de gadget à la Batman.
Ce n'est qu'un homme avec une volonté de fer.



Saison 2




You know you're one bad day away from being me.



Alors que la première saison se terminait sur un Fisk en prison, des groupes mafieux affaiblis voir éteints, un Matt Murdock avec une combinaison toute neuve, et une Karen en proie au remord, voila qu'une seconde saison arrive sur les rails histoire de remplir nos yeux endiablés.
Alors, qu'est ce que ça donne ? Du lourd. Du très lourd.


Cette saison est une superbe réussite, évidemment imparfaite mais tellement bonne qu'elle peut être visionnée d'une traite sans lassitude. Je vous le donne en mille, j'ai trouvé cette saison meilleure que la précédente.


Déjà, je me dois de commencer par Frank Castle (Jon Bernthal), antagoniste principal de la saison.
L'acteur est incroyable, et le traitement du personnage est génial !
Personnage fascinant ayant a priori le même objectif que Daredevil, ses moyens divergent carrément, usant du meurtre à foison. La confrontation des principes de Matt face à ceux de Frank le poussera dans ses derniers retranchements moraux, le questionnant sur la méthode à utiliser.


Et là surprise. Fin du premier tiers de la saison, les rôles changent.
Matt Murdock défend Frank afin de le sauver d'une mort probable. La situation met en avant la contradiction du personnage de Matt. Il veut sauver, sans mort. Il veut empêcher la mort, y compris celle des plus grands monstres, quitte à devoir les sauver de leur propres actions.
L'antagoniste perd absolument tout manichéisme. Il est dans le flou le plus total.
Frank, personnage difficile à cerner, créé avec le traitement de son passif familial, et un jeu d'acteur très convaincant, une vraie empathie du spectateur (et de Matt). Pour reprendre les dires de Karen, « Frank n'est pas une mauvaise personne », et c'est fou de dire ça d'une personne ayant tué des dizaines de personnes. Le récit joue sur le vécu du personnage, sa souffrance.


Ici, l'antagoniste doit être sauvé. Et ça c'est vachement culotté.


Sa relation avec Matt fait bouger les principes de ce dernier. Il parle même de faire une « exception » au sujet de sa règle de ne pas tuer. Rendez vous compte !
Se battant l'un contre l'autre un jour, pour se battre l'un avec l'autre l'autre jour. Leur relation est particulièrement ambiguë.


Mais c'est clairement avec Karen que la synergie se fait. Cette dernière, après son « action » lors de la première saison cherche la rédemption. Elle veut à tout pris croire que même une personne ayant commis des actes atroces peut revenir du bon côté. Karen cherche chez Frank sa propre rédemption, une sorte de pardon. Elle veut sauver Frank pour se sauver elle-même.
Et ce traitement est génial. Car en plus du personnage de Frank, pierre angulaire de cette saison, c'est Karen qui est poussée au devant de la scène. Elle qui est dans un état de survie depuis sa confrontation avec Wesley mise tout sur Frank pour passer à autre chose. Et ce dernier semble en être conscient, et veut réellement l'aider. Mais les choses ne sont pas si simples…


Frank est radicalement différent de Fisk. J'ai tendance à préféré Frank pour sa dimension humaine, avec ses moments de faiblesses, son côté « je suis le résultat de ma souffrance ». Mais les deux sont très bons. Aussi, les voir se rencontrer le temps d'un épisode entier est un pur bonheur tant le résultat est bluffant.


La saison n'est évidemment pas parfaite. Je me dois donc de parler de toute la partie sur Elektra et la Main.
Si l'actrice est plutôt douée, je ne suis pas fan du personnage d'Elektra. Il est vrai que son incapacité à se ranger du côté des principes de Matt et sa relation ambiguë avec ce dernier sont intéressant. Mais son personnage de femme badass je-defonce-tout sent le déjà vu dans plusieurs autres séries récentes. On peut aussi noter les combats où Matt et Elektra forment un duo, je trouve qu'elle fait tâche. De mon point de vue Daredevil doit combattre seul.
Aussi, l'enjeu de cette partie, une sorte de complot mystique, sort le récit de son carcan réaliste. C'est franchement dommage, surtout quand à côté on a la superbe histoire de Frank.
Cette partie souffre également de l'absence de charisme de son antagoniste qu'est Nobu. Le problème vient surtout du contraste avec Frank. Nobu ne tient pas la comparaison, du tout.
Malgré tout je dois reconnaître que Matt dynamise le tout et le rend parfaitement regardable, avec plaisir même. Ses variations d'humeur, notamment grâce à Elektra, sont superbes.


Cette partie avec la Main a le mérite de faire évoluer la relation de Matt avec ses deux amis.
Matt qui commence une relation amoureuse avec Karen, et reprend le cabinet avec Foggy, voit ses prémices d'un vie normale se briser l'un après l'autre. La relation Matt-Foggy, déjà endommagée par la révélation de la première saison, se voit ici particulièrement affaiblie. Là où la saison 1 parlait d'une fermeture du cabinet, cette saison met la menace à exécution. Pire, même à la fin de la saison, alors que la relation Matt-Karen semble être en voie de s'arranger, aucune évolution n'est annoncée pour Foggy.
Matt va en souffrir, énormément.


Il faut également dire que Charlie Cox est superbe. J'ai cette impression qu'il s'est amélioré par rapport à la première saison. Son jeu est bluffant.


Jon Bernthal est incroyable dans son rôle. Il l'habite profondément, le possède, et nous le fait ressentir. Son physique, avec sa gueule constamment en morceau, appuie beaucoup le côté brisé du personnage. Un jeu parfait, vraiment.


On notera un plan-séquence similaire à celui du second épisode de la première saison. Ici plus ambitieux, jouant sur la verticalité. Un épisode 3 mémorable qui me rend heureux de l’existence d'Old Boy.


La réalisation est toujours aussi bonne, peut-être même meilleure. L'accent est toujours mis sur le côté réaliste et cru.


Pour ce qui est de la fin de saison, là encore je suis plutôt déçu. Mais attention, ça reste bien meilleur que la fin de la première saison, et tout à fait acceptable. Mais étant donné la force de cette saison, j'étais en droit de m'attendre à quelque chose de très fort.


J'ai adoré cette saison. Plus encore que la précédente. Plus ambitieuse, plus réussie, un antagoniste incroyable. Mais imparfaite, avec une intrigue secondaire qui souffre du contraste avec la principale. Mais ce défaut ne vaut rien, vraiment rien, face à Frank, à Matt, ou à Karen.
Cette saison est superbe, et mérite amplement son visionnage.


Daredevil est une série que je considère comme exceptionnel au vu du contexte actuel au sein des séries de super-héros. Cette œuvre transpire la volonté de bien faire et vise un public mature.
C'est avec une rare excitation que j'attends une troisième saison.
En attendant…

Créée

le 25 mars 2016

Critique lue 327 fois

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Chnapy

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