D'abord, lâchez nous avec Breaking Bad : sincèrement, 80% des critiques mitigées de Ozark s'appuient sur cet argument que la série serait un sous Breaking Bad.
C'est injuste et infondé : en dehors d'une vague trame de départ (le père de famille propre sur lui confronté aux cartels mexicains), aucun rapport entre les deux séries. AUCUN.
Le sujet d'Ozark n'est pas là.
Le sujet n'est pas le destin tragique d'un looser lambda qui lutte pour sa survie et devient le pire des caïds sous le soleil d'Albuquerque.
Martin Byrde n'est qu'un cousin éloigné de Walter White.
Martin Byrde n'est pas un looser : c'est le contraire, un type brillant, un conseiller financier surdoué de Chicago, un nerd dont les talents ont intéressé un gros cartel... Au début, il a hésité. L'argent est sale... mais l'appel des millions de dollars a été le plus fort. Et il a signé le contrat.
L'ennui c'est qu'ici, ce ne sont pas vos décisions qui comptent. Dans Ozark, on n'est pas maître de son destin. Parce que le hasard, les autres, les accidents, ... parce que shit happens.
Alors la routine de Martin lui éclate à la gueule.
Alors le cartel n'est pas content. Alors le sang coule. Et le choix devient très simple : ils finissent dans un baril d'acide, lui, sa femme et leurs deux gosses... ou alors ils tentent de rattraper le coup.
Et les voilà partis tenter de blanchir les millions de la drogue dans un trou du Missouri. Autant dire mission impossible.
Le sujet c'est la rupture : Martin et sa femme sont au bord de la séparation depuis longtemps : les voilà associés par nécessité pour sauver leur peau. En 24 heures, ils quittent leur vie cosy de Chicago pour habiter une bicoque en bord de lac, dans une région où pullulent essentiellement des bouseux consanguins, des moustiques et des emmerdes.
Et comme les étourneaux, dont l'introduction aux Etats-Unis a mis en danger l'écosystème et provoqué des catastrophes en rafales...
(parallèle évoqué dans l'épisode 7 de mémoire),
... les Byrdes sont une race invasive : le tragique de leur situation va contaminer toute la région.
Le sujet c'est la mort qui approche. C'est ce vieil homme qui vit littéralement ses dernières heures dans le sous-sol de la maison des Byrde. C'est cet agent du FBI malsain qui vit son homosexualité comme une arme de destruction et les tient dans son viseur. C'est ce pasteur qui a trouvé la foi lorsqu'une balle est passé à 8 mm de son coeur.
Le sujet c'est : quand tout s'effondre, tu lâches l'affaire ou tu continues ? Jusqu'où es-tu prêt à aller ? Quelle éthique te fixeras-tu s'il faut écraser pour ne pas être écrasé ?
Martin Byrde est acculé. Intelligent, froid, incroyablement persévérant, et acculé. Jason Bateman, loin de ses rôles habituels, lui donne une détermination glaciale. Le mec fout les jetons. Se découvre capable de tout. Mais à Ozark, tout le monde est dos au mur, tout le monde joue sa peau. Ses propres enfants vont devenir ses complices. Ses ennemis vont se multiplier. Et pas des Mexicains : des pauvres types acculés eux aussi. Des mecs coincés par la vie... parce que le hasard, les autres, les accidents... parce que shit happens... Et forcément, non, tout le monde ne gagnera pas.
A Ozark, la vie se joue sur un battement d'ailes de papillon. Ne pensez pas que vous pouvez maitriser les choses.
Un camion-poubelle arrive un peu trop vite et pan ! Maman est en charpie.
Votre associé a piqué dans la caisse et vous voici poursuivi par des tueurs à machette.
Vous venez de conclure un deal formidable - mais ne saviez pas que le mot redneck déclenchait des susceptibilités meurtrières.
Tout va mieux. Et soudain, tout va pire.
Vous reprendriez bien un verre de limonade ? Non, moi à votre place, j'éviterais. On ne sait jamais. Un accident est si vite arrivé...
Le destin fait le malin, il change d'avis comme le ciel dans la région des Grands Lacs... un coup de vent, et votre avenir sans nuage tourne à l'orage violent. Et pourtant il faut se battre, y croire. Continuer...
Ou pas ?
Alors s'il-vous-plait, lâchez nous avec Breaking Bad. Le chef-d'oeuvre de Vince Gilligan est hors compétition. Ozark va ailleurs. Ozark n'a pas une once d'humour. Ozark touche aux ténèbres et à cette blague que nous vivons tous pendant environ 79,3 ans (pour les hommes. C'est 85,5 ans pour les femmes).
On sait bien qu'on meurt tous à la fin... et pourtant, jour après jour, on continue d'essayer de respirer, non ?