Garde du corps... Un beau métier, certes, mais qui demande de nombreuses vertus... Et Balsa, jeune trentenaire originaire de Kanbal, les possède toutes ! En voilà un personnage féminin charismatique ! Une protagoniste qui s'impose naturellement sous nos yeux empreints de respect. La comparer à une Ellen Ripley ou une Lara Croft ne serait pas dénué de sens, loin de là, à la différence que notre amie manieuse de lance évolue dans un japon féodal teinté de fantasy, un univers dont l'aspect "magique" occupe une place intelligemment mesurée et discrète. Cet art de la mesure, du dosage, se retrouve dans tous les compartiments de la réalisation, et le personnage de Balsa n'en fait pas exception puisqu'elle n'occulte jamais l'importance des autres protagonistes, et ce malgré le riche développement dont elle bénéficie.
Son statut de garde du corps constitue sans aucun doute le thème central de Seirei no Moribito, autour duquel gravitent les choix et les actes de la plupart des personnages, à savoir la protection et/ou le soin d'autrui, ainsi que la place des sentiments dans de tels rapports et l'appréhension de la limite entre profession et complicité, voire intimité... Nous avons là un vaste champ qui peut donner matière à réfléchir, surtout lorsque l'être à protéger sort de l'ordinaire : une orpheline, un prince héritier, un esprit sacré... Et sur ce point-là, Kenji Kamiyama fait preuve d'une justesse plus qu'appréciable au vu de la sensibilité du sujet, et ce quelque soit les personnages mis en relation. Certains de ces couples protecteur(trice)/protégé(e) sont davantage développés puisqu'ils fondent la ligne directrice de l'histoire : Jiguro protège Balsa, Balsa protège Chagum, Chagum protège l'Esprit de l'Eau, protections qui s'imbriquent au fil du temps et des évènements, et qui ne manquent pas d'apporter leurs lots de moments touchants, surprenants, bouleversants. D'autres liens ne sont toutefois pas en reste, à l'image de Tanda qui prend soin de Balsa et Chagum, Touya qui veille sur Saya ou encore Shuga sur les princes héritiers. On pourrait cependant être enclin à critiquer le côté "trop idéaliste" ou "trop pur" de ces relations, reprocher un manque de souillure morale qui rendrait la chose plus réaliste. Cette position se défend, mais je suis pour ma part plus nuancé, car j'ose penser que l'époque et la société dans lesquelles nous évoluons ont eu la fâcheuse tendance à nous faire oublier ce dont l'être humain est capable en matière de qualité d'âme. Et n'oublions pas non plus que nous avons affaire ici à une oeuvre qui a valeur de conte.
Découlant en partie de ce thème central, la qualité de guerrier est très souvent abordée, avec toute la philosophie (à la japonaise) qui peut en ressortir. L'histoire racontée par le forgeron, la condition des 8 guerriers d'élite ou encore les préceptes de Jiguro en sont de belles illustrations, allant de la mentalité du combattant à la relation qui le lie étroitement à son arme mais aussi à celui qui l'a forgée... Ce goût de droiture, d'intégrité émane de chaque épisode, et peut susciter respect voire déférence envers les personnages concernés.
La série consacre également une place de choix aux environnements naturels et à quelques-uns de leurs secrets. Si message écologique il y a, celui-ci demeure néanmoins en toile de fond, et la sensibilisation s'opère dans la plus grande simplicité. Les saisons sont régulièrement mises en avant, notamment à travers l'évocation de l'Esprit de l'Eau ou de la culture du riz. Il est d'ailleurs possible d'établir un parallélisme entre celles-ci et l'évolution psychologique du personnage de Chagum, dont nous suivons le parcours initiatique sur une petite année : un point de départ estival en rupture totale avec sa vie passée, un été durant lequel il va prendre conscience de son état et de son destin, ce qui le mènera lentement vers une mélancolie automnale ponctuée de remises en question, pour aboutir finalement à une période hivernale marquée par l'acceptation et la préparation à sa renaissance du printemps.
Des saisons magnifiées par un travail visuel tout simplement féerique ! Seirei no Moribito n'est en effet pas avare de moments contemplatifs, et sait prendre le temps qu'il faut pour nous enchanter les yeux au gré de ses paysages tout droit sortis d'un conte merveilleux. Une grande maîtrise de l'habillage sonore participe un peu plus à notre immersion, et la musique de Kenji Kawai, associant l'épique et le traditionnel, nous en met littéralement plein la figure par son intensité, sa puissance émotionnelle, mais aussi par son exotisme et son mysticisme. L'opening n'est en revanche pas vraiment en accord avec l'esprit et l'atmosphère des épisodes, selon moi en tout cas. Le scénario, de son côté, se développe progressivement tout en faisant preuve d'une grande pertinence, laissant parfois quelques questions volontairement en suspens pour en apporter les réponses plus tard et dans un contexte plus approprié. Certains épisodes peuvent ainsi paraître inutiles au premier abord, mais il n'en est rien... L'histoire ne contient aucune incohérence notable, aucun cliché, ni aucun manichéisme d'ailleurs, le rôle de "méchant" pouvant finalement être attribué au destin de Chagum. A bien y réfléchir, sans être extraordinaire, la série ne comporte pas vraiment de défaut, et les chapitres se laissent savourer un à un comme des bonbons dans un bocal...
On tombe décidément souvent sur des petites pépites en fouillant parmi les réalisations qui n'ont pas forcément fait grand bruit, et Seirei no Moribito fait partie de ces agréables surprises qui font vivre des moments délicieux et inattendus, et qui ne manquent pas non plus de marquer positivement l'esprit. Le coeur peut occasionnellement se serrer, la gorge se nouer, les yeux s'embuer, mais cette série constitue une leçon de vie qui fait simplement du bien. Elle est remplie de force, de volonté, de courage et d'abnégation. La facilité est rarement une option, si ce n'est jamais, et les protagonistes nous le rappellent régulièrement. Après tout, comme l'a si bien dit maître Jiguro, "il est plus facile d'ôter une vie que d'en protéger une". Balsa n'aime pas la facilité.