Si l'horreur est le maître mot de ce documentaire, il suscite cependant un grand nombre de questions toutes extrêmement bien décortiquées tout au long du film. O.J Simpson apparaît tantôt comme l'ami que l'on pourrait avoir à ses côtés, tantôt comme un être antipathique et d'une inhumanité sans nom.
Finement détaillé, O.J Simpson Made in America donne à voir le parcours d'un être, d'une famille, d'une communauté. La question noire américaine, de l'identité, de la classe sociale et du système judiciaire américain, rien n'est laissé au hasard et chaque entretien amène le spectateur à confirmer ses propres convictions un instant pour mieux les infirmer l'instant d'après. Qui est O.J Simpson ? Un manipulateur ? Un jeune homme noyé dans la gloire du football américain et le star-system, aveuglé par la quête d'une reconnaissance qu'il souhaite toujours plus grande ? Un assassin pervers, un sociopathe ou une victime de racisme contre qui la police aurait comploté ? D'une ampleur colossale, le procès met en avant la question raciale -à laquelle le jeune sportif, à l'époque, refusait d'accorder une importance quelconque- et pose la question suivante : valait-il mieux condamner O.J Simpson au risque de décevoir -une fois de plus- la communauté noire américaine ou fallait-il faire le choix de relâcher un très probable assassin afin de redonner foi en la justice à toute une communauté qui avait besoin de sentir soutenue ?
Sous la forme du tourbillon médiatique, le documentaire amène réflexions et frissons et fait osciller le spectateur entre fascination et répulsion pour mieux le ramener à ses propres pulsions scopiques et morbides. Le double meurtre de Nicole Brown et de son ami aura permis à O.J Simpson une triste gloire quand celle-ci aurait pu n'être que celle d'un sportif exemplaire. Qui de l'homme ou du système a broyé l'autre ? Utilisé pour la dimension spectaculaire de son personnage par les médias et les grandes marques, O.J Simpson apparaît comme le reflet de l'Amérique, à la fois dans ce qu'elle a de meilleur et dans ce qu'elle a de pire.
Les cinq chapitres composant cette fresque s'équilibrent entre une esthétique documentaire et celle d'émissions spécialisées dans les faits divers. Elle s'articule entre images d'archives et entretiens, et joue le jeu de la neutralité, question cruciale lorsqu'il s'agit de sujets aussi délicats que ceux évoqués ici. A mi-chemin entre la fonction informative et la forme de la série, elle informe autant qu'elle tient en haleine le spectateur impatient de connaître ce que contient l'épisode suivant. Bien que la sentence finale soit connue de tous, les nombreux aspects sociaux, historiques et dramatiques exposés dans cette sombre histoire ont tout d'un scénario de fiction bien ficelé et permettent un jonglage entre les sujets et les différents medias dont la maîtrise et l'équilibre ne peuvent qu'être soulignés. Au de-là de raconter un procès, ce documentaire en récupère les codes et devient un véritable plaidoyer, se mettant tour à tour du point de vue des victimes et de l'accusé, laissant au spectateur un libre arbitre plus qu'appréciable sur le(s) sujet(s).