Dans la petite bourgade de Lakewood, Nina Patterson profite de son jacuzzi, heureuse d’avoir accablé l’une de ses amies en affichant son homosexualité sur les réseaux sociaux. Mais un tueur, tapi dans l’ombre, l’observe. Une gorge tranchée plus tard, la panique monte à Lakewood et le groupe d’amis de feu Nina décide de mener l’enquête. Au programme : secrets de familles, psychopathe menaçant et amourettes passionnées…
La saga Scream aura durablement marqué son époque, jouant avec les codes du cinéma d’horreur pour en éclater la formule vieillissante et faire jaillir une nouvelle façon d’envisager la peur ; plus simple, plus nerveuse, plus directe, le tout teinté d’un certain cynisme. Brisant allègrement le quatrième mur, n’hésitant pas à vitrioler les autres franchises de l’épouvante (voir la géniale ouverture de Scream 4), la formule de Craven avait tout pour offrir un prolongement pertinent une fois transposée sur le petit écran, qui plus est celui souvent aseptisé et hypocrite de MTV. Désillusion, quand tu nous tiens…
La force de Scream réside bien sûr dans son optique très second degré, son dialogue complice avec le spectateur. Il n’est ici plus question de cela, tant la série adopte une tonalité extrêmement sérieuse, frisant parfois le mélo. Si le personnage de Noah, geek devant l’éternel et passionné de films d’horreur permet quelques références et réflexions bienvenues (le très sympathique « Vous ne pouvez pas faire de « slasher » dans une série TV », à la fois aveu de faiblesse et ironie facétieuse), le reste du programme reste englué dans un sérieux mortifère, qui ruine tout espoir de divertissement. S’ajoute à cela une histoire plutôt convenue et qui, là encore, abandonne une partie de l’essence des films. Là où Craven concevait son « Ghostface » comme un personnage à part entière, ramenant la découverte de son identité au second plan, la série appuie lourdement sur l’enquête et ses révélations, noyant son spectateur sous d’étouffants clichés : hôpital abandonné servant de repère au grand méchant loup, secrets de famille qui chamboulent le personnage principal, pièges et surprises en tous genres, twists capillotractés… La lourdeur du script handicape sérieusement la série, l’empêchant toujours de décoller. La conséquence la plus néfaste concerne finalement « Ghostface », qui se contentera de quelques apparitions syndicales, pâtissant d’un nouveau design fainéant et sans personnalité.
Du côté personnages, difficile là encore de trouver quoi que ce soit de vraiment consistant. Incarné par un casting interchangeable et aux performances limitées (seul John Karna, interprète de Noah s’en sort bien, profitant d’avoir le seul personnage intéressant de la série), le groupe de héros s’avère plus agaçant qu’autre chose. Mention spéciale à Emma Duval, héroïne du show, qui évolue de petite pimbêche à véritable tête à claques. Quant aux relations au sein du groupe, elles ne se définissent presque que par « l’amour » à la MTV (comprenez suite inintéressantes de relations éphémères, probablement écrites en fonction des réactions de fans sur les réseaux sociaux). Et ce n’est pas la mise en scène, tout simplement inexistante, qui changera la donne. Aucun travail de cadre, lumière uniforme, effets numériques d’un autre âge… Scream n’échappe hélas pas à la recette de sa chaîne, qui recouvre inlassablement tous ses programmes d’un vernis générique et peu reluisant.
C’est finalement les quelques bonnes trouvailles de la série qui s’avèreront lui asséner l’estocade, mettant le doigt sur l’absence totale de nouvelles idées dont elle souffre en général. Ainsi, on nous présente un tueur maître des nouvelles technologies, menaçant ses futures victimes par le biais de sex-tapes filmées à leur insu, photos compromettantes et montages au goût douteux, etc… Une bonne idée scénaristique, qui fait d'ailleurs écho aux maux de notre société (notamment l'espionnage à outrance, devenu paranoïa collective depuis l'affaire Snowden). Le piratage des webcams et des téléphones et l’utilisation des réseaux sociaux comme armes d’un genre nouveau débouche également sur un jeu ironique savoureux avec le spectateur (90% du public cible passe sans aucun doute sa vie sur son portable). D’ailleurs, l’apothéose de la série survient ironiquement dans l’épisode-pilote (clairement le meilleur du show), où il est bien difficile de ne pas voir dans le personnage de Nina une caricature très caustique des lycéennes américaines qui passent une bonne partie de leur temps… devant MTV.
Malheureusement, la série s’enfonce progressivement dans un premier degré indigeste, laissant son histoire partir en roue libre, s’emmêlant dans des poncifs éculés pour finalement s’achever dans une conclusion nanardesque avec le « Halloween Special » de la saison 2. La série Scream marquera donc les esprits pour son échec, son incapacité permanente à franchir le carcan étouffant de MTV pour aller chercher ailleurs une personnalité nouvelle.