On pourrait penser à un délire creepy du réalisateur, une volonté de se démarquer en produisant du bizarre extrême, beaucoup ici le perçoivent de cette manière. Cependant, je pense qu'il faut se détacher de cet aspect afin de ne pas passer outre des éléments importants de ce récit.
Pour moi, c'est une animation qui relève de l'analyse psychologique. Tout est fait pour nous mettre dans une ambiance des plus glauques, nous confronter à nos idées noires. En effet, le héros éponyme qu'est "salad fingers" se présente aux spectateur-trices de manière directe, il nous fait part de sa vie et nous dévoile son quotidien qui est très animé. On n'a donc pas de distance qui est prise, ce qui pourrait plonger le/la spectateur-trice dans son moi le plus profond. Salad fingers est un être qu'on comprend aisément au fil des épisodes, et je considère que le onzième est pour cela le plus abouti. J'y voyais au début un personnage rongé par la solitude et l'isolement qui ne comprend pas le monde qui l'entoure et préfère parfois ne pas l'affronter. Au fil du temps on le voit comme désemparé, il tente de sortir de sa solitude en essayant de créer des liens sociaux mais ceux-ci aboutissent toujours à une certaine déception. Mais à la fin on comprend d'où naît foncièrement toute cette violence interne, les pressions familiales. Salad Fingers semble avoir toujours été rejeté par une mère (veuve ou célibataire, dans tous les cas, seule) ayant utilisé la violence psychologique comme moyen pédagogique. L'idée des miroirs, d'un monde parallèle, de son alter ego vivant aux côtés de sa mère montre toute la pression exercée par une mère indifférente qui n'a fait qu'enfermer un peu plus Salad Fingers dans son mal être. Et je pense qu'ici, à travers ces moyens graphiques issus d'un logiciel de montage basique, David Firth veut démocratiser le propos. Il pourrait y avoir une volonté de montrer que les traumatismes vécus durant l'enfance fondent la vie et le comportements des gens car le monde environnant nous fait peur et nous dit constamment de minimiser nos heurts.
Après je n'espère pas m'emballer dans mes propos, si ça se trouve le réalisateur me rirait au nez en lisant cela, mais je pense que cette série a un certain potentiel et qu'elle n'est pas anodine. Je pense que ce n'est pas pour rien si certaines personnes n'arrivent pas à la visionner, l'ambiance creepy est parfois dure à assumer. Dans tous les cas j'y vois un aspect psychologique intéressant, d'autre un délire plat, chacun-e sa vision.