Severance s’érige en faux phare de la critique sociale, tout en restant un artefact bourgeois par excellence, une pièce de spectacle qui se veut intellectuellement provocatrice sans jamais toucher à la structure même du pouvoir qu’elle prétend dénoncer. L’écriture de la série s’inscrit dans un mouvement rétrospectivement nostalgique, un pastiche de dystopie rétro-futuriste où l’esthétique et la forme sont érigées en substituts à une réflexion véritablement radicale. Si la série croit dénoncer la fragmentation de l’individu dans un contexte capitaliste, elle se contente en réalité de l’effleurer sous des couches de mystère, de symbolisme et de décors stylisés, ne remettant jamais en question la genèse même de cette aliénation. Cette mise en scène décorative de l’aliénation est un pur produit bourgeois, une intellectualisation de la souffrance humaine qui la dissocie de la réalité matérielle et qui préfère jouer avec les apparences d’une rébellion pour éviter de se risquer à une véritable critique de classe.
Ce type d’écriture se nourrit de ce qu’on pourrait appeler une "esthétique post-moderne de l’aliénation", où chaque scène semble un collage d'idées et de références, un jeu sur la distance entre le spectateur et le monde présenté. Cela confère à la série un air "intellectuel", un vernis de réflexion qui est surtout une manière de maintenir le public dans un état de contemplation passive. Le spectateur est pris dans un enchevêtrement petés, de mystères, et de dilemmes existentiels qui, sous couvert de complexité, évitent soigneusement de poser des questions sociales concrètes. Cette écriture est une pure illustration de l'idéologie bourgeoise post-moderne qui se déploie dans l’univers capitaliste : elle cherche à choquer, à susciter des réflexions, mais dans les limites de ce qui est acceptable, ce qui ne viendra jamais perturber l'ordre de la domination.
En cela, Severance est la quintessence de l’esthétisation de la critique sociale. Loin de déranger les fondements du système, elle se contente de divertir le spectateur avec des dilemmes moraux et des intrigues suspendues dans le vide. C’est une série qui fait semblant de remettre en cause les structures de domination, tout en maintenant soigneusement son public à l'écart de toute remise en question radicale. Un spectacle bourgeoise de l'aliénation, qui, sous des airs de critique sociale, ne fait que renforcer l'illusion d'une société de classe immuable. C'est une critique molle, un produit du capitalisme culturel, qui vend la souffrance sans jamais en remettre en cause les conditions d’existence.
Quant à la direction des comédiens, elle est tout simplement grotesque. Les performances sont lourdes, rigides, presque caricaturales, comme si chaque acteur cherchait à rendre son personnage "intellectuellement complexe". Là où une direction subtile aurait permis d’introduire une véritable tension, un véritable enjeu dramatique, on se retrouve avec une série de gestes forcés, de regards figés, qui semblent davantage destinés à parodier la profondeur que l’incarner. Les dialogues, pleins de lourdeurs prétentieuses, sont servis par des acteurs qui semblent eux-mêmes perdus dans une mise en scène qui ne parvient jamais à rendre l’aliénation des personnages authentique. L’écriture de Severance est elle-même une parodie de profondeur : chaque phrase est alourdie de prétentions philosophiques qui ne vont jamais au-delà de la surface des choses, répétant inlassablement des lieux communs sur l’aliénation sans jamais les remettre en question véritablement.
Tati a fait mieux que "Severance", avec "Playtime" en 1h55, et c'était en 1967.
Tati n’a pas besoin d’un gimmick pour démontrer l’absurdité du monde du travail : il le fait par l’espace, le rythme, l’aliénation des corps dans un univers qui prétend être fonctionnel alors qu’il est profondément dysfonctionnel.
"Severance", a ce vernis de "critique" mais reste totalement inféodé à la logique de l’entertainment contemporain : le twist, la narration en puzzle, le "prestige TV" qui fait croire à une profondeur alors qu’on est face à un produit libéral prémâché pour spectateur en mal d’expérience immersive.
Même "Mad Men" Il y a 15 piges, est bien plus fin dans son approche du travail que "Severance", précisément parce qu’il ne vendait pas une dystopie caricaturale mais décortique le double-bind du capitalisme "créatif". Dans "Mad Men" Il y a cette illusion / vertige permanent que l’Histoire est faite de tournants radicaux, alors que la structure sociale, elle, ne bouge presque pas.
Chaque perso, à un moment ou un autre, est convaincu qu’un événement extérieur va totalement reconfigurer leur existence ; la révolution sexuelle, les assassinats politiques, la guerre du Vietnam, la contre-culture...
Mais au final, la société absorbe ces chocs, les digère et les recycle en tendances, en publicités, en nouvelles formes de conformisme.
Peggy croit qu’elle va casser le plafond de verre ? Elle grimpe dans la hiérarchie, pero c’est pour reproduire d’autres dynamiques de pouvoir.
Don se rêve en existentialiste libre ? Il est condamné à rejouer éternellement le même cycle de fuite et de retour. Ce que Mad Men mettait en lumière c'est que cette inertie profonde du capitalisme, qui sait tout capter, tout intégrer, et tout maintenir sous contrôle malgré l’illusion du mouvement.
Bref désolée de faire la terroriste, mais j'ai détesté votre merde.