Mortel
6.2
Mortel

Série Netflix (2019)

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"Du sang neuf ça ne se refuse pas"*

J'ai fini par visionner la série Mortel, au moins la saison 1.
Je confesse que une signature m'a convaincue : clairement le fantastique est le domaine de Simon Astier. Donc ce petit couplet confessionnel passé, que pourrais-je dire de la série ?


Tout commence simplement et basiquement par de simples conflits dans un quartier difficile, dans lequel l'adolescence est clairement le personnage principal ; l'adolescence comme carrefour de vie, faite d'une série de parcours initiatiques.
Rien de tel que le fantastique pour illustrer intelligemment cette inévitable et complexe période de la vie d'un être humain. Et quand le fantastique vient dans sa narration, cela donne une série à priori pour les adolescent.e.s, et qui en fait se regarde comme toute série dès lors qu'on en apprécie le genre.


Dans notre parcours initiatique, point de premier rôle, mais trois characters principaux : Victor, alias Nemo Schiffman, un jeune homme suicidaire, introverti, et pâle comme la mort se retrouve mêlé à une histoire tout aussi simple : retrouver celui qui a tué Reda, le frère de Sofiane, alias Carl Malapa. Sur son parcours il rencontre Luisa, jouée par Manon Bresch. Un triangle classique, amoureux et amical, se construit dans cette quête.
Pour le classique on s'arrête là, nous savons bien que les synopsis à eux seuls ne disent rien de l'oeuvre. Donc, la série ne s'arrête pas là, puisqu'il s'agit en réalité, et cela est fort ambitieux, d'aborder d'abord le suicide adolescent, et nous le verrons plus tard (dans la série car ici même si un spoil s'est glissé, j'ose croire qu'il ne se verra pas trop), le deuil de l'acte suicidaire, le deuil de l'autre, la perte, on y voit encore traité le viol, la manipulation, les rivalités fratricides (tellement marquantes dans notre société du XXIème siècle) qui ne touchent pas que les adolescent.e.s loin s'en faut, les abus sexuels dans l'enfance par une personne ayant autorité, les scarifications, et l'amitié, celle qui se comprend sans se parler.


Mais tout ceci, puisque nous sommes dans le genre fantastique, passe par les fourches caudines d'un Dieu solitaire et turbulent, Obé, auquel Corentin Fila prête ses traits, à la façon d'un héritier de JoeyStarr, ce qui sous mon clavier (on ne peut parler de plume ici) est un compliment.


Le passage du douloureux de l'adolescence à la vie de jeune adulte se trouve, selon moi, dans ce petit subreptice moment du superbe épisode La Solitudine, où s'apprêtant à faire l'amour, Victor lève les yeux vers ce dessin mural illustrant son suicide, moment durant lequel (comme dirait l'autre "pendant ce temps-là au barrage" **) Obé semble perdre peu à peu de sa superbe et de sa puissance.
L'adolescence, c'est aussi le moment où dans sa quête, l'adolescent.e recherche la vérité autour de laquelle il.elle va se construire et contre laquelle il.elle va s'opposer. Mais si cette recherche doit rester fantasmatique, on voit les dégâts que cela cause de la mettre au grand jour au risque de fragiliser plus encore. Et c'est sans doute pour cela que cette vérité doit rester fantas(ma)tique, ce qui ne veut pas dire qu'il faille mentir, car le mensonge tout autant que la vérité à ciel ouvert sont dévastateurs et rendent fous.
Le genre fantastique permet l'allégorie avec justesse.


Sur le volet casting, rien à dire, sinon, entre autres dans ces prestations assez bluffantes, Corentin Fila, que j'adore notamment dans ce rôle de divinité ambivalente et la formidable Firmine Richard, en maîtresse vaudou.


Sans être particulièrement chauvine, à ceux et celles qui pensent que "français" rime avec "mauvais", je dirais qu'en matière d'oeuvres télévisuelles, nous n'avons rien à envier aux titulaires d'outre atlantique qui sortent parfois des bouses (pardon pour le terme) qui passent sur la seule foi d'un nom.
Nos jeunes talents montrent la puissance de notre créativité.
A noter, la bande son parfaitement choisie, à un morceau près toutefois, mais c'est une question de goût.


Cette chronique vaut pour la seule saison 1, mais la saison 2 a tenu ses promesses, faisant de Mortel une série cathartique.


Finalement ce qui est mortel c'est d'une part accepter sa part sombre, mais ce sont aussi


toutes les formes de manipulations, car tel est le vrai sujet de la série : celle des pédocriminels, celles des proches, celles du système social. D'ailleurs là où la parole advient, Obé disparaît. Ainsi dans l'épisode Qumran, Saison 2 épisode 5, montre à mon sens un des rares cas où une série donne, non pas sa solution, mais sa propre interprétation d'elle-même (21'16'' à 23'47'') dans la bouche de Simon Astier, moment de délectation posant la parole là où était l'acte.


A noter une série qui n'est pas dénuée d'humour non plus.
Bon visionnage !!!


*réplique de Firmine Richard saison 1 épisode 5 La Solitudine
** sketch de Anthony Kavanagh à voir https://www.dailymotion.com/video/x2qfev0

Créée

le 4 juil. 2021

Critique lue 204 fois

Agyness-Bowie

Écrit par

Critique lue 204 fois

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