Avant propos
Mr. Sunshine est un récit tragique, romanesque et historique qui surfe sur le roman national coréen. Je préviens de suite que j'étais parti pour "casser" du sucre sur ce drama rempli d'inepties et d'anachronismes historiques, d'affabulations, et de poncifs de toute sorte, ce que je déteste étant un passionné d'histoire. J'ai lu aussi beaucoup de critiques ici vu que cette saga a quelques années maintenant. Je n'ai pas voulu faire dans la simplicité et me laisser enfermer dans une histoire d'amour proche d'un roman de Maupassant ou de Balzac. Je n'ai pas ressenti grand chose pour ce couple improbable, tout au plus de l'apathie et de l'indifférence. A la rigueur les autres personnages principaux (ou pas) avaient plus à raconter qu'eux. Pour faire court je me plus intéressé au contenant qu'au contenu.
La période narrée va s’étendre de 1871 à 1907, fin de l'ère Joseon et début du protectorat japonais, avant annexion complète en 1910. L'action se situe principalement à Hanseong (j'ai bien ri quand sur un document où il était écrit Seoul). Nous allons suivre l'histoire de Eugène(Yoo-jin) Choi(Lee Byung-Hun), un enfant coréen qui fuit aux Etats Unis sa condition d'esclave, et qui reviendra au pays dans la peau d'un soldat américain. Le gars a tout du James Bond : beau gosse, bien coiffé, le sourire en coin, beau parleur et bon combattant, il a tous les stéréotypes du héros parfait. Première ineptie sur laquelle il faut passer : un soldat américain non blanc officier supérieur, c'est tout simplement impossible. A cette époque le statut des asiatiques aux USA était pire que celui des noirs. Etant quasi illettré à 15 ans, faudra m'expliquer comment il a pu intégrer l'école des officiers qui lui a permis de devenir membre du Corps des Marines.
Sur place, il va faire la rencontre de personnages qui feront partie de sa vie, à commencer par Go Ae-Shin(Kim Tae-Ri), petite fille d'un puissant mais juste noble, dont les 2 fils ont perdu la vie. Ae-Shin est vraiment le portrait de l'héroïne tel qu'on pourrait la décrire dans un roman français du XIXe siècle : belle, intrépide, idéaliste, avide de justice et courageuse. Là aussi pas évident d'accepter le fait qu'une notable va se muer en une rebelle formée au combat et au maniement du fusil de sniper. Celle va être le prélude à une histoire d'amour aussi improbable qu'impossible et remplie d'embuches et de rebondissements en tout genre.
Notre bon Eugène, va aussi rencontrer deux hommes qui formeront un espèce de triumvirat amoureux autour de Ae-Shin. Tout d'abord Gu Dong-Mae(Yoo Yeon-Seok), lui aussi ancien esclave enfant, ayant fui au Japon, et formé aux arts anciens japonais dont il maitrise également la langue. Non ce n'est pas un Samouraï,(traduction Netflix France nulle, les samouraï étant liquidés à cette époque, les derniers ne portaient plus d'armes, et un coréen samouraï c'est juste inpensable) il est à mi chemin entre un Rônin et un membre d'une organisation de yakuza. Il navigue en eaux troubles et on ne sait pas toujours quels intérêts il sert en premier. Par contre, impossible qu'il commande à des japonais. Et enfin Kim Hui-Seong(Byun Yo-Han); le fiancé promis à Ae-Shin , de retour du japon après 10 ans de pérégrinations. Celui ci est un idéaliste, progressiste dans l'âme, qui doit assumer le poids du lourd fardeau familial lié au passé d'Eugene.
Un cinquième personnage très important viendra faire la jonction entre tous ces protagonistes, en la personne de Hina Kudo(Kim Min-Jung), veuve coréenne d'un notable japonais et qui avait été mariée par son père, le détestable Lee Wan-Ik(Kim Eui-Sung). Ce dernier est le plus fidèle collaborateur de l'Empire Nippon, ayant trahi son peuple depuis bien longtemps pour amasser pouvoir et fortune. Hina Kudo tient le principal Hôtel de la ville et de ce fait, est au courrant de tous les secrets qui pourraient y circuler. Elle est aussi amoureuse de Eugène. Oui, il ne faut pas oublier qu'on est dans un mélo et que les sentiments amoureux divers vont fuser.
C'est une très belle galerie de portraits qui va nous être détaillée en profondeur durant le drama. J'ai bien apprécié je dois le dire, parce que on a un casting de folie (je n'ai pas trouvé mieux depuis). Juste un bémol sur le choix de Kim Tae-Ri dans le rôle d'Ae-Shin. Je ne remets pas en cause son talent d'actrice (je l'ai adoré dans Revenant), mais plutôt qu'elle soit trop jeune pour interpréter son personnage, ne faisant pas son âge elle même.
Le décor planté, nous allons voir évoluer tout ce petit monde, et qui au travers de péripéties diverses, va voir la fin tragique de Joseon (Corée) après plus de 600 ans d'existence, supplantée et asservie par le japon, dans une quasi indifférence générale. La Corée paye le fait de son isolement et de sa non modernisation, et que sa société soit encore basée sur un mode archaïque, régissant les maitres avec leurs esclaves.
Le plus de Mr Sunshine, c'est qu'on respecte les langues employées contrairement au drama 'La Créature de Kyŏngsŏng" par exemple, et que les décors et les costumes correspondent dans l'ensemble aux différentes périodes proposées.
En fait ce qui m'a le plus séduit, ce n'est pas l'histoire d'amour entre les deux héros, mais tout le reste : la condition de vie du peuple coréen, en proie aux convoitises des puissances étrangères, leur statut d'esclave dans une société encore féodale (abolition de l'esclavage en 1894), les luttes de pouvoir et les conspirations intérieures comme extérieures, la rébellion de l'armée des justes (vertueuse), les relations entre les japonais, les patriotes coréens et les collabos. On ressent la violence des troupes d'occupation japonaises envers le peuple coréen, et encore çà reste soft, parce que dans la réalité c'était pire.
La réalisation de Mr Sunshine est soignée, on voit de suite qu'on a affaire à une superproduction qui s'est donnée les moyens de ses ambitions. Tout ce qui m'a marqué plus haut est magnifiquement transposé à l'écran. Les décors naturels sont de toute beauté, mais si certains FX sont de moins bonnes qualité, contrairement aux CGI. (effets numériques). Les thèmes musicaux sont harmonieux , et savent se faire discrets quand il le faut.
Mais la série souffre de nombreux défauts et pas des moindres. Déjà, elle s'attèle trop dans des considérations non pertinentes, qui créent des artifices pour rallonger des propos dont on se fou royalement. Sur 24 épisodes de plus de 1h15 , il y en a facilement 8 qui ne servent à rien. Certains diront que c'est voulu pour accentuer la trame romanesque. Non là c'est plus de la contemplation gratuite et futile qu'autre chose. A un moment j'ai du passé en accéléré tellement j'étais au bout du rouleau. Bref, c'est beaucoup trop bavard. A sujet casse gueule, il est aussi difficile de ne pas tomber dans le pathos facile et la série ne s'en sort pas trop mal.
On fait aussi la part belle aux Etats Unis, ce qui est archi faux. Les américains se foutaient royalement de la Corée. Ils étaient avant tout des partenaires commerciaux des japonais, et leur avaient octroyé déjà des droits d'expansion sur le pays en échange de non ingérence sur les Philippines. Les guerres victorieuses du Japon sur les Chinois (1895) puis les russes (1905) ont accentué cet état de fait. Dommage qu'on en parle pas dans la série, c'est pourtant essentiel pour savoir comment Joseon est en arrivée là entre 1880 et 1905, et çà aurait accentué la compréhension de la situation (c'est mon avis en tout cas).
C'est aussi en partie à cause de cela que certaines transitions ne sont pas toujours bien réalisées quand on évoque les différentes périodes qui s'étalent entre 1871 et 1907.
En conclusion, Mr. Sunshine cumule le bon et le moins bon. Dès le début on sait comment çà va se terminer, par ce que on va pas refaire l'histoire de la Corée. Pas la peine non plus de lire dans le marc de café pour savoir que le destin de nos héros est déjà plié, du moins pour la plupart d'entre eux. La bataille de Namdaemun qui vient clore le récit de Eugene et Ae-Shin, et qui vient sceller le sort du pays m'a fait ressentir bien des émotions à l'égard du peuple coréen et de ce qu'il a pu ressentir quand on lui a volé son pays.
Alors oui, j'enrage d'avoir vu toutes ces stupidités historiques, ou la construction de ces héros inimaginables dans le monde réel, mais les 4 premiers épisodes et les 4 derniers ont fait penché la balance pour que au bout d'une semaine je mette plutôt un 8 qu'un 7 pour l'ensemble de l'œuvre. Je me suis laissé avoir, j'avoue. Une dernière chose à retenir, c'est que depuis la fin de Joseon, non seulement la Corée n'est toujours pas pleinement indépendante, restant sous la tutelle des américains au sud, et sous la tutelle des chinois au Nord.
Main Theme : Good day - Melomance
Additionnel OST : Baek Ji Young - See You Again