Plata o plomo
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L'originalité de Narcos tient dans sa narration en voix-off et images d'archive çà et là. Cette voix-off omnisciente, celle du policier protagoniste Murphy, raconte a posteriori les événements autour du gargantuesque Pablo Escobar. Cette structure narrative typique du genre documentaire offre une valeur historique à cette série narrant la vie du plus grand trafiquant de drogue de l'Histoire, qui a inspiré aussi bien quantité de scenarii sur le même thème tel que Breaking Bad, mais également l'organisation des réseaux mafieux dans la "vraie vie".
Il ressort également de Narcos d'éviter intelligemment le piège de la sympathie/antipathie envers trafiquants et policiers. Le ton global de la série est neutre, seuls subsistent quelques sarcasmes de la part du narrateur, jouant sur les motifs officiels et officieux, renvoyant les mensonges d'État à une actualité plus actuelle : un bout de papier contenant une adresse cruciale retrouvé dans un tas de documents brûlés rappellera le coup de la carte d'identité au pied du World Trade Center en ruine.
Cette neutralité de ton est à la fois la force documentaire de Narcos, mais aussi sa faiblesse. Le rythme de la série reste constant, sans réel climax, alors que l'histoire qu'elle raconte est au contraire propice aux pics émotionnels. L'histoire est dense et ramifiée mais chaque événement est traité sur le même niveau que le précédent. Une bombe placée dans un avion devient une anecdote supplémentaire autour de ce personnage autour duquel tout est gigantesque. Il en résulte un décalage entre ce gigantisme singulier et la neutralité narrative.
Les quelques images d'archive du vrai Escobar montrent un bonhomme souriant et vivant, aspect sur lequel Narcos ne s'appuiera pas, sans doute par respect pour la valeur historique du récit. Ici, Escobar est à l'image de la narration : employant toujours le même ton, s'énervant peu, souriant peu, Escobar parait froid et hermétique, a contrario de l'Escobar père de famille, mari et fils aimant.
Mais la mise en scène subtile offre malgré tout un panel de personnages aux caractères variés et parfois parallèles, notamment un parallélisme Escobar/Gaviria intéressant, mettant en lumière la frontière parfois ténue entre légal et illégal. Chaque baron de la drogue aurait pu faire l'objet d'une série propre tant leurs styles respectifs sont différents, à l'image de Gacha, le bandit dionysiaque décadent, avide de sexe et de violence bruts.
Les nombreuses mises en perspective avec le contexte politique de l'époque, ainsi que le choix d'une narration non dramatique, permettent à Narcos de se démarquer des autre séries sur le même sujet. On pourra cependant reprocher à cette neutralité affichée d'offrir à la série une dimension documentaire indéniable, mais au détriment des émotions générées habituellement par la fiction.
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le 20 sept. 2015
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