Tristement réaliste.
[spoil Inside] Psycho-Pass fut une excellente surprise, pour moi. Cherchant à tromper l'ennui et tombant sur une série semblant vaguement se relier avec mes préoccupations actuelles (à savoir,...
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le 12 févr. 2014
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Psycho-pass nous introduit immédiatement dans un univers de science-fiction dystopique qui n’est à vrai dire pas très original : un système de surveillance apparemment parfait parvient à détecter les criminels potentiels avant qu’ils ne passent à l’acte. L’équipe de policiers que nous suivons est chargé d’arrêter ces criminels détectés par le « Sybil system ». Le premier épisode est assez cliché dans sa scène d’action introductive, dans la manière dont il introduit les protagonistes, et dont la manière (qui se veut surprenante, et qui est en fait totalement prévisible) dont il se conclut.
La qualité d’écriture de la série progresse par la suite. L’équipe de la « division 1 » est confrontée à des crimes dont l’organisation est de plus en plus complexe. La confrontation à chacun de ces criminels en apprend davantage sur l’antagoniste principal, vers lequel on est petit à petit amené. Les transitions entre les différents antagonistes sont bien réalisées. L’épisode 11, durant lequel la protagoniste se confronte enfin à Shogo, est d’une intensité presque insoutenable.
L’épisode 12, étrangement, nous replonge dans le passé pour nous raconter la manière dont Yayoi, un personnage mineur, est intégré dans l’équipe. (Etrangement aussi, cet épisode seul contient une nouvelle version de l’opening 2, plus jamais reprise par la suite.) L’épisode apporte quelques informations sur le Sybil System et sur certains des protagonistes, mais est globalement inutile à l’intrigue. Il permet au moins au spectateur de reprendre son souffle après l’intensité de l’épisode 11.
On peut dire que le point culminant de la série se trouve à la fin de l’épisode 16, au terme duquel l’antagoniste Shogo croise à nouveau le chemin de la protagoniste Akane, après avoir enfin rencontré son ennemi juré, l’autre protagoniste, Shinya. Le dernier tiers de la série est ensuite très décevant. La série essaie de trouver un moyen crédible de permettre à Shogo d’être encore une menace. Sa confrontation finale avec les protagonistes est assez prévisible, et en fait très insatisfaisante. Il en est de même de l’ouverture qui conclut l’œuvre :
L’inspecteur Akane décide de continuer à obéir au système, mais en suggérant que l’humanité fera son possible pour essayer de le transformer. Le « système » a raison de lui rire au nez. Pourquoi lui a-t-il d’ailleurs révélé son identité ? Il n’y a pas vraiment d’explication satisfaite dans la série. Il n’y avait pas besoin de faire cela pour espérer arrêter Shogo.
Les personnages ne sont pas vraiment un point fort de l’œuvre. Shogo est indéniablement fascinant, ce qui ne veut pas dire complexe. Il parvient à rendre ses subordonnés intéressants et crédibles. Gino est bien écrit, et bien développé. Shinya est malheureusement vite réduit à son obsession pour Shogo. Les personnages féminins sont assez mauvais : beaucoup ne retiendront rien de Shion et de Yayoi en dehors des deux courtes scènes qui suggèrent qu’elles ont des rapports sexuels. L’inutilité de Yayoi est telle que la série s’est sentie obligée de lui consacrer un épisode rétrospectif entier, pour donner au spectateur l’impression qu’elle mérite sa place parmi les « Enforcers » de la division 1.
Qu’en est-il d’Akane, la protagoniste ? L’alliance, pas forcément très originale, qu’on trouve en elle, entre haute intelligence, grande intégrité, et manque de détermination et de capacité de choix, pourra souvent agacer. La scène où elle se permet d’hurler sur son collègue, l’inspecteur Gino, en menaçant de le dénoncer à sa hiérarchie, donne surtout l’impression d’un caprice de novice désireux de prouver qu’il a lui aussi de la force de volonté. On finit toutefois par se rendre compte, vers la moitié de la série, que l’indécision d’Akane joue un rôle important dans l’intrigue. Par la suite, son personnage est manifestement supposé gagner en maturité et en puissance d’affirmation, tout en conservant les principes qu’elle manifestait au début de la série. Mais cela conduit au final, dans sa relation aux deux autres protagonistes, à des comportements soit prévisibles, soit inutiles. Akane est finalement présentée comme susceptible d’être une menace larvée pour le système, mais son attitude correspond factuellement à une simple soumission à ce dernier.
Remarquons que dans le premier épisode, Akane se démarque en choisissant d’ignorer une information donnée par le Sybil System. Sa fameuse maturité a donc finalement consisté à accepter de se soumettre à ce système qu’elle sait injuste, même après avoir eu des preuves qu’il était injuste, et ce tout en affirmant en permanence l’importance de la défense de lois justes.
Sur le plan esthétique, la série n’a rien à se reprocher, mais rien à mettre non plus particulièrement à son crédit, si ce n’est ses deux excellents openings, tant visuellement que musicalement. Les graphismes sont clairs et nets, conformes à ce à quoi l’on peut s’attendre dans une série de science-fiction. La musique est généralement oubliable. Dans les premiers épisodes, elle m’a paru légèrement embarrassante, étant souvent excessivement solennelle et entraînante par rapport aux scènes qu’elle était supposée accompagner.
Précisons que les scènes de violence criminelle sont très gores, ou très perturbantes dans le type de violence qu’elles mettent en scène. C’est parfois justifié par l’intrigue, et parfois non. Il est assez embarrassant de constater une indubitable complaisance du réalisateur à ce sujet.
Psycho-Pass ne se prive pas d’asséner au spectateur une multitude de références littéraires et philosophiques, en général par le biais de Shogo ou de Shinya. Ceci donnant l’impression qu’il y a quelque chose à méditer face à cet univers dystopique, particulièrement sur les notions de justice et de liberté. Et il est vrai qu’on peut tirer quelques interrogations pertinentes de son visionnage, notamment, à travers le personnage de Shogo, sur la notion de libre-volonté, dans sa capacité à transcender toute analyse du cerveau humain. La dimension « panoptique » du Sybil System est également explicitement évoquée, et on pourra éventuellement réfléchir à ses implications quant aux liens entre force et justice (une fameuse citation de Pascal est citée par Shogo). Force est toutefois de reconnaître que la plupart des références faites, si elles révèlent des aspects de la personnalité de Shogo, ne renvoient en réalité qu’à des connaissances de seconde ou de troisième main, mal maîtrisées, et qu’elles sont approximatives (la citation attribuée à Descartes est manifestement inventée, ou, dans le meilleur des cas, est un mauvais mélange entre plusieurs idées cartésiennes), ou presque erronées (il est assez cocasse de citer le Second discours de Rousseau pour souligner la « nature sociale » de l’homme). Une interrogation est enfin lancée sur le lien entre justice et vengeance, mais le moins que l’on puisse dire est que ce que l’on voit dans le dernier épisode ne donne plus grand-chose à méditer sur le sujet.
Créée
le 8 juin 2024
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