Scott Pilgrim prend son envol
7.1
Scott Pilgrim prend son envol

Dessin animé (cartoons) Netflix (2023)

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En 2004 sort Scott Pilgrim Precious Little Life, un comics indépendant surprenant car autant influencé par les manga que les jeux vidéo. C’est une œuvre assez authentique et finalement très peu retouchée entre le pitch initial et la version finale. Si O’Malley a l’idée d’ex maléfiques à vaincre pour sortir avec une fille en tête depuis des années, c’est fin 2003 qu’il commencera la rédaction de Scott Pilgrim qu’il terminera en 6 mois. Du flux tendu pour une œuvre qui ne trouvera véritablement son public que quelques années plus tard mais dont le statut de comics indé lui permettra de continuer tranquillement à écrire son histoire.


Mais si Scott Pilgrim est la 1ère œuvre de son auteur que j’ai lue, chronologiquement ce n’est pas la 1ère que j’ai aimée. En 2003 il sort Lost at Sea, l’histoire de Raleigh une jeune adulte qui se retrouve à faire un roadtrip avec des personnes qu’elle ne connait pas, durant ce voyage elle va apprendre à les connaitre et à se connaitre. Ce récit d’une fin d’adolescence m’a profondément marqué. Je ne dirais pas que c’est une grande œuvre ni même une que vous devez absolument la lire (d’autant plus qu’elle n’a jamais été éditée en France), mais c’est une histoire profondément touchante et juste sur une jeune femme perdue et en proie aux doutes. Et juste après il écrit Scott Pilgrim qui est l’inverse total de Raleigh, il ne se pose pas de questions, ne réfléchit que très peu et fonce tête baissée.


Mais les deux œuvres ont à mon sens un point commun : la sincérité de l’auteur. Alors ce n’est jamais quelque chose qu’on peut affirmer dans l’absolu, mais c’est ainsi que je ressens les créations d’O’Malley. C’était le cas pour Lost at Sea, pour Scott Pilgrim, pour Scott Pilgrim le film aussi dont je ressens l’amour de Wright pour l’œuvre originale, et désormais c’est aussi le cas pour Scott Pilgrim Takes Off.


Parce que cette série d’animation n’est clairement pas ce qu’on était en droit d’attendre. Et si le marketing de Netflix avait clairement cherché à brouiller les pistes, O’Malley avait annoncé depuis un certain temps que l’histoire serait différente. En effet l’histoire de Scott Pilgrim est désormais connue, le high concept autour des 7 ex maléfiques n’est plus à raconter, ou en tout cas plus de la même manière. Après le comics, le film et même le jeu vidéo, on peut partir du constat que cette histoire a été suffisamment narrée. Mais alors que dire ? Tout le monde sait que Scott est un mec détestable, que Gideon est un affreux manipulateur et que les ex de Ramona ont tous des pouvoirs différents. Mais il y a un élément sur lequel même le comics est passé rapidement… Et si Ramona était elle-aussi une personne aussi affreuse que Scott dans cette histoire ?


Après un premier épisode expédié vitesse grand V, Scott disparait donc de l’histoire pour laisser place à Ramona. Si dans les faits ce parti pris est intéressant, sa mise en place est déjà plus bancale. Tout d’abord la série part du principe que le spectateur connait à minima le film. Aussi très peu d’efforts sont déployés pour que les nouveaux arrivants puissent se sentir à l’aise. L’intrigue fonce tellement qu’elle en oublie de cimenter clairement le couple Ramona/Scott, ce qui donne une impression étrange : pourquoi Ramona retournerait ciel et terre comme elle le fait pour retrouver un gars qu’elle a rencontré 3 fois ? Ça ne correspond même pas au côté j’m’en foutiste du personnage. Ça part du principe qu’on connait donc cette histoire et qu’elle n’est plus à raconter.


Passé ce 1er accrochage, l’épisode 2 va clairement rabattre les cartes pour tous les personnages de la série. Le conseil des 7 voit son leadership bouleversé et la dynamique chez les « gentils » change complètement. On suit donc désormais Ramona à la poursuite de Scott pour les 4 prochains épisodes. Le but ici est de revenir sur les relations passées de Ramona pour donner plus de places aux anciens antagonistes. En effet dans la BD, Matthew Patel et Lucas Lee sont à peine évoqués. Après tout ils ne constituent que les 2 premiers méchants de l’histoire et sont plus là pour installer la dynamique générale qu’autre chose.


Le scénariste se décide donc à leur donner de l’espace, qu’est-ce qu’ont ces personnages à raconter ? Je pense que c’est même une question qui traverse O’Malley depuis des années. On le ramène toujours à Scott Pilgrim oubliant son très sympathique Seconds ou encore SnotGirl, auquel je n’ai absolument pas accroché. Quand on demande encore et encore de revenir sur la même œuvre, quoi de mieux que d’étendre son récit pour aller au-delà et s’émanciper de cette même histoire ?


J’adhère complètement à l’idée et je trépignais d’impatience entre les épisodes. Malheureusement tout ne se vaut pas dans cet approfondissement des personnages. A commencer par Todd Ingram, le vegan. Si l’idée derrière l’épisode est drôle, en réalité le personnage n’a pas grand-chose à dire et reste assez simpliste. C’est encore plus dommage quand on sait qu’il est normalement en couple avec Envy Adams qui est pour moi le gros ratage de la série. Ce personnage est assez vite passé dans le film mais il est on ne peut plus important dans la BD, elle est la raison pour laquelle Scott est dans un tel état de détresse émotionnelle. Ici son rôle est réduit à peau de chagrin voire même complètement dispensable. On dirait plus du fan service qu’autre chose.


En fait les épisodes de Todd et de Lucas Lee semblent vraiment être étirés pour pas grand-chose. Si l’épisode de Lucas m’a semblé plus intéressant, l’obligation de mettre une séquence de combat, très sympathique au demeurant, n’était pas nécessaire non plus. Mais le problème principal c’est surtout que ces épisodes 4 et 5 arrivent après l’épisode 3 qui offre enfin un autre point de vue intéressant pour Ramona et le personnage de Roxy.


Si le film est pas loin d’un speedrun any% concernant ce personnage, le comics développait autrement sa relation avec Ramona. Ici la confrontation entre les 2 offre un des meilleurs moments de cette adaptation. Le combat est dynamique, c’est inventif et en plus ça se permet de se finir en une vraie séquence où ces femmes peuvent se parler et avoir enfin le face à face qu’elles méritaient. Le souci c’est que ça offre aussi une sorte de conclusion à l’arc de Ramona qui s’excuse pour ce qu’elle a fait. C’est là que cette adaptation est intéressante, le miroir entre Scott et Ramona n’est jamais aussi évident qu’à ce moment-là et on ne retrouvera pas ça dans les épisodes qui suivent.


L’autre personnage réussit dans les ex c’est Gideon qu’on voit sous un tout nouveau jour. Un personnage plus fragile mais toujours accroché à ses rêves de pouvoir et de puissance. Par contre bon on passe très vite sur le fait que c’était un immense **** de **** dans la BD ou le film. Un manipulateur horrible qui souhaitait posséder Ramona comme un objet qu’il jetterait à l’envie. Donc si sa réécriture est marrante et que Schwartzman s’amuse beaucoup au doublage, je ne peux m’empêcher de penser qu’on aurait pu aller plus loin.


Cependant la conclusion de l’histoire m’a bien plus convaincu. Ramona boucle très bien son arc et tout ce qui concerne Scott permet à O’Malley d’aller bien plus loin dans son idée de « double maléfique ». Il veut vraiment appuyer sur l’incapacité de Scott à être une bonne personne et ça offre une séquence de combat final très agréable où on sent que le budget est en grande partie passé.


Parce que c’était aussi un des gros intérêts de la série : son style visuel. La patte graphique du comics est respectée et clairement l’ensemble est très joli à regarder. Je ne peux cependant m’empêcher de penser que le budget aurait pu être bien mieux réparti sur l’ensemble de l’œuvre. Les séquences d’action sont, pour la plupart, toutes très d’un très bon acabit, même si parfois le montage aurait pu rendre l’ensemble encore plus impactant. Les scènes classiques sont, quant à elles, plus statiques et parfois moins charmantes.


Cet aspect mitigé se retrouve également dans le doublage. Si faire revenir les acteurs du film est une démarche assez louable dans le sens où ils ont déjà campé les personnages, il y a une assez grosse disparité dans la capacité des acteurs à doubler. Certains acteurs ont clairement l’habitude comme Schwartzman en Gidéon et Whitman en Roxy, d’autres s’en sortent correctement comme Cera ou Winstead, d’autres sont vraiment plats comme Wong ou Larson. On aurait clairement gagné au change à ce qu’ils soient tous acteurs de doublage mais encore une fois, je ne trouve pas que l’intention ou la démarche soit mauvaise, c’est déjà ça.


Un petit mot pour dire que j’aime beaucoup le travail d’Anamanaguchi et Joseph Trapanese à la musique. Anamana avait fait un superbe boulot pour le jeu et ici ils se permettent de reprendre quelques thèmes ici et là. Dans l’ensemble l’ost ne comporte que quelques vrais bangers mais la musique ne fait jamais tache, c’est toujours dans le ton de la scène et ça supporte très bien l’animation. Je n’aurais pas craché contre quelques vraies audaces mais je pense qu’ils ont préféré se restreindre de peur de prendre le pas sur le reste.


Alors conclusion ? Pourquoi une note si élevée alors que dans l’ensemble j’ai un avis assez mitigé ? Plusieurs raisons : la première c’est la démarche. Je trouve que c’est très couillu comme proposition que de prendre à contrepied les attentes du public. On sent que tout ça est né d’une envie de l’auteur de revenir sur ce qui a fait que son nom est connu et rien que pour ça je pense que la série vaut le coup. La deuxième raison c’est que je suis heureux de retrouver cet univers. J’adore Scott Pilgrim et la série m’a donné envie de relire le comics et revoir le film, non pas pour comparer mais vraiment pour compléter l’ensemble. Et enfin la dernière raison et la plus importante à mes yeux : c’est sincère.


Scott Pilgrim a toujours été une œuvre sincère. Sincère dans son propos, sincère dans ses références, sincère dans son adaptation ciné, sincère dans son adaptation animée. Il n’y a pas une once d’ironie dans ces 3 œuvres dont la passion transpire, chacune à sa façon, et je suis très réceptif à ça. Et comme cette œuvre vit beaucoup aux travers de ses références et inspirations, je terminerai cette critique sur :

« C’est une série sincère et divertissante. Y’a pas grand-chose à lui demander de plus que ça et je pense que c’est ce que je peux trouver de plus pertinent pour conclure cette critique. »


Ray
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le 22 nov. 2023

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