Saison 1 :
Elliot Alderson est un crack en sécurité informatique à la personnalité très troublée. La journée, il travaille avec son amie d’enfance Angela Moss pour la société Allsafe Security. Le plus grand conglomérat au monde, E Corp, est à l’origine de 80 % du chiffre d’affaires d’Allsafe Security. Le soir, Elliot poursuit sa consommation raisonnée de morphine et pirate les équipements électroniques de tous ceux qu’il connaît. Comme le cercle est assez restreint, il entreprend également de dénoncer aux autorités les personnes poursuivant des activités illicites ; notamment la pédophilie.
La présence à l’écran de geeks et génies informatiques en tout genre n’a de cesse de croître. Souvent, les auteurs, réalisateurs et producteurs ne comprennent rien du tout au monde informatique. Dans le pire des cas, ils pensent le comprendre. D’une manière plus générale, l’industrie du petit au grand écran préfère à bien des occasions présenter au public des archétypes de personnages ; s’assurant ainsi que le plus grand nombre n’éprouve que peu de difficultés à saisir des traits de caractères. On retrouve beaucoup ces « caricatures » chez les flics (alcooliques, mauvais pères de famille) et donc les « geeks » (solitaires voire asociales, obnubilés par l’informatique). Les populations catégorisées de la sorte ne se targueront évidemment pas de telles caractéristiques. Cependant, elles n’ont pas été attribuées par hasard : un enquêteur criminel par exemple a tendance à ne disposer que de peu de temps pour sa famille s’il travaille dans un département où le crime est élevé. La pression imposée par la hiérarchie pour atteindre des objectifs statistiques et la dureté des cas auquel il a affaire sont susceptibles à pousser à l’alcoolémie. Concernant les geeks, il est vrai que le comportement asocial n’est plus forcément représentatif, tant l’informatique s’est ouverte aux populations de tous horizons. Malgré les plaintes de ceux qui sont complexés par un tel stéréotype, cette image de ce groupe d’individu prendra du temps à s’estomper.
La catégorie plus spécifique des hackers (auquel appartient Elliot) ayant bonne connaissance des failles de l’informatique et parfois de l’humain, cette difficulté à sociabiliser peut être d’autant plus compréhensible. Surtout qu’un vrai hacker (pas le petit pirate du dimanche) a tout intérêt à laisser filtrer le moins d’informations possibles sur lui et ses activités. Pourtant, il y a une faille dans ce raisonnement. En effet certains aspects du hacking, tel que la récupération de mots de passe, peuvent nécessiter de connaître des pans de la vie personnelle de la victime. Si les profils publics sur les réseaux sociaux ne suffisent pas, le hacker a recours à l’ingénierie sociale : il manipule (par téléphone, messagerie ou en face à face) la personne pour glaner des informations personnelles sur celle-ci en abusant de sa confiance. Bon courage pour établir la relation de confiance sans aucune compétence sociale.
Pour en revenir à Elli, je ne trouve pas qu’il y ait de quoi s’offusquer de son trouble d’anxiété sociale au premier abord. Au second abord, son historique et sa manie de l’effacer (merci de m’applaudir pour ce parallèle) justifient cette anxiété. Maintenant, que le créateur Sam Esmail ait ajouté un caractère dépressif, un trouble dissociatif de l’identité et une addiction à la morphine ne représente qu’une collection d’artifices pour ajouter une dimension spectaculaire au héros principal. Soit, cela permet aussi d’avoir une histoire. Et puis c’est intéressant l’étude du cerveau humain, non ? Je n’en dis pas plus sur ce fascinant Elli, à vous de le découvrir.
Si le relief du personnage d’Elliot est en partie artificiel, l’interprétation de Rami Malek est bien palpable. Après des seconds rôles dans des œuvres de qualité variable – le meilleur est à trouver du côté de la série The Pacific et le film Short Term 12 – le trentenaire s’est donné dans ce rôle. En plus d’avoir suivi des cours de hacking avec les autres acteurs, son doigté a été mis à l’épreuve pendant des cours de dactylographie. C’est pour les scènes d’action au clavier au cas où vous vous demanderiez.
Poursuivant sa déclaration d’amour au réalisme, Malek a utilisé les services d’un psychiatre et s’est fait inviter à une conférence interne de la société Uber, victime d’un vol de données en 2014. Petite précision : je n’ai pas retenu la leçon, je tire ces dernières informations de Wikipédia… D’ailleurs, il serait appréciable que vous vous mettiez d’accord sur la nationalité de Sam Esmail les amis.
Je vais vous faire une confidence sur les autres personnages de la série qui ne sont pas issus de l’imagination d’Elli. Ce sont des humains banals, des parasites qui nourrissent l’univers de la série, centrée sur Elli. J’avais un espoir pour Shayla. J’ai une once d’espoir pour Angela lors de la saison prochaine. Le méchant et arriviste couple Wallström n’a fait que rappeler à mes tympans les sonorités de la langue suédoise. Oui, les méchants manquent un peu de finesse jusqu’ici.
Mise à part exposer la vie privée d’Elliot Alderson, Mr. Robot donne dans la fresque sociale et la satire. Le couplet alarmiste ou non de la société addicte à l’électronique s’est d’ores et déjà changé en refrain. Par ailleurs, Sam Esmail n’a pas cherché à masquer ses influences cinématographiques (ou plutôt copycats) : Fincher, Kubrick, Scorsese et le film V pour Vendetta principalement. Non, là où la série d’Esmail se différencie, c’est par sa maîtrise du domaine informatique. Les lignes de commande ne sont pas du niveau première année en école d’ingénieur et ont un lien avec la scène en cours – salut Lucy de Luc Besson ! Les logiciels de hacking (oui ce n’est pas que de la ligne de commande) montrés brièvement en action existent bel et bien. L’effort a aussi été fait de faire des parallèles entre les titres d’épisodes écrits en langage leet basique, l’intrigue et des termes informatiques. Presque émoustillant. Pour les non-initiés, a.k.a. les noobs, cela reste tout de même accessible dans le sens où cela est juste un niveau bonus. Je le glisse ici encodé en espérant que cela passe inaperçu pour ne pas me faire décapiter : oui Elli, Marvel ça 5|_|(|(5.
S’agissant de la croisade anticapitaliste, je dis amen et émet des doutes quant à notre capacité à repartir sur des bases plus saines et justes pour le plus grand nombre. Je ne sais plus qui l’exprime dans la série, mais le pouvoir se prend. Ceux qui s’approprient le réel pouvoir, c’est-à-dire pas nos chefs d’États, sont libres d’en user comme bon leur semble. En fait, c’est surtout l’occasion d’aborder les thématiques des prêts et de l’endettement qui sont gérés de façon absolument catastrophique aux Etats-Unis, s’agissant des intérêts du peuple. Et les risques que représentent les conglomérats dans notre système économique.
Pour finir avec une note de douceur, j’adresse mes compliments aux choix artistiques de la série. La réalisation, la bande son et ces choses-là pour lesquelles mes connaissances sont très limitées m’ont parues être d’une qualité supérieur à la moyenne. C’est enfin revigorant de voir un casting qui ne sélectionne pas des bimbos refaites incapables de jouer la comédie ou plus largement des acteurs et actrices vraiment attrayants. Quoi que je me questionne sur l’interprète d’Angela Moss, Portia Doubleday.