Sherlock 2.0 / Saisons 1,2,3 / Sans spoilers
C'est à croire que c'est redevenu la mode. En l'espace de cinq ans, pas moins de deux séries dédiées aux travaux de Sir Arthur Conan Doyle, et plus particulièrement au personnage mythique qu'il a créé, Sherlock Holmes, ont vu le jour: Elementary et Sherlock. Je vais aujourd'hui me focaliser sur la meilleure des deux, à savoir Sherlock, mini-série de 9 épisodes (pour l'instant) pour trois saisons, créé par Steven Moffat et Mark Gatiss, aux épisodes à la longueur peu commune, puisqu'ils font chacun quatre-vingt minutes.
L'idée est simple: faire renaître le personnage si inspirant de Sherlock Holmes, en le plaçant cette fois dans un univers moderne et contemporain, au XXIe siècle. La difficulté majeure: éviter de tomber dans l'écueil du copshow (Les Experts, Castle), qui consiste à faire 24 enquêtes par saison, pour autant d'épisodes, ce qui permet aux chaînes publiques de diffuser ces séries sans ordre donné, tant aucune intrigue principale solide n'est mise en place (ce qui permet aussi à la ménagère de penser à Nathan Fillon pour oublier son mari qui n'est pas encore rentré du PMU).
Mais je m'égare. Pour le reste, je dirais que Sherlock outrepasse avec aisance cet écueil, pour deux raisons: d'abord parce que le format (trois épisodes par saison) rend une telle utilisation de cette série impossible et obsolète. Ensuite, parce que la façon dont est traité le personnage Sherlock est tout à fait atypique puisqu'il confine au anti-héros. Moffat et Gatiss en ont gardé les invariants: la drogue, le chapeau, la marginalité. Cette aspect marginal est d'ailleurs relativement bien exploité par Benedict Cumberbatch, qui incarne le personnage, et qui en fait une sorte d'individu insociable, arrogant, à la limite du syndrome d'Asperger.
Est-ce donc une prémisse à ce que va devenir la carrière de Cumberbatch par la suite, à savoir une réalisation tourné vers le personnage qu'il incarne, de façon à le mettre en valeur le plus possible (Star Trek II, Imitation Game) ? Eh bien oui et non. Si l'on parle des deux premières saisons, l'équilibre entre Sherlock et son compagnon de toujours, John Watson, est très bien géré, tant les épisodes ne se résument pas à : "j'ai pris l'un en otage, l'autre va venir le sauver", ce qui sera davantage le problème de la saison 3. On sent que, dans les deux premières saisons, il y a une certaine cohésion entre les personnages, quelque chose entre l'admiration et le dégoût entre Watson et Sherlock, quelque chose que ne pourra jamais remplacer les minauderies de la saison 3. Une saison 3 qui a sûrement fait baisser la note de cette série tant il me semble qu'elle a perdu par rapport aux deux premières saisons. Cumberbatch fait ce qu'il peut pour maintenir le bateau hors de l'eau, mais les épisodes, surtout les 2e et 3e, ne sont que des accumulations de rebondissements sans aucun sens ni saveur.
On accordera par ailleurs à cette série le don qu'elle a pour ancrer Sherlock Holmes dans le XXIe siècle tout en conservant le ton si british qui faisait l'authenticité du héros à la base: le décor londonien, le thé, Mrs Hudson, Mycroft Holmes sont mêlés à une réalisation 2.0 qui retranscrit numériquement à l'écran tout ce que Sherlock voit, pense ou interprète de ce qui l'entoure. C'est, je trouve, un rendu très efficace, qui surpasse même la manière que Guy Ritchie avait, dans ses deux films Sherlock Holmes, de représenter l'acuité visuelle de son personnage principal. D'autres moments, comme la toute fin de la saison 2, ou la chute de l'épisode 3 de la saison 3, sont également admirables par leur originalité et leur justesse, tant elles correspondent bien à la manière de penser de Sherlock telle qu'on nous la montre dans cette série.
Pour résumer, Sherlock est l'une des meilleures séries britanniques du moment. Oserai-je la qualifier de "prometteuse", comme je l'ai fait pour Vikings ? Non, en fait, parce que si j'ai vraiment adoré les deux premières saisons, dans la mesure du possible (autant que le permettent ces maigres trois épisodes par saison, qui limitent d'ailleurs l'attachement aux personnages), la troisième m'a légèrement laissé sur ma faim. Mais enfin, vu le cliffhanger qu'elle propose, tout est réuni pour nous permettre d'espérer une saison 4 au sommet, au moins au niveau du formidable épisode 3 de la saison 2.