Pam & Tommy
6.7
Pam & Tommy

Série Hulu, Disney+ (2022)

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Difficile pour moi d'aller dans le sens de la série quand on sait l'impact que peut avoir le revenge-porn sur une femme et que Pamela Anderson n'a jamais donné son accord pour que cette série voit le jour. Cependant, dès le premier épisode, on comprend ce qu'a pu ressentir, vivre Pamela Anderson à l'époque et revivre récemment par la sortie et médiatisation de cette série. Je sais que scénaristiquement parlant, ils se sont accordés beaucoup de liberté et ont obtenu les droits de l'article relatant l'histoire de la sex-tape. Mais voir qu'une femme (Pamela) est la victime principale d'un conflit qui mêle deux hommes et dans lequel elle n'a pas vraiment sa place me noue la gorge.

Plus on avance dans la série, plus le regard des réalisatrices (en particulier Lake Bell et Hannah Fidell) offre ENFIN une vraie occasion pour que la voix de Pamela Anderson soit portée, entendue, écoutée et considérée (en contraste avec les quelques répliques de Tommy qui n'en a égoïstement et royalement rien à foutre de l'image qu'il peut renvoyer au monde, tant qu'il en renvoie toujours une). Je pense notamment à la scène des paparazzi après la sortie de l'hôpital de Pamela qui apprend sa fausse couche (et la scène où elle s'en prend à une des voitures, ep. 4) ; il y a également cette scène absurde et frustratrice de la déposition face à l'avocat qui lui impose de revoir et de commenter sa sex-tape (ep. 7) ; toujours dans l'ep. 7, lorsque Pam apprend le verdict en faveur de Penthouse et monologue sur ses droits de "salope dénudée" niés par le verdict du juge. Ces micro-scènes (qui sont toujours dirigées par Bell ou Fidell d'ailleurs) sont puissantes, percutantes par elles-mêmes, parce qu'elles soulèvent des questions toujours aussi importantes et omniprésentes à une époque où plus que jamais l'image de la femme est toujours commentée, contrôlée et son corps nu souillé et dégradé. Dans le dernier exemple cité, on pourrait même penser que Pamela Anderson reprend son image en main : elle utilise elle-même le terme de "salope" pour parler d'elle et parle de ne pas être prise au sérieux par le juge car elle se balade toujours en maillot de bain. Elle prend son cas pour parler des Femmes en général : une femme a des droits, qu'elle soit habillée ou non, qu'elle soit bimbo ou non. C'est l'idée et la force de cette scène.


Seulement voilà. Si la série ne surfait pas sur le sensationalisme de la sex-tape et de la glamorisation de la relation borderline, toutes ces scènes "féministes" pourraient être géniales et renforcer l'ensemble. Ce n'est malheureusement pas le cas du tout. Parce que tristement, la série inscite inconsciemment à s'intéresser plus à la cassette (en ne montrant que les mêmes bribes "douces" en boucle et en gardant uniquement l'audio des moments hards, en mettant en avant l'affichage des sites aux titres très clickbait etc) et ne montre jamais vraiment une Pamela Anderson audacieuse et frontale. Les seuls moments où Pamela est campée comme self-assured sont désamorcés par ses mimiques enfantines et maladroites (cf son interview face à Jay Leno). On retrouve donc toujours cette Pamela naïve, greluche, à mi-chemin entre la bimbo et la nymphette. Bref, c'est maladroit. A contrario, construire la série sans jamais montrer une seule image de la sex-tape aurait été respectueux et artistiquement parlant, putain d'ingénieux, d'inattendu et d'original.

Mais du coup, ça manque cruellement de sincérité et ça renacle un peu l'hypocrisie. Problème de mise en scène, de choix d'écriture ? Pour ma part, bien que très convaincue par le duo James/Stan et ne doutant en aucun cas du respect qu'il et elle ont respectivement pour Pamela Anderson et Tommy Lee, je pense que cette série n'aurait pas du voir le jour si sa principale intéressée s'y opposait. C'est drôle d'ailleurs, quand on pense aux dialogues échangés entre Erica et Rand à l'épisode 7, lorsque celle-ci découvre qu'il a vendu une cassette sans autorisation et qu'elle lui dit : "Les actrices porno signent et donnent leur accord pour que les gens les voient. Pamela Anderson t'as donné son accord ?" Ironique. Encore une fois, la scène est percutante, mais s'annule par sa dimension métaphysique. Encore une fois, l'avis d'une femme, on s'en tape. On impose à une victime de revivre son trauma. On lui vole à nouveau une part d'elle-même, pour l'exposer et la vendre à nouveau sur une plateforme qui compte des millions de jeunes abonné.es (certainement pas au courant de l'histoire pour les plus jeunes). On ne fait que ce que l'on souhaite faire : faire du chiffre sur une histoire tragique, terrible, que la principale concernée souhaiterait volontiers oublier et sur un corps (qui n'a plus d'intime) de femme instrumentalisée par tous.

cforcarlitta
5
Écrit par

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le 8 août 2022

Critique lue 153 fois

3 j'aime

cforcarlitta

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