Etouffe-chrétien
Je retiens toujours mes rires lorsque l'on présente Mike Flanagan comme le nouveau maître de l'horreur. D'abord parce que ses créations sont moins des œuvres horrifiques que des mélodrames...
Par
le 26 sept. 2021
29 j'aime
1
Voir la série
N’en déplaise aux récurrences, copies médiocres et échecs en pagaille, le genre de l’épouvante-horreur a encore de beaux jours devant lui, ses meilleurs contributeurs continuant de se renouveler : parmi la « nouvelle » garde, quelques noms évidents s’imposent d’eux-mêmes, tels James Wan, Robert Eggers, Ari Aster… et Mike Flanagan, lui qui fait ses armes sur le grand comme le petit écran.
Logiquement associé à l’univers de Stephen King (il a réalisé les adaptations de Jessie et Doctor Sleep), le natif de Salem se fait un nom : la série d’anthologie The Haunting s’arroge de fait un consensus critique très favorable, tandis que l’épineux exercice que composaient les aventures de Danny Torrance aura accouché d’un résultat des plus honorables. Dès lors, son dernier cru, Midnight Mass, s’auréolait d’un intérêt palpable, conforté par la perspective d’une mini-série tenant en sept épisodes.
Premier constat d’ordre global : dans la lignée de King, l’horreur tient ici davantage de l’outil au service de thématiques intimistes. À raison de plus que, en termes de grand frisson, Midnight Mass n’est guère remarquable : s’il propose bien quelques séquences probantes en ce sens, avant tout grâce à sa mise en scène et un montage très efficace (bien que stupide, Bowl va « nourrir » une scène glaçante), le récit donne plutôt la part belle au quotidien de ses personnages.
Celui-ci se veut le fruit de mono et dialogues côtoyant des accès contemplatifs du meilleur effet, psyché et tourments de ces pauvres hères composant, aussi simplement que tortueusement, le terreau d’un drame polymorphe ; tous incarnent et prolongent parfaitement le théâtre morose de Crockett Island, où la foi tient lieu aussi bien du refuge que de l’impasse aveugle : mais deux « étrangers » vont tout changer. Le premier, Riley, retourne au bercail en croulant sous le poids d’un fardeau moral prégnant et le regard altéré de ses proches ; le second est quant à lui un nouveau prêtre drapé de mystères, Paul Hill, bien décidé à révolutionner le destin des insulaires.
Plutôt avare en action et effets horrifiques, Midnight Mass use ainsi de son prisme fantastique pour mieux questionner ses protagonistes et spectateurs ; l’écriture est en ce sens très efficace, quelques portraits attachants et nuancés sortant du lot, bien qu’il convienne de pointer du doigts des lourdeurs dommageables. Car s’il est pertinent de challenger l’influence à double-tranchant des croyances religieuses (ou plus largement dogmatiques), il est regrettable que la série verse peu à peu dans un manichéisme contre-productif, lui qui tend à dépeindre le catholicisme et ses pratiquants comme de fervents aveugles.
S’il en tire fort heureusement un malaise du « meilleur » effet, cellule familiale et rapports sociaux ployant sous la charge d’un drame allant crescendo, Midnight Mass y perd donc des plumes : le dernier épisode tient dès lors de l’évidence, le climax n’est pas aussi dévastateur qu’escompté (bien qu’il le soit). Nous avons beau adorer détester Bev Keane, réincarnation toute désignée d’une certaine Mme Carmody, cette figure emblématique est à tel point unidimensionnelle qu’elle dessert finalement le propos de Mike Flanagan.
Malgré tout, le tableau d’ensemble demeure véritablement qualitatif : la rédemption et le devenir de Riley est un coup de poignard oscillant entre bouleversement et soulagement, tandis que les motivations du Père Paul (dont nous devinons pourtant rapidement l’identité) démontrent parfaitement de la justesse de l’œuvre. Porté par Hamish Linklater, qui nous éclabousse de tout son talent, les rôles du prêtre et de « l’Ange » fascinent mais ne doivent pas occulter les prétentions premières de Midnight Mass : dépeindre le rôle de l’Homme dans son propre endoctrinement, sa propension à maquiller la réalité pour se leurrer lui-même, l’interprétation étant de facto corrélée à tout un jeu de postures, perspectives… et pulsions.
Qu’ils aient été actifs ou passifs, les habitants de Crockett Island auront donc été les premiers artisans de leur damnation : reste quelques figures sauvant la face, mais nul motif de satisfaction dans la lutte… si ce n’est une excellente conclusion, un tomber de rideau à la hauteur d’une série elle-même largement à la hauteur de ses enjeux.
Créée
le 5 nov. 2021
Critique lue 521 fois
5 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Sermons de minuit
Je retiens toujours mes rires lorsque l'on présente Mike Flanagan comme le nouveau maître de l'horreur. D'abord parce que ses créations sont moins des œuvres horrifiques que des mélodrames...
Par
le 26 sept. 2021
29 j'aime
1
Mike Flanagan a du talent. Son écriture pose des jalons thématiques intéressants qu’on voit payer au fur et a mesure que son intrigue et ses personnages se developpent. En revanche les dialogues ca...
Par
le 7 oct. 2021
19 j'aime
5
Depuis le Bureau des légendes et Lost, j'attendais LA série qui allait me transporter, je l'ai trouvée dans Sermons de minuit. Et j'ai envie de la défendre car les critiques négatives lues me...
Par
le 25 avr. 2024
16 j'aime
13
Du même critique
Voilà un film qui m’aura longuement tenté, pour finalement me laisser perplexe au possible ; beaucoup le décrivent comme cultissime, et je pense que l’on peut leur donner raison. Reste que je ne...
Par
le 16 déc. 2014
33 j'aime
Un peu comme Kaamelott avant lui, le portage du Visiteur du futur sur grand écran se frottait à l’éternel challenge des aficionados pleins d’attente : et, de l’autre côté de l’échiquier, les...
Par
le 23 août 2022
29 j'aime
Titre référence de Guy Ritchie, qui signa là un film culte, Snatch est un thriller au ton profondément humoristique ; le mélange d’humour noir à un scénario malin et bien mené convainc grandement,...
Par
le 15 déc. 2014
18 j'aime
3