S'il y a une série de cette dernière année que je recommanderais absolument, c'est bien Severance. Je dirais ce qui s'est jamais fait de mieux en des décennies comme utilisation de l'anticipation (et d'une ambiance à la limite du surréalisme) pour faire se poser des questions philosophiques, pas seulement sur le travail, la servitude volontaire qui apparait au départ comme son thème central, mais sur la définition d'un individu humain, l'identité et la conscience (on peut la voir comme bousculant jusqu'au cartésien "je pense donc je suis", pour faire s'interroger sur "à des moments une partie de moi a pensé telle chose, est elle moins que moi qui finalement ait décidé de penser autre chose ?").
Quelque chose que j'ai particulièrement adoré est son ambiance, empruntant par moments à des séries comiques sur le travail à la Clerks, pour les mâtiner de Le Prisonnier (ou par moments d'une ambiance thriller/espionnage plus classique), et d'un univers visuel labyrinthique évoquant les Backrooms du web profond (voir l'excellente émission Netscape d'Arrêts sur Image sur ce mythe du web), tout en étant aussi plein d'allusions aux creepypastas sur la SCP Foundation, montrant que cette référence visuelle n'est pas fortuite. Si la série se retient de sombrer trop dans le fantastique, il y a un coté presque Lovecraftien* qui s'y insinue parfois, entre deux moments évoquant plus du Philip K. Dick période Ubik.
* (si personne n'y parle encore de sacrifices, que font ils donc à élever des chevreaux dans l'un des mystérieux bureaux de la société évoquée ? Ay ay Shub-Niggurath !).
Enfin l'interprétation et la réalisation m'apparaissent très solides, à l'opposé de ce qui peut être reproché à la plupart des séries Apple+ (enfin on sent qu'il y a avec Ben Stiller un vrai professionnel expérimenté à la manette, si éloignée soit l'ambiance de la série de son cinéma, pas quelques dilettantes ou tout juste sortis d'une école de cinéma étant parvenu à convaincre une société non spécialisée de produire leur truc, comme ça se sent un peu trop souvent avec Apple ou Amazon).
La seule chose qui puisse tempérer mon enthousiasme à son niveau, c'est les quelques doutes qu'on peut avoir sur la capacité à le maintenir quand, forcement, dans les saisons à venir certains mystères vont avoir à être résolus. Mais au vu de cette première saison, je l'imagine difficilement devenir autre chose qu'une œuvre culte.
Je pourrais faire beaucoup plus long en entrant dans les détails du déroulement de l'histoire, mais je pense qu'on ne peut qu'avoir plus de plaisir à découvrir cette série par soi même.