Il y aurait, selon moi, deux choses qui devraient être nécessairement valorisées au cinéma et à la télévision.
La première serait le concept, c'est à dire le fait de proposer au spectateur des expériences cinématographiques et télévisuelles nouvelles, atypiques et innovantes. Cela est d'autant plus important compte tenu de la standardisation actuelle des films et séries contemporains.
Quant à la deuxième, ce serait l'économie de moyens, c'est à dire, le fait de produire de l'art avec un rien : quelques personnages et 1 ou 2 décors.
La mini-série d'animation Samuel concilie les deux, et c'est en cela qu'elle constitue la bonne surprise de cette année 2024. Quand on voit qu'on peut dire énormément de choses avec seulement 5 minutes d'animation de dessins franchement pas folichons, je n'ai qu'une seule chose à dire : Au diable les explosions visuelles de millions de dollars ! Aux oubliettes les scénarios à rallonge étalés sur des centaines de pages ! Soyez minimalistes comme Emilie Tronche, faites une mini série intelligente et touchante, d'une vingtaine d'épisodes, produits, écrits et doublés par une seule et même personne.
Le concept de la série est simple et efficace : Raconter la vie d'un jeune garçon de ses 10 à 11 ans, tout en donnant l'impression au spectateur que la narration et l'animation sont faites par un enfant. Chaque petit épisode constitue une petite étape de l'année de CM2 de Samuel. L'animation à priori grossière, caractérisée par des dessins enfantins sans aucune couleur et aux traits baveux, est parfaitement corrélée à la narration faite par Samuel, duquel le vocabulaire et le vécu sont ceux d'un enfant.
La réalisatrice Tronche immerge ainsi le spectateur dans la tête d'un jeune garçon dans cette période de l'enfance durant laquelle baignent continuellement les fantasmes et les rêves. Le processus d'écriture du journal intime laisse place à l'imaginaire, qui par conséquent permet l'enjolivement des péripéties du quotidien.
Si la négligence du visuel et la courte durée des épisodes peuvent au début rebuter, forcé de constater que c'est finalement cette simplicité et cette efficacité qui provoque l'attachement du spectateur. De la même manière, ses personnages, qui ne sont à priori que des "types", c'est à dire des clichés, à la fois visuels et comportementaux (la geek sombre, la blonde séduisante, le beaugosse) parviendront, malgré tout, à attirer la sympathie et la bienveillance du spectateur (mention spéciale à Corentin et à Bérénice) : Laids et clichés de l'extérieur, beaux et humains de l'intérieur. C'est en cela que l'on peut dire que Samuel est, vous me pardonnerez cet oxymore plus que douteux, une magnifique mocheté.
Je finirai cette courte critique par évoquer le prisme à la fois intimiste et universel de cette mini-série.
A l'instar d'une Annie Ernaux avec ses Années, l'oeuvre de Tronche semble elle aussi vouloir dresser le portrait de la réalisatrice à travers sa génération, celle des années 90, bercée par les échanges de cartes DIddl et les buts de Zizou. Mais ça ne s'arrête pas là.
Samuel remémore, en nous, spectateur, les souvenirs du passé. Il nous rappelle ces petits moments de l'enfance, que nous avons tous et toutes vécus au moins une fois dans notre existence :
les premières amourettes innocentes et déçues, la monotonie et l'euphorie des grandes vacances d'été, l'appréhension et l'excitation face à la rentrée au collège.
Samuel, c'est le retour tendre et éphémère à l'enfance.