C’est toujours un peu la même chose les séries Netflix : tout le monde ne parle que de ça pendant trois jours, et ensuite c’est silence radio jusqu’au renouvellement. Tâche difficile donc de donner son avis deux semaines après tous les autres, qui plus est pour le deuxième chapitre de la collaboration entre le service de VOD et les Studios Marvel. Collaboration qui a su, en même pas six mois, mettre tous les geeks de France et de Navarre sur la même longueur d’onde : c’est génial, c’est superbe, c’est parfait.
Alors que le reste de population regarde ces graals nerds avec davantage de curiosité que de passion, il reste pourtant difficile de faire la sourde oreille aux agitations parfois un peu exubérantes faites face à des produits qui, pour faire court, ne sont pas si irréprochables que ça. C’est un peu le paradoxe des séries Netflix qui, malgré leurs défauts de rythme, de construction et tout simplement d’écriture, récoltent de façon quasi-systématique des retours dithyrambiques de la part d’une partie de leur public. L’une des hypothèses que l’on pourrait admettre est le procédé du binge-watching (pour les non-initiés, c’est le fait de regarder tous les épisodes d'une série à la suite – Netflix sortant chaque nouvelle saison de ses productions originales d’un seul bloc, le procédé est érigé au rang de pratique sociale normalisée) qui a tendance à faire oublier les irrégularités de la narration ; ou alors serait-ce dû la production value complètement hors-normes qui vient faire du pied à la grande HBO.
Quitte à jouer le trouble-fête, disons-le tout de suite : Jessica Jones n’est pas une grande série. Elle a certes de fantastiques qualités : elle possède l’un des meilleurs bad guy hollywoodiens de récente mémoire, la mise en images – à défaut de briller – est propre et léchée, l’ambiance jazzy donne un certain cachet à la série, et globalement elle remplit son boulot de divertissement carré ; mais à côté de ça, impossible d’ignorer la faiblesse générale des personnages et la fainéantise des producteurs (ou des scénaristes), avec une prise de risque proche du néant et une construction très calibrée du récit. Globalement, ce sont les mêmes faiblesses qu’avait Daredevil – une fois, ça passe encore, mais alors qu’on en est déjà à leur deuxième essai et qu’il en reste encore trois dans les bacs, on est en droit de s’inquiéter. Est-ce que Luke Cage, Iron Fist, The Defenders reprendront elles aussi le même ton, les mêmes enjeux, les mêmes seconds rôles, la même vision de leur décor ?
Ce qui fut, avec Daredevil, une petite bouffée d’air frais, c’était son caractère drastiquement plus sombre en comparaison du MCU ; maintenant que le virage est fait, Netflix semble pourtant persuadé qu’il faille reprendre les mêmes bases pour livrer quelque chose de formellement très similaire. C’était trop beau pour être vrai. Alors oui, l’ambiance de Jessica Jones est légèrement différente (ambiance film noir et des combats moins brute de décoffrage), mais il n’y a pas de coupure assez nette pour avoir l’impression de voir quelque chose de neuf. Facile pour les défenseurs de la série de sortir alors l’excuse de l’Univers Partagé, nom très sophistiqué pour le cross-over ; garder les mêmes codes permettrait de conserver la cohérence de ce monde fictif. Sans pour autant remettre en question l’utilité même de ce type de démarche (ça manque à personne les sagas qui se suffisaient à elles seules ?), a-t-elle vraiment besoin d’une telle uniformité pour fonctionner ?
Ce n’est qu’un détail pour l’instant, et à part louper une ou deux références, le spectateur ne prend aucun risque à regarder Jessica Jones sans être passé par Daredevil au préalable. Mais alors que la série passe son temps à introduire Luke Cage (héros de la prochaine collaboration Netflix / Marvel) dans ce qui ressemble à un backdoor pilot de treize heures, on peut se demander si notre patience va résister encore très longtemps : quand tous les points seront reliés et qu’on aura donc rien de moins que quatre saisons d’une même série globale par an, l’overdose ne sera plus très loin.
Jessica Jones c’est sympa, David Tennant est un génie, le générique est trop cool – voilà comment résumer le nouveau week-end série Netflix de fin novembre en quelques adjectifs et avec un enthousiasme retenu. Alors que The Defenders commence déjà à être un peu étouffante deux ou trois ans avant sa sortie, on commence à douter de la viabilité du projet initial. Mieux aurait peut-être fallu se limiter à un ou deux personnages s’il s’agissait à chaque fois de recycler les mêmes mécaniques jusqu’à l’épuisement. Pourtant il y a de bonnes choses, mais à part du saxo en arrière-plan, on a du mal à voir quelconque évolution depuis avril.