Mr Robot
La série créée par Sam Esmail est fascinante à tellement de niveaux différents.
Tout d'abord parce que sa structure s'affranchit des carcans habituels de la narration en plusieurs occurrences tout en réussissant à garder le spectateur rivé à son écran, ce qui n'est pas facile, surtout quand nous sommes devenus des spectateurs si difficiles avec les séries.
Abreuvés dès notre enfance, nous avons tendance aujourd'hui face à la surabondance de possibilités à devenir plus sélectifs dans le choix de ce que nous regardons. La pratique du binge-watching s'étant généralisée et notre temps devenant de plus en plus précieux devant l'immensité de l'offre, nous choisissons avec précaution la prochaine série que nous allons regarder, abandonnant parfois en cours de route si le résultat ne correspond pas à nos attentes toujours plus grande.
Et c'est là que Mr Robot tire son épingle du jeu. En proposant au spectateur une vision du monde distordue par le prisme de la maladie d'Elliot Alderson, l'hacktiviste souffrant de problèmes psychiatriques qui est le héros, elle nous amène à questionner la réalité de ce que nous voyons se dérouler sur l'écran. Rien de bien révolutionnaire, me direz-vous, c'est le lot de beaucoup de films importants de proposer un point de vue correspondant à une vision du monde liée à un personnage en particulier puis de remettre en question ce point de vue. Là où Mr Robot devient intéressante, c'est que la série résiste à une tare commune des oeuvres qui généralement adoptent ce type de démarche: L'explication automatique. En ne nous livrant la vérité qu'au compte-goutte, toujours tronquée par la perception d'Elliott, la série nous amène à une position ou nous sommes tiraillés entre notre désir d'en savoir plus et notre envie de se laisser tout simplement porter par l'histoire. Les grandes révélations n'arrivent pas avant les épisodes finaux et même là, on ne peut que se poser la question de savoir quelle sera la suite de cette fascinante histoire. On doute de tout ce qui nous est montré et pourtant on en veut plus. Equilibre dangereux mais pourtant parfaitement maitrisé.
La voix off froide et désincarnée d'Elliott s'adressant directement au spectateur comme à un personnage imaginaire issu de sa psyché questionne le rapport que celui-ci entretient avec la réalité dès les premières minutes, en plus d'être un formidable outil de narration et d'exposition. Jamais trop lourde, toujours suivant les questionnements d'Elliott au fur et à mesure que nous découvrons sa manière de penser et faisant écho à nos propres questionnements, cette voix off a un sens dans le concept même de la série. Elle n'est pas un prétexte pour amener des informations à un spectateur omniscient. Elle est une manifestation des problèmes que rencontre le héros pour garder son esprit lié à la réalité. En cela, elle a une vraie utilité narrative de par son existence même et non pas par l'exposition pourtant habile qu'elle délivre.
Il y a autre chose de fascinant dans la manière dont fonctionne cette série. Le héros est complètement étranger au spectateur moyen. Antisocial, cynique, enfreignant régulièrement la loi pour fouiller dans la vie des gens qui l'entourent car il est incapable de rentrer autrement en connexion avec eux, ce n'est pas quelqu'un à qui l'on peut s'identifier facilement. Sa vision du monde est radicale. C'est d'autant plus une surprise que Mr Robot est diffusé sur USA, une chaîne plutôt connue pour des séries s'adressant à la ménagère qu'à des jeunes révolutionnaires.
En résumé, je ne vous donnerais qu'un conseil. Ruez vous sur cette série. Plongez vous dans l'univers paranoïaque et tourmenté d'Elliot, suivez le dans ses errements, dans ses victoires et ses défaites, dans ses idées et ses peurs, ses envies et ses erreurs. Vous en sortirez avec plus de questions que de réponses. Mais n'est-ce pas là le signe d'une bonne série ?