Attention spoilers
Le MCU achève son enchaînement des pires programmes de la phase 4 avec ce peu attendu She-Hulk. Il est clair que cette série centrée sur la cousine de Bruce Banner suscitait beaucoup moins d’attentes qu’un Doctor Strange ou un Black Panther. Parmi les raisons de cette indifférence voire inquiétude, nous pouvons compter le traitement de Hulk qui enchante de moins en moins la fanbase depuis Avengers : Endgame, le bad buzz engendré par les bandes-annonces concernant la modélisation de la protagoniste ou la lassitude de voir des nouvelles versions de nos héros quand le catalogue de personnages chez Marvel est bien rempli. La hype avait tellement de mal à monter que l’équipe marketing s’est sentie obligée de dévoiler les surprises majeures. La série commence sa diffusion et tout le monde parle alors plus de Daredevil que de Jennifer Walters (c’était le cas bien avant la diffusion en réalité…). Après un caméo dans Spider-Man : No Way Home, Matt Murdock signe en effet son grand retour en costume et ce n’est pas pour déplaire au grand fan du héros que je suis depuis la série sur Netflix. Dire que She-Hulk n’attisait pas ma curiosité serait un mensonge, même sans ce cher Murdock j’avais envie de découvrir cette héroïne que je connaissais assez peu et le format s’annonçait un minimum différent des habitudes du MCU. Plus les semaines passent et plus la série fatigue les spectateurs et j’ai pu comprendre pourquoi en rattrapant les épisodes avant le dernier…
Après les arts martiaux de Shang-Chi, la contemplation des Éternels, l’horreur de Doctor Strange in the Multiverse of Madness ou la sitcom de WandaVision, le MCU s’offrait une nouvelle folie avec She-Hulk qui était vendue comme une comédie juridique. Le souci est qu’elle échoue aussi bien dans l’aspect humoristique que juridique. Le format ne me dérangeait absolument pas, si Jessica Gao (la showrunner) était parvenue à produire neuf épisodes indépendants de trente minutes aussi drôles qu’habiles sur l’écriture des procès, tout irait bien. A la place, nous écopons d’un humour qui tombe souvent à plat et de procès qu’il est impossible de prendre au sérieux tant ils sont traités trop rapidement. Le concept de justice pour les surhumains était pourtant séduisant mais les affaires sont ridicules et les accusés posent des problèmes de cohérence. Il y a donc un être immortel dans cet univers dont nous n’avons jamais entendu parler, des humains avec des super-pouvoirs apparaissent comme ça… à moins que ce soit un teasing d’un certain gène X, c’est louche. Il est sans doute mieux de ne rien dire sur ce faux teasing de Ghost Rider…
Les scénaristes ont eu beaucoup de mal à exploiter leur concept. Au contraire de WandaVision qui justifiait sans sourciller ses neuf épisodes, She-Hulk traîne en longueur et nous ennuie avec des épisodes fillers. Le milieu de saison souffre énormément d’enjeux misérables et de sous-intrigues qui n’apportent rien au personnage, à l’univers ou à la série. Je pourrais m’efforcer d’argumenter mais Jennifer dit elle-même que le sixième épisode ne sert à rien. Revenir à des enjeux plus terre-à-terre n’est pas dérangeant, j’ai aimé Hawkeye et Falcon and the Winter Soldier mais ceux de She-Hulk il faut les voir pour les croire. Le format arrive même à desservir le récit : à cause des sous-intrigues indépendantes, un événement aussi considérable que la mise en liberté de Blonsky (un antagoniste qui a ravagé un quartier) ne semble avoir aucune conséquence et est même oublié l’épisode d’après.
Malgré le ridicule de certaines affaires et les enjeux mineurs, la série aborde des questions importantes telles que la libération de Blonsky comme nous venons de voir. Ces éléments majeurs se confrontent à la tonalité humoristique qui en diminue l’impact. Tout est traité avec trop de légèreté pour que ce soit crédible, la série donne même l’impression qu’elle n’est pas canon tant rien ne paraît sérieux. Les exemples sont malheureusement nombreux. J’ai osé croire que Blonsky transformé en gourou auteur de haikus ou en bête de foire cachait quelque chose mais Marvel a ramené Tim Roth pour faire des blagues et le ridiculiser. Wong, de retour parce que « tout le monde l’aime » selon Jennifer, est un sorcier suprême qui a un multivers à gérer mais qui préfère regarder des séries avec une inconnue ou s’occuper de Blonsky, j’espère qu’on nous expliquera les raisons. Dans la catégorie « gâché par la légèreté constante », la Palme revient au teasing d’un film centré sur Hulk qui fait sourire la première fois qu’il est évoqué mais qui laisse un sentiment étrange quand Bruce Banner se ramène tranquillement avec son fils Skaar qui semble loin d’être aussi charismatique que dans les comics (je prends des pincettes car je ne les ai pas lus). Après toutes ces années de bons et loyaux services, Hulk va donc avoir son film solo mais pour le moment l’inquiétude l’emporte sur l’enthousiasme puisque depuis 2019 le milieu des rayons gamma s’éloigne du spectaculaire, du sérieux et de l’épique que promet un World War Hulk.
Tout n’est pas noir quand même dans cette série et je dirai même que tout est vert : Jennifer Walters a.k.a She-Hulk s’impose comme une force. Tatiana Maslany trouve un rôle qui lui va à merveille, on sent qu’elle s’amuse dans la peau indestructible de cette Hulk au féminin. Elle interprète une héroïne attachante, qui porte bien la série (plus que ce que la mise en avant de Daredevil pouvait laisser penser) et qui profite de questionnements intéressants. Jennifer et son alter ego ne font qu’un, le conflit entre les deux n’est par conséquent pas intérieur mais extérieur. La redite est ainsi évitée. La voir être engagée plus parce qu’elle est She-Hulk que pour ses talents fait écho à la question des quotas. Ses réflexions à propos du fait qu’elle est résumée à une Hulk, ce qui efface peu à peu Jennifer, sont intéressantes à suivre. Si au niveau de la puissance et de l’héroïsme la série ne lui permet pas d’évoluer, elle trouve quand même une forme d’évolution en passant de celle qui subit à celle qui peut décider de la fin de sa série. Elle aura tout le temps de devenir un monstre de puissance ainsi qu’une Avenger. Son développement trouve de plus une certaine originalité dans le cadre du MCU quand elle est traitée sous l’angle de sa sexualité. Elle n’évite malheureusement pas deux-trois phrases féministes peu subtiles mais ce qui perturbe le plus est bien évidemment la CGI. Pointés du doigt dès les bandes-annonces, les effets spéciaux sont affreux la plupart du temps, c’est scandaleux de proposer ça avec le budget de Disney. Le combat entre She-Hulk et son cousin lors du premier épisode ressemble à un jeu PS3, The Last of Us part II avait de meilleurs graphismes. On ne croit pas une seule seconde à ce monstre vert tout en CGI, il fallait privilégier le maquillage, les faux muscles même, tout sauf ce qu’on a eu. Espérons que le rendu sera meilleur quand elle agira aux côtés d’autres héros…
Je voulais m’attarder sur les personnages secondaires mais il faut avouer qu’un seul vaut le coup tant les autres sont inutiles ou sous-exploités. Marvel a eu l’excellente idée de faire revenir le grand Charlie Cox en Daredevil dans cette série. Il est encore difficile de se dire qu’ils ont choisi le programme le plus léger et le plus mineur pour mettre en scène cet événement si attendu. Plus la série avance, moins nous avons envie de voir Murdock dans ce ridicule omniprésent. Cela dit comment cacher son plaisir d’assister au retour de Daredevil au sein du MCU quatre ans après la dernière saison de sa série ? Son traitement n'est pas totalement loupé, encore heureux, mais certains passages font grincer des dents. Son entrée dans le tribunal qui précède la démonstration de ses talents d’avocat est un grand respect pour Murdock et le début de la relation avec Jennifer qui suit le procès fait naître une certaine alchimie entre Cox et Maslany. L’épisode dans lequel il intervient est comme par hasard un épisode qui se rapproche de ce qu’on peut attendre d’un arc super-héroïque. C’est justement quand il enfile le costume que tout commence à s’effondrer. Le fan service avec la musique et le combat dans le couloir est forcément jubilatoire d’autant plus avec cette lumière bleue et l’iconisation de l’homme sans peur mais la réalisatrice et la showrunner sont passées à côté du plan-séquence, elles avaient une superbe occasion de rendre hommage et elles ont préféré un montage trop découpé. Pour notre plus grand malheur, elles ont sans surprise ridiculisé Murdock. Elles auraient pu s’arrêter à un rire de Jennifer quand l’excellent avocat dit « I’m Daredevil » mais elles nous font ce plan dans lequel il sort de la maison de She-Hulk en costume et le dernier épisode le fait intervenir en plein jour, au milieu des autres personnages… Je n’arrive pas à croire que le Diable de Hell’s Kitchen, celui qui inspire la peur aux criminels de son quartier puisse se comporter comme ça (même si dans le cas du dernier épisode c’est essentiellement de l’absurde). Rien n’est perdu, ils pourront remonter la pente dans Echo et Born Again mais cette vision du héros me plaît beaucoup moins que la vision sombre, torturée et violente de la série Netflix.
Cette série a été une sorte d’ascenseur émotionnel : premiers épisodes sympathiques puis épisodes fillers ennuyants pour passer à un épisode avec Daredevil qui ne cesse d’alterner positif et négatif et aboutir à un épisode final surprenant et original. Jennifer s’amusait ici et là à briser le quatrième mur et le dernier épisode va aussi loin que possible dans le méta. Enfin un peu d’audace, enfin un passage marquant dans cette série qui avait beaucoup de mal à nous faire sauter au plafond. En plus d’être drôle, ce milieu d’épisode façon Deadpool 2 nous montre un studio qui se livre et qui a conscience des critiques. Après cette prise de conscience, ils ne font pas grand-chose pour s’améliorer et ils se permettent même de manquer de respect aux équipes des effets spéciaux mais c’est tout de même intéressant surtout qu’ils savent rigoler des critiques négatives (l’intelligence artificielle par exemple). Le méta était en réalité déjà présent avant cette séquence, Intelligencia fait bizarrement penser à Twitter et sert à se moquer de ceux qui râlent contre les versions féminines des Avengers. La séquence dans les locaux de Marvel est également amusante pour tous les clins d’œil et teasings mais il y a quelque chose de plus profond. On peut voir dans l’opposition entre Jennifer et KEVIN une certaine analogie de l’opposition entre les créateurs du MCU et Kevin Feige, de ces artistes qui ont diverses ambitions mais qui doivent se plier à la volonté du boss. C’est une thématique passionnante et qu’il me semble nécessaire d’aborder alors quand ce sont les principaux concernés qui s’en occupent, on ne peut que saluer. Si on en croit la conclusion, Feige laisse une certaine liberté à ses créateurs… ça me semble peu crédible mais ils ont au moins fait l’effort de se pencher sur la question.
She-Hulk n’a pas su être à la hauteur des attentes alors qu’elle n’en créait aucune. Portée par une protagoniste pourtant attachante, la série se contente d’enjeux trop minimes et se perd dans des sous-intrigues vides. La légèreté s’avère pénible pour le récit, les personnages (Daredevil en tête) et le spectateur qui a du mal à se sentir impliqué. Malgré un final audacieux, la série n’a pas d’autre choix que de s’imposer comme le programme le plus faible de la phase 4 avec I am Groot et Ms Marvel. Ce terrible enchaînement est enfin terminé, nous allons pouvoir repasser aux choses sérieuses avec Black Panther, What If ou Secret Invasion. Tatiana Maslany s’en sort suffisamment bien pour donner envie de découvrir l’évolution de son héroïne et le fameux long-métrage Hulk est malgré tout intrigant.